Si l’ancien président a ressuscité la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) pour régler des comptes politiques, le Pool Judiciaire Financier (PFJ), qu’il a mis en place avant son départ du pouvoir, est en train de se retourner contre lui
Si Macky Sall a ressuscité la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) pour régler des comptes politiques, le Pool Judiciaire Financier (PFJ), qu’il a mis en place avant son départ du pouvoir, est en train de se retourner contre lui et son entourage. Cette chambre judiciaire pourrait devenir son meurtrier.
Un vrai parricide en téléchargement pour l’ancien président de la République.
Tout porte à croire que nous allons assister dans les prochains jours à un ballet de beaucoup d’anciens dignitaires du défunt régime devant les juges du Pool Judiciaire et Financier (PJF).
Après les arrestations de Farba Ngom et de Tahirou Sarr pour association de malfaiteurs, d’escroquerie et de blanchiment de capitaux portant sur plusieurs milliards, la liste pourrait s’allonger. Mais c’est l’exChef de l’État, Macky Sall, et de son fils Amadou Sall, dont les noms sont agités, qui risquent de donner une nouvelle tournure à l’exercice de la reddition des comptes enclenché par les nouvelles autorités.
L’ancien et non moins tout puissant locataire du Palais, bien que vivant au Maroc depuis la perte du pouvoir de son camp, n’a pas encore échappé à la machine de la justice pour faire la lumière sur les douze années de sa gestion. L’actuel régime, comme promis lors de la dernière campagne présidentielle, ne semble aucunement reculer dans cette promesse devenue une demande sociale.
Ce, d’autant plus que des voix s’élèvent pour imputer la responsabilité de la situation économique que traverse le pays à la mauvaise gestion de Macky Sall qui, malgré son immunité présidentielle, pourrait être extradé afin de répondre de ses actes.
Quand Macky se servait de la CREI à des fins politiques…
Le pouvoir du président Abdou Diouf a été marqué, dès son entame en 1980, par une vague de frustrés de certains barrons du PS qui voulaient contester son autorité. Pour les contraindre à se mettre dans les rangs, il a mis en place la CREI (Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite) en 1981 comme épée de Damoclès mais sans jamais la mettre en action.
Son successeur, Me Abdoulaye Wade, l’avait à peine agité avant de la remettre dans les tiroirs.
Mais c’est sous l’ère Macky Sall que la juridiction a été véritablement réactivée pour, disait-il, lutter contre les biens mal acquis. Sa décision de ressusciter cette très contestée juridiction dépassée et antidémocratique lui avait fait essuyer des attaques de toutes parts. C’est pourquoi beaucoup avaient plaidé poursa suppression ou tout au moins sa conformité aux engagements internationaux du Sénégal.
Mais il faut le dire, vu la tournure prise par la CREI, la raison principale de sa réactivation était politique à tout point de vue.
Car une fois au pouvoir, piqué par le syndrome de la plupart des Chefs d’État africains, Macky Sall tenait à se faire réélire à tout prix pour au moins un second mandat. Il se lance alors dans des calculs politiciens sans se soucier outre mesure des règles démocratiques ou du respect de la constitution. Le premier acte a consisté à mettre hors d’état de nuire tout opposant susceptible de lui barrer la route.
La CREI, mise en branle en 2015, s’abat sans état d’âme sur Karim Wade alors que vingt-cinq autres personnes du PDS, citées par le procureur pour la reddition des comptes, ont fini par rejoindre le parti au pouvoir, seul gage pour échapper aux poursuites.
Au terme du procès fortement médiatisé de Wade- fils, le verdict sans appel tonne comme une arme à destruction massive : une condamnation à six ans de prison ferme et une amende de 138 milliards de francs pour enrichissement illicite.
Mais le plus écœurant, c’est que malgré tout le tintamarre fait autour de ce procès, Karim Wade a été finalement déporté hors du pays avant même d’avoir purgé toute sa peine dans des circonstances aussi nébuleuses que la vérité sur le recouvrement du montant pour lequel il a été condamné.
Le PJF : le retour du bâton pour Macky Sall…
Après en avoir terminé avec la CREI, Macky Sall entreprend de la remplacer par le Pool Judiciaire et Financier. Son ministre de la Justice d’alors avait soutenu devant les députés que la CREI, décriée du fait de l’inversion de la charge de la preuve ainsi que l’absence du double degré de juridiction, devait être «évaluée et améliorée pour mieux répondre à une demande de transparence et d’efficacité dans le traitement des dossiers économiques».
Mais c’est avec l’avènement des nouvelles autorités que la structure judiciaire a été installée. Après un début jugé lent, le rythme de traitement des dossiers du PJF s’accélère depuis quelques jours.
Le placement sous mandat de dépôt de Farba Ngom et de Tahirou Sarr ainsi que le refus du juge de leur accorder la liberté malgré le montant de 442 milliards qu’ils ont proposé comme caution peut participer à mettre la main sur d’autres personnes impliquées dans cette affaire.
En attendant, c’est le débat sur la responsabilité de l’ancien président Macky Sall dans cette chaîne de scandales perpétrée par son régime ainsi que son extradition qui sont de plus en plus agitées. Après son fils Amadou Sall dans le collimateur de la CENTIF, c’est le retour de l’exChef de l’État qui est de plus en plus réclamé.
Car beaucoup ont le sentiment que les difficultés que nous vivons au plan économique n’est que le résultat de sa mauvaise gestion sur nos ressources.
Au cas où on en arrivera à mettre la main sur Macky Sall et son fils, ce serait un véritable retour du bâton pour lui et sa famille. Amadou Sall en tant que fils d’un ancien président de la République va hériter du même sort que Karim Wade tandis que son père deviendra le tout premier ancien Chef de l’État sénégalais sous les liens de la détention.
Il faut cependant noter que seule une commission d’instruction de la Haute Cour de justice, mise en place il y a quelques jours et présidée par le Premier président de la Cour d’Appel, est habilitée à entendre l’ancien Président Macky Sall pour haute trahison. Ce qui n’est pas le cas pour les ministres qui peuvent être entendus par ladite commission pour toutes infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.
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