Le récent déplacement du Président Diomaye Faye sur le site de Mbour 4 a mis en lumière un vaste réseau de spoliation foncière impliquant des hauts cadres de l’administration sénégalaise.
Les déclarations du Chef de l’État ont seulement révélé que des personnalités politiques se sont vu attribuer des terrains de plus de 10 hectares. Cependant, l’ampleur des attributions de lots aux fonctionnaires dépasse l’entendement du citoyen lambda sénégalais.
La situation de Mbour 4 n’est que la partie visible de l’iceberg comme l’avons soutenu dans notre édition du 16 mai 2024.
Des sites tels que BOA, Hangar de pèlerins, EOGEN 1 et 2, Terme Sud, les PUD de Guédiawaye et Malika, le Lac Rose, et les ZAC sont également concernés. Derrière ce vaste accaparement de terres se cachent des individus ayant disposé d’un pouvoir de signature et de facilités d’attribution pendant plus d’une décennie, se constituant ainsi un patrimoine foncier et financier considérable.
La liste des attributaires de Mbour 4, bien que promise, n’a toujours pas été dévoilée et risque de rester inconnue des Sénégalais.
Depuis 2014, sous le régime sortant, un système ingénieux a été mis en place pour détourner des lots distraits de titres fonciers de l’État. Ces lots sont ensuite attribués par la commission de contrôle des opérations domaniales (CCOD).
Grâce à cette commission, de nombreux hauts fonctionnaires ont pu amasser un patrimoine foncier et financier en revendant des lots, en cédant des baux ou en hypothéquant des terrains.
Les attributions de lots, souvent faites à des prête-noms ou à des entrepreneurs spécialisés dans la revente de terrains, ont permis à différents membres de la CCOD d’engranger des milliards de francs.
Certains de ces membres sont encore en poste et continuent de profiter de ce système.
Des organisations syndicales et coopératives profitent de la distribution des terrains
En outre, plusieurs organisations syndicales et coopératives de fonctionnaires ont profité de la distribution des terrains, permettant aux responsables de se faire rétribuer grâce à des accords de viabilisation et à des cessions de surplus de terrains octroyés.
Ce « système » a permis au syndicat des impôts et domaines de disposer d’environ deux hectares à Malibu sur le lotissement connu sous le nom de Bada Thiam, ainsi que quatre hectares à Wakhinane Nimzath, en violation du code de l’urbanisme car aucun emplacement pour des équipements collectifs n’a été prévu sur le site.
De même, la coopérative du Cadastre a obtenu une assiette de cinq hectares également à Wakhinane Nimzath, sans oublier un terrain de plus de cinq hectares à Gadaye…
D’autres coopératives de fonctionnaires ont eu également à mener des opérations foncières sur des sites prisés tels que les Almadies 2, la ZAC de Mbao et Keur Ndiaye Lo, illustrant ainsi les possibilités d’enrichissement de certains hauts fonctionnaires.
Le processus d’enregistrement des attributions, impliquant les domaines et le cadastre, ainsi que la cession de baux, a aussi permis des transactions à coup de millions au profit de fonctionnaires.
Les mesures conservatoires prises sur le littoral et sur plusieurs autres sites dans les régions de Dakar, Thiès et Saint Louis risquent cependant de nuire aux droits légitimes de particuliers et d’hommes d’affaires ayant acquis des hectares de terres légalement.
Un notaire nous a confié que l’arrêt des instructions sur certains sites par le nouveau régime pourrait perturber le secteur bancaire, sollicité pour financer des opérations immobilières et prendre des hypothèques.
Toutefois, ces mesures peuvent paraître indispensables pour démanteler le réseau de hauts fonctionnaires nichés au sein de l’administration des domaines, du ministère des finances et du commandement territorial, fortement impliqués dans cette mafia foncière.
Enrichissement illicite
La gestion du foncier par l’entremise du CCOD a engendré des centaines de cas d’enrichissements illicites au sein de l’administration, ce qui doit alerter les autorités sur les véritables bénéficiaires de cette spoliation foncière.
En effet, si la réédition des comptes est systématiquement mise en avant lors des alternances, avec la traque des anciens ministres sans grand succès, c’est parce que nous avons souvent mal identifié les « présumés coupables ».
Les politiciens sont fréquemment accusés à tort, comme ce fut le cas pour Farba Senghor en 2012, lorsque la rumeur publique et une certaine presse lui attribuaient un compte bancaire de plusieurs milliards de francs CFA, tandis que Karim Wade dépassait le milliard d’euros avec la mise en branle de la CREI.
La mafia foncière au sein de l’administration sénégalaise est une véritable bombe à retardement, nourrie depuis des décennies, qui mérite d’être démantelée. Nous y reviendrons.
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