La publication d’un nouveau gouvernement appelle une lecture politique de sa composition, de ses objectifs annoncés et présumés et de beaucoup d’autres considérations.
Même si nous notons la présence de quelques technocrates reconnus particulièrement au niveau du secteur de l’économie, du plan, des finances et du budget, c’est clairement un gouvernement politique, structuré en vue d’espérer s’imposer aux élections présidentielles de 2024.
La présence remarquée des ministres de la région de Dakar traduit la volonté politique d’inverser les rapports de force dans ses cinq départements perdus par Benno Bokk Yaakaar (BBY) lors des élections législatives du 31 juillet 2022.
Le nombre de ministres jeunes a augmenté. Le gouvernement en se rajeunissant tente de gagner la sympathie de la jeunesse qui s’est tournée progressivement vers l’opposition. L’électorat sénégalais est majoritairement jeune. Le recul du pouvoir dans cette tranche d’âge est un des facteurs essentiels de son recul électoral et de son échec lors des dernières élections législatives.
Les débateurs de BBY sur les plateaux de télévision font une apparition notable dans l’équipe gouvernementale. De même l’arrivée d’un journaliste connu avec rang de ministre pour coordonner la communication de la Présidence de la République est une réponse au déficit et à la mauvaise communication unanimement reconnue du gouvernement. Ainsi le nouveau gouvernement est-il composé avec des profils pour apporter la riposte à l’opposition et tenter de permettre au gouvernement de reprendre l’initiative au niveau de la communication.
Le Gouvernement répond à une préoccupation essentielle dans la marche vers février 2024. En effet les potentiels candidats de BBY concurrents au Président de la République sont tous dans l’équipe gouvernementale. Le Président de la République détient seul le chronogramme de la date d‘annonce de sa décision de candidature. Tant qu’ils sont dans le gouvernement, ils sont prisonniers de cette décision. Imaginez que le Président de la République décide d’annoncer sa candidature pour l’élection présidentielle tardivement au mois de novembre 2023. Les trois candidats potentiels de BBY n’auront d’autre choix que de soutenir sa candidature car le temps sera alors trop court pour se préparer pour espérer gagner ces élections.
Ce gouvernement apparaît ainsi comme un piège pour annihiler toute velléité de candidature dissidente dans BBY. Il fallait endiguer au plus vite la fronde de Madame Aminata Touré née de l’élection sur la proposition du Président de la République du Président de l’Assemblée nationale.
Le retour de mon collègue juriste rédacteur de la constitution au ministère de la justice dans cette période critique ne peut que nous rappeler les affaires de justice en cours de messieurs Barthélemy Diaz et Ousmane Sonko et, aussi, la légalité de la troisième candidature sur laquelle le Conseil constitutionnel pourrait être amené à se prononcer.
Le nouveau gouvernement n’est pas exempt de reproches au sein de BBY. Certains affirment qu’une part belle a été réservée aux départements ou aux communes dans lesquelles BBY a perdu. D’autres s’inquiètent que des ministres issus des grands bastions électoraux de l’APR comme Matam, Podor ou Fatick ne soient pas reconduits. Cette situation pourrait créer des fissures au sein de l’APR que l’opposition serait capable de saisir pour enfin avoir une réelle implantation dans les régions de Matam et de Fatick et dans le département de Podor.
C’est donc un gouvernement de combat qui est mis en place. Aura-t-il l’efficacité et l’efficience recherchées? Rien n’est moins sûr. Car une ou des candidatures à la présidence de la République pourraient à tout moment hypothéquer son avenir.
Le ver n’est-il pas déjà dans le fruit?
Dakar, lundi 19 septembre 2022
Mary Teuw Niane
xibaaru
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