Les experts redoutent un séisme social alors que le gouvernement annonce des mesures d’austérité. La suppression des subventions sur les produits de première nécessité et la baisse des salaires font craindre un effondrement du pouvoir d’achat
Le gouvernement a décidé de prendre des mesures fortes pour apporter des solutions à la situation sombre des finances publiques. Parmi celles-ci, il y a la réduction des salaires de certains fonctionnaires, la suppression des subventions et des exonérations.
Selon les économistes, ces mesures vont avoir des impacts négatifs sur les Sénégalais notamment le niveau de consommation des ménages.
Pour faire face à la situation « catastrophique » des finances publiques, le secrétaire général du gouvernement Ahmadou Al Amine Lo a fait une sortie avant-hier dimanche pour annoncer que l’Etat prendra un certain nombre de mesures.
Parmi celles-ci, il a cité la réduction des salaires de certains fonctionnaires, la suppression de l’exonération ainsi que la suppression des subventions sur l’électricité, le carburant et l’eau.
Des mesures qui vont avoir des impacts négatifs sur le niveau de consommation des ménages.
« La plupart de nos entreprises vivent grâce à un certain nombre de subventions comme celle liée à l’énergie. L’arrêt de ces subventions peut donc favoriser la hausse des prix. Parce que les subventions permettent aux entreprises de maintenir les prix à un niveau moins élevé.
Cela entrainera un abaissement des niveaux de consommation, et entrainera à court terme des pertes d’emplois.
Parce que les entreprises vont se retrouver fragilisées. Ce qui peut mener à un processus de licenciement », a indiqué Dr Souleymane Keita, enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Selon lui, la suppression de ces subventions peut causer aussi une réduction des investissements..
« S’il n’y a pas de subventions, l’entrepreneur privé tout comme public ne peut plus être incité à investir.
Quand on investit, on s’attend à ce que l’Etat nous accompagne », explique-t-il.
L’arrêt des subventions va également impacter les ménages modestes. Parce que, dit-il, la plupart des produits subventionnés que ce soit l’électricité ou le gaz profite à ces ménages. Ce qui peut accentuer les inégalités économiques. « Globalement lorsqu’une telle mesure est prise, il faut s’attendre à court terme à une augmentation générale des prix.
Parce que tout simplement la plupart de nos produits sont des dérivés de l’énergie. Cela va avoir sûrement de l’impact sur le niveau de consommation des ménages », prévient-il.
Concernant la baisse des salaires de certains fonctionnaires, il pense que cela pourra entrainer une baisse du niveau de production des entreprises. « L’économie est un ensemble. Quand on parle d’économie, c’est la consommation et l’investissement. La consommation, c’est lorsqu’on a un pouvoir d’achat pour acheter des biens et des services.
Mais quand vous baissez le salaire, déjà vous baissez le niveau de consommation et vous baissez par la suite, le niveau de production des entreprises, parce que l’économie, c’est la loi de l’offre et de la demande » a-t-il relevé. Toutefois, Dr Keita reconnait que l’Etat a pris ces mesures pour avoir des effets positifs sur les finances publiques. Selon lui, l’arrêt de ces subventions permettrait donc de réduire le déficit budgétaire
Pour sa part, l’économiste et enseignant-chercheur Mor Gassama pense que si l’Etat devrait supprimer la subvention, cela devrait être pour les couches aisées. « En principe, il ne devrait pas s’agir de baisser les subventions ou de les supprimer. Mais si on devrait le faire, c’est plutôt des subventions ciblées cela veut dire réserver la subvention aux couches défavorisées.», recommande-t-il.
S’agissant de la réduction des salaires, il souligne que s’il y a nécessité de le faire, ce serait plutôt les salaires des ministres, des directeurs généraux et des Pca.
« D’après les résultats sortis du rapport d’audit des finances publiques qui a été publié par la Cour des comptes, forcément des mesures s’imposent. Il faudra penser à rationaliser les dépenses publiques. En ciblant les salaires des ministres, des directeur généraux et des Pca, on peut comprendre.
Mais pour la plupart des fonctionnaires, je ne pense pas qu’on toucherait à leur salaire parce que déjà les gens se débrouillent pour joindre les deux bouts. Pour permettre aux entreprises de produire, il faudrait que les gens aient un pouvoir d’achat », a-t-il laissé entendre.
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