Le virus du Covid-19 infecte les cellules du tissu adipeux et y provoque une inflammation, expliquant probablement pourquoi les personnes obèses sont très à risque de faire un Covid sévère. Mais la façon dont il infecte les cellules adipeuses reste un mystère.
obésité et Covid en réanimation
Une personne en surpoids et atteinte de Covid-19 est allongée sur le ventre dans un service de réanimation de Barcelone en août 2021.
Si les personnes obèses et en surpoids sont plus susceptibles de déclarer un Covid-19 sévère, c’est que le tissu graisseux est sensible à l’infection par le virus. La forte réaction inflammatoire qui en résulte semble contribuer à la gravité de la maladie, conclut une étude de l’université de Standford (Etats-Unis) publiée dans la revue Science Translational Medicine.
Le Covid-19 touche durement les personnes en situation d’obésité
“Les personnes obèses ont jusqu’à 10 fois plus de risques de mourir du Covid-19″, explique dans un communiqué la chercheuse Tracey McLaughlin, qui a co-dirigé ces travaux. “Plus de 47% des patients infectés entrant en réanimation sont en situation d’obésité”, analysait d’ailleurs le ministère de la Santé en juin 2022. Pour l’expliquer, les chercheurs de tournent vers le tissu adipeux. « Une inflammation de ces tissus a déjà été observée dans le cadre d’une infection par le virus de la grippe », explique à Sciences et Avenir Catherine Blish, deuxième co-directrice de ce nouveau travail.
Reste à comprendre comment les cellules qui le composent, les adipocytes, réagissent au virus du Covid-19, le SARS-CoV-2. Pour cela, les chercheurs infectent en laboratoire des tissus prélevé sur des personnes obèses pendant une chirurgie bariatrique ou cardiaque, et analysent des échantillons prélevés sur des coeurs, reins et poumons de patients obèses décédées du Covid-19.
Une réaction inflammatoire dans les tissus graisseux
« Le tissu adipeux est clairement infecté par le SRAS-CoV-2 chez les personnes atteintes d’une forme grave de Covid-19, où il est capable de provoquer une réponse inflammatoire qui pourrait contribuer à la gravité de la maladie », révèle Catherine Blish. L’équipe a en effet constaté que le virus pouvait se répliquer au sein des adipocytes, mais également infecter les macrophages (des globules blancs, cellules actrices de l’immunité) qui résident dans les tissus graisseux. « Bien que l’infection soit stoppée dans les macrophages (aucun virus viable n’en sort pour infecter d’autres cellules, ndlr), l’infection des macrophages entraîne une réponse inflammatoire qui pourrait être préjudiciable pour le patient », affirme Catherine Blish. Cette infection des macrophages induirait une inflammation à la fois locale et systémique.
Le virus du Covid-19 n’utilise pas sa porte d’entrée habituelle
« Nous avons été très surpris de constater que le virus ne semble pas entrer par l’ACE2, le mécanisme d’entrée standard du virus SARS-CoV-2 », ajoute la chercheuse. Le récepteur ACE2 est une protéine présente à la surface de nos cellules, et qui sert habituellement de porte d’entrée au virus du Covid-19 via sa fameuse protéine virale Spike. Or, l’équipe n’a détecté aucune ACE2 fonctionnelle dans le tissu adipeux. Une vraie surprise, alors que de précédents travaux montraient la présence d’ARN (le guide de fabrication des protéines) d’ACE2 dans des adipocytes. Mais l’équipe démontre dans ces nouveaux travaux que cet ARN n’est présent que de façon sporadique, et que l’entrée du virus du Covid-19 dans les cellules graisseuses ne dépend pas d’ACE2. Mais dans ce cas, comment l’infection se fait-elle ? Mystère. « Il s’agit là d’un domaine important de recherche future », appuie Catherine Blish.
Epidémies d’obésité et de Covid long
Les implications thérapeutiques et préventives de ces travaux dans le futur concernent une grande part de la population. Car si 17% des Français souffrent aujourd’hui d’obésité, le surpoids (incluant l’obésité) concerne plus de 47% de la population, d’après l’enquête Obépi-Roche de 2021. Une proportion qui ne cesse d’augmenter.
« De plus, si les adipocytes constituent un réservoir pour l’infection virale, cette source continue de réplication pourrait alimenter le Covid Long », suggèrent les chercheurs dans la publication. 30% des cas de Covid-19 débouchent sur un Covid long, syndrome durant au minimum deux mois et dont les symptômes incluent souvent la fatigue, l’essoufflement, la perte d’odorat ou le dysfonctionnement cognitif.
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