L’Afrique de l’Ouest, principal importateur de lait en poudre sur le continent, est confrontée à un dilemme : répondre à une demande croissante en produits laitiers tout en développant ses filières locales.

Bien que des campagnes militent pour une interdiction des importations, Christian Corniaux, directeur adjoint de l’Unité de recherche Selmet du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), avertit qu’une telle mesure pourrait avoir des effets contre-productifs sur les industries laitières régionales.

Des défis structurels dans la collecte locale

Le lait local, majoritairement produit en milieu rural, pose d’importants défis logistiques. Le faible taux de collecte, le manque de systèmes de refroidissement et d’électricité dans les zones de production compliquent son exploitation. « Aller chercher quelques litres de lait dans des zones reculées coûte cher et limite la capacité des industriels à se reposer uniquement sur la production locale », explique Corniaux.

Un modèle économique hybride indispensable

Pour les entreprises laitières ouest-africaines, comme la Laiterie du Berger au Sénégal, l’utilisation de lait en poudre reste une nécessité pour maintenir la production à grande échelle et répondre aux exigences des marchés urbains comme Dakar. « Sans l’incorporation de lait en poudre, des usines risquent de cesser leurs activités faute de rentabilité », souligne l’expert.

Une concurrence inéquitable avec les produits importés

Les poudres de lait enrichies en matières grasses végétales (FFMP), 30 à 40 % moins coûteuses que les produits locaux, dominent le marché grâce à des droits d’importation faibles (5 %). Ces importations massives fragilisent les filières locales et limitent leur compétitivité.

Corniaux plaide pour une augmentation des taxes sur les FFMP et des politiques de soutien au secteur local, comme des subventions pour la collecte de lait, le développement de l’alimentation animale et des allègements fiscaux. Par exemple, au Sénégal, une TVA de 18 % sur le lait collecté localement pénalise sa transformation en produits comme le yaourt ou le fromage.

Un secteur stratégique à soutenir

Avec des importations annuelles de produits laitiers évaluées entre 1,6 et 1,9 milliard de dollars, les principaux marchés de la région (Nigeria, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, Ghana, Mauritanie) ont besoin de politiques équilibrées.

« Une interdiction totale serait idéologique et impraticable dans le contexte actuel.

Il est crucial de protéger les filières locales tout en assurant un approvisionnement stable pour les consommateurs urbains », conclut Corniaux.

VivAfrik

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