Des médecins et anthropologues ont plaidé, mardi, à Dakar, pour la mise à disposition d’études sur l’usage des drogues afin de changer de paradigme dans la lutte contre ce phénomène dont la dimension répressive comporte “des insuffisances”.

“Il est important d’avoir des informations qui permettent une prise de décision”, a déclaré docteur Karim Diop, secrétaire général du Centre régional de recherche et de formation à la prise en charge clinique de Fann (CRCF).

S’exprimant au cours d’un colloque international sur le rapport entre les sciences sociales et les drogues en Afrique francophone, il a fait observer que “toutes les stratégies” de lutte “montrent qu’avant de mettre en place un dispositif, il a fallu faire des études”.

Les études aident les décideurs à prendre les décisions qu’il faut, a souligné le docteur Karim Diop, ajoutant que la drogue s’imposant de plus en plus à la société, “il faut qu’on puisse avoir des moyens nouveaux de la contrer”.

“En Afrique, les statistiques sont faibles, le Sénégal est peut être en avance avec quelques études”, a indiqué le médecin, selon lequel la dernière étude disponible à ce sujet date de 2011.

Il précise que cette étude “démontre qu’il y a des utilisateurs de drogues injectables sur une population très distincte de 1326 personnes avec une prévalence élevée de VIH avec 9,8% chez les usagers de drogues alors que la prévalence nationale est de 0,8%”.

D’où l’importance, dit-il, de mener une enquête pour avoir une idée de la prévalence nationale notamment chez les jeunes.

“Il y a des aspects inductifs, c’est-à-dire qu’on a des informations sans qu’elles fassent l’objet d’une étude”, a expliqué le secrétaire général du Centre régional de recherche et de formation à la prise en charge clinique de Fann.

La consommation de drogue, “sujet tabou en Afrique”

Une autre dimension de la question concerne “la consommation des conducteurs, il y a tellement d’accidents de la circulation qui nous poussent à nous demander [ce que les automobilistes ont pu consommer]”.

Sur l’axe menant de Dakar à Kaffrine, insiste le docteur Diop, “il faudra qu’on arrive à mettre des tests pour voir la consommation de ces gens-là”.

Antoine Gauthier Dione, anthropologue et enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, est lui parti de plusieurs constats, à partir desquels “des décisions scientifiques et humaines” ont été prises en matière de lutte contre la drogue.

“Il a été constaté que beaucoup de jeunes sont dans des trajectoires de consommation de drogues avec des difficultés à la fois sociales et sanitaires”, a expliqué M. Dione.

Il signale que des études ont commencé ”très timidement” en 2010, en Afrique de l’Est et du Centre.

“Au début, on n’avait pas l’accompagnement comme on le souhaitait, parce que c’était resté un sujet tabou”, avance l’anthropologue.

Aussi, dans ce contexte, le seul traitement réservé aux consommateurs de drogues, c’était selon lui la criminalisation, la prison.

“Il a fallu continuer à faire des recherches dans le cadre de la médicalisation pour apporter des solutions médicales”, a-t-il ajouté, notant que cette l’approche médicale s’explique par le fait que les recherches en anthropologie avaient montré que les consommateurs de drogues étaient dans des trajectoires difficiles.

“Ils demandaient des soins adaptés à leur situation parce que plusieurs d’entre eux ont essayé d’en sortir mais n’ont pas pu avec les moyens du bord”, a-t-il expliqué.

Il s’y ajoute qu’au Sénégal, le constat état qu’il y avait un vide en matière de traitement, ce qui a conduit à la sur pied d’un réseau scientifique de recherche sur les drogues, signale docteur Karim Diop.

Les initiatives mises en oeuvre dans ce cadre ont notamment permis de mettre en place un dispositif adapté pour les consommateurs de drogues et représenté par le Centre de prise en charge intégrée des addictions de Dakar (CEPIAD).

Selon docteur Diop, cette structure “apporte des réponses appréciables dans la prise en charge des addictions”.

APS

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