Selon le sociologue, docteur Pascal Oudiane, enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger de Saint Louis, dans les traditions, le mariage est consacré et dans le cadre des mariages précoces, le phénomène est suscité par des intérêts de famille car c’est elle qui donne en mariage.
Il a aussi estimé que l’immaturité physique et cognitive doit exclure toute tentative de mariage avant l’âge légal pour éviter la déperdition scolaire des jeunes filles en mariage précoce. Entretien !
Quelle est l’explication donnée au phénomène grandissante des mariages précoce ?
L’explication passe d’abord par l’appréciation de la coercition du mariage qui est une institution socio-culturelle qui fonde les familles et crée par extension la parenté. Il est utilitariste à partir de la circulation des femmes qu’on donne en mariage entre les familles. Autrement dit, le mariage est suscité par des intérêts de familles.
C’est la cellule familiale qui donne en mariage. L’individu seul ne se donne pas en mariage.
Au pire en l’absence des membres de la famille, le candidat au mariage devra s’appuyer sur un témoin choisi de préférence parmi les proches amis ou connaissances qui par son aval permettra le mariage.
Donc la parenté influe gravement sur la précocité des mariages ?
Le mariage est créateur de lien notamment de parenté et celui-ci est créateur de lien notamment de société. Cependant pour le dernier lien cité, il n’est pas forcément mécanique car pouvant évoluer selon le niveau de modernisation industrielle de la société porté par l’individualisme et l’utilitarisme.
Aujourd’hui sur le fait observé, s’il y a une fréquence élevée de mariages précoces de jeunes filles âgées de moins de 18 ans, l’institution familiale est la première responsable. Encore une fois c’est la famille qui donne en mariage.
Nul n’est sans savoir que les jeunes filles africaines et sénégalaises sont des filles 2.0 pour ne pas dire hautement connectées.
Le rapport statistique « soutien-gorge » et smartphone est plus important que le rapport cigarette- smartphone. La technologie qu’elle soit mobile ou non n’est pas seulement un ticket d’entrée à la modernité, c’est un outil qui se conjugue aussi au féminin.
Cette ouverture aux médias modernes donne accès à nos jeunes aux informations capables de modeler leur personnalité. Ceci explique que les changements de comportements choquent les milieux traditionnels et conservateurs.
Dans les traditions, le mariage est consacré ?
L’âge mature pour accéder à la vie conjugale n’est pas la même avec l’âge légal selon le droit moderne. Selon les usages coutumiers c’est le corps de la jeune fille qui pourra témoigner de sa maturité sexuelle. L’âge légalement autorisé peut ne pas être celui de la maturité physique.
Il peut y avoir une précocité comme il est aussi possible qu’il y ait du retard dans le rapport maturité physique et âge.
Dans les deux traditions notamment moderne et coutumière, ce sont les adultes qui se marient et font des enfants. L’adulte n’est pas exclusivement un produit de l’âge mais c’est une personnalité, un rôle. C’est aussi une maturité physique.
De ce point de vue, la jeune fille peut se sentir adulte par son rôle en société, par sa personnalité, par sa maturité physique et par ses connaissances du monde grâce à la technologie.
Ainsi inéluctablement, elle se sent individuellement prête pour le mariage sans devoir attendre la plénitude de l’âge légal.
Désormais, ce qui va rester pour elle, c’est de chercher la caution familiale puisque c’est le lien légitime qui permet un mariage. Toute union qui ne reçoit pas l’onction familiale ou de la communauté de proches parents et amis n’est pas socialement légitime.
Ainsi peu importe le capital cognitif des jeunes filles qui est construit à partir de l’instruction scolaire ou de la technologie et des réseaux sociaux ou des coutumes et des traditions, la responsabilité des mariages dits précoces selon les perceptions de la société moderne, incombe à la famille qui est la source de leur légitimation sociale.
Pourquoi la famille cautionne le mariage précoce ?
Le rapport « famille et mariage » se lit à travers le prisme des intérêts. C’est parce qu’il y des intérêts que les familles offrent leur fille en mariage ou en reçoivent une en leur sein. Au-delà des ressources monétaires, il y a le capital symbolique à chercher ou à préserver.
Toutes les familles cherchent la bonne famille à laquelle on peut offrir en mariage sa fille. C’est une question de fierté et d’honneur.
En revanche, il faut rappeler qu’il faut réunir toutes les conditions précitées et qui ne relève pas de l’âge pour recevoir l’onction familiale du mariage. En revanche, en l’absence de la maturité physique, un mariage devient impossible au risque de compromettre l’état de santé et la vie de la jeune fille.
Il faut donc n’ont pas sanctionner la jeune fille mais combattre les familles qui soutiennent de telles unions pour accéder ou entretenir un capital symbolique (fierté familiale).
En effet, l’âge est moins important que le capital cognitif et la maturité physique de la jeune fille. L’âge légal ne doit pas être un baromètre pour lutter contre les mariages précoces et ses conséquences mais il faut s’intéresser au corps en question et au cognitif des jeunes filles ciblées.
L’intérêt pour le corps permettra d’apprécier médicalement la maturité physique apte à la sexualité. L’intérêt pour le cognitif permettra de mesurer la capacité de responsabilisation de la jeune fille à la vie du ménage.
L’âge est-il pertinent dans son rapport avec la déperdition scolaire des jeunes filles en mariage précoce ?
Dans le système scolaire actuel, les âges sont encadrés selon le nombre d’années requis pour valider les différents cycles de scolarité. De ce point de vue, les jeunes filles en mariage précoces sont désavantagées en perdant une partie importante de leur cycle d’instruction.
En revanche, les progrès liés à la critique du modèle d’école à la jules ferry et l’avènement de l’enseignement à distance et de l’IA (intelligence artificielle) vont à l’avenir probablement contribuer à raccourir le temps de scolarité afin d’imprimer beaucoup plus de pragmatisme au cursus scolaire des élèves. Les outils technologiques sont efficaces pour combler l’absence d’instruction des jeunes filles précoces en mariage.
L’immaturité physique et cognitive doit exclure toute tentative de mariage avant l’âge légal.
sudquotidien