LE DOIGT SUR LA PLAIE•Arthrose prématurée, pouce en « Z », tendinites, déformations… Autant de pathologies qui apparaissent chez des patients de plus en plus jeunes et dont l’utilisation intense de smartphones pourrait être une cause

Faut pas poucer. La généralisation des smartphones à écrans tactiles a érigé nos pouces au rang de superstars. Des superstars qui, rançon du succès oblige, souffrent d’un statut lourd à porter. Des heures à swiper, scoller, tapoter, le tout dans une position tout sauf naturelle.

Pour autant, cela est-il préjudiciable à la bonne santé de nos pouces ?

En fait, on ne le sait pas encore avec certitude, par manque de documentation sur le sujet. Une chose est sûre, certaines pathologies de la main et des doigts apparaissent chez des sujets de plus en plus jeunes, et l’utilisation intensive des smartphones n’y est sans doute pas étrangère.

En 2016, une « étude » commandée par un opérateur de téléphonie britannique affirmait que l’utilisation de smartphones avait provoqué « des changements anatomiques chez une partie de la population ».

Sauf que cette étude n’était en fait qu’un sondage sans fondement scientifique réalisé auprès de 2.000 utilisateurs.

« Le lien de causalité entre l’utilisation quotidienne et répétée des téléphones et des pathologies des articulations est quelque chose qui fait débat », tient à rappeler le docteur Aurélien Aumar, chirurgien orthopédique spécialisé dans la main à l’unité SOS mains de Lille. Selon lui, pour déterminer avec certitude que les smartphones abîment les doigts des jeunes, « il faudrait une cohorte de 1.000 personnes de 16 à 26 ans que l’on suivrait sur 30 ans ». Ce qui n’est pas le cas.

La moyenne d’âge des patients baisse

Mais si l’on ne peut démontrer à ce jour, faute d’étude, que l’utilisation intensive de téléphones portables favorise telle ou telle pathologie articulaire des mains, il existe tout de même un faisceau de présomptions qui vont dans ce sens. « Ce qui est certain, c’est qu’au niveau de l’arthrose de la main en général, et notamment celle au niveau du pouce, l’utilisation du smartphone avec les pouces en opposition sollicite beaucoup plus les articulations. Potentiellement, cela peut les abîmer à terme », reconnaît le chirurgien.

Certes, les spécialistes ne voient pas déferler en consultation des vagues d’adolescents aux pouces déformés à force de scroller sur TikTok.

Pour autant, la moyenne d’âge des patients souffrant d’arthrose du pouce est en train de baisser : « on avait l’habitude de dire que cette maladie touchait essentiellement les femmes de plus de 55 ans. Aujourd’hui, 15 à 20 % des patients sont des hommes dès 45 ans », constate le Dr Aumar.

Pour lui, si l’on ne peut exclure des facteurs exogènes, comme la massification de l’utilisation des smartphones, il faut surtout prendre en compte le fait que l’on détecte mieux et plus tôt cette pathologie.

Dans le doute, faut-il lâcher nos précieux ?

Pas forcément, la règle d’or étant la même que pour l’alcool : avec modération. Déjà, selon le spécialiste, il ne faut pas avoir la folie des grandeurs et utiliser un smartphone adapté à la taille de sa main, « pour éviter les tendinites ».

Si le mal est déjà fait, pas de panique.

« On peut consulter un kinésithérapeute pour corriger les vices d’utilisation de la main qui provoquent des douleurs », explique le chirurgien. Pour l’arthrose du pouce, la mise en place d’une prothèse est aussi une solution. « C’est une opération qui s’effectue en ambulatoire, précise le Dr Aumar.

Cela permet d’éliminer la douleur et de récupérer toute la fonctionnalité du pouce. » On peut aussi se restreindre, en attendant que l’évolution donne à l’humanité des pouces adaptés au scrolling.

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