Certains médicaments de la famille des antidépresseurs – mais pas tous ! – favorisent la prise de poids. Le plus souvent, elle se limite à deux ou trois kilos. Il est possible de modifier le traitement pour éviter cet effet indésirable.

Publié le  par Sylvie DellusExpert : Dr Hervé Javelot, pharmacien, responsable du centre de ressources et d’expertises en psychopharmacologie du Grand Est.

Parmi les effets secondaires que les patients attribuent aux antidépresseurs, la prise de poids compte parmi les plus gênants. Est-ce un mythe ou une réalité ? Pour le Dr Hervé Javelot, « c’est une réalité indéniable. Mais tous les antidépresseurs ne sont pas logés à la même enseigne », répond ce pharmacien, responsable du centre de ressources et d’expertises en psychopharmacologie du Grand Est.

Les antidépresseurs qui ne modifient pas vraiment le poids

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), comme la fluoxétine, la paroxétine ou la sertraline, comptent parmi les antidépresseurs les plus fréquemment prescrits à l’heure actuelle. Au début du traitement, ces ISRS auraient plutôt tendance à faire maigrir.

Ils peuvent, en effet, occasionner quelques désagréments digestifs (nausées, diarrhées…) qui ont tendance à couper l’appétit. Heureusement, ces effets indésirables s’estompent avec le temps, et tout finit par rentrer dans l’ordre. Après six mois à un an de traitement, le bilan de l’impact sur le poids est « assez neutre » selon le Dr Javelot.

À plus long terme, le tableau doit être « nuancé », tient à souligner le spécialiste : « Parmi les données disponibles avec les ISRS, une étude sur le trouble panique montre une prise de poids avec ces traitements après un an, tandis qu’une autre étude rétrospective avec un suivi sur 4 ans montre une augmentation moyenne du poids de près de 5 % », observe-t-il.

Le schéma est sensiblement le même avec une autre classe d’antidépresseurs : les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, comme la venlafaxine ou la duloxétine. Ces médicaments n’ont pas d’effet réellement significatif sur le poids.

Certains antidépresseurs stimulent clairement l’appétit

Les antidépresseurs tricycliques, comme l’amitriptyline ou la clomipramine, ont tendance à ouvrir l’appétit, ce qui peut se traduire chez certains patients par une prise de poids. Ces tricycliques ne sont prescrits qu’après échec d’autres médicaments.

Autres antidépresseurs, la mirtazapine et la miansérine peuvent elles aussi faire légèrement grossir, malgré un mode d’action différent des tricycliques.

La dépression a aussi un impact sur le poids

« La prise de poids liée à la prise d’un antidépresseur reste, en général, limitée à deux ou trois kilos en moyenne », rassure le Dr Javelot. L’impact réel varie d’une personne à l’autre, en fonction de la maladie. Deux cas de figure sont possibles :

Dans la plupart des cas de dépression, la personne n’a plus envie de rien, la nourriture ne l’intéresse plus et elle souffre d’insomnies. Au bout du compte, elle maigrit.

Chez ces patients, la prise de poids liée à la prise d’un antidépresseur passera le plus souvent inaperçue. « La personne récupère son poids et ne va pas s’en alarmer », observe le Dr Javelot.

Plus rarement, certains patients dépressifs ont tendance à grossir car ils dorment trop (hypersomnie) et leur appétit est décuplé. Dans ce cas, il faut s’attendre à ce que la prise de certains antidépresseurs accentue le phénomène.

Autre paramètre à prendre en compte : l’anxiété. Elle accompagne souvent la dépression, avec des effets variables sur l’appétit donc sur le poids. « En situation de stress, certains ne mangent plus, d’autres se réfugient dans le grignotage », rappelle le Dr Javelot.

Enfin, d’autres médicaments que les antidépresseurs peuvent engendrer une prise de poids. C’est le cas des thymorégulateurs comme le lithium, des régulateurs de l’humeur indiqués dans les troubles bipolaires.

Comment éviter la prise de poids ?

Confrontés à cet effet indésirable, certains patients sont tentés d’arrêter leur traitement antidépresseur. Ce n’est évidemment pas la bonne option. Au contraire, il vaut mieux parler ouvertement du sujet avec son médecin, car des solutions alternatives existent : « quelle que soit la stratégie médicamenteuse, il y a possibilité de s’adapter », rassure le Dr Javelot.

Chaque classe d’antidépresseurs comporte plusieurs molécules qui n’ont pas toutes les mêmes effets indésirables. Le médecin peut modifier son ordonnance pour en tenir compte.

Pour lutter contre ces kilos supplémentaires, les conseils classiques restent valables. Dans l’idéal, il faudrait limiter les aliments gras et sucrés et bouger davantage pour éviter de grossir. En réalité, ces conseils avisés ne peuvent pas toujours être suivis. 

« La dépression s’accompagne souvent d’un ralentissement psychomoteur qui ne facilite pas la pratique d’une activité physique, même si elle est bénéfique. Les difficultés sont les mêmes au niveau alimentaire », observe le Dr Javelot.

Pour ce spécialiste, il est important que le médecin « tende une perche » à son patient en l’interrogeant sur les effets secondaires de ses médicaments. « Il est recommandé qu’un patient mis sous antidépresseur soit revu une fois par semaine en début de traitement pour parler, en particulier, de la tolérance », rappelle-t-il.

santemagazine

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