En ce début d’hivernage et de veille d’élections législatives, il faut noter que l’État n’a pas lésiné sur les moyens pour vaincre l’un de ses adversaires les plus coriaces, en l’occurrence les inondations, surtout dans la banlieue de Dakar.
Symbole des inondations dans la capitale sénégalaise, le dernier-né des départements, Keur Massar, semble préparer l’hivernage 2022 avec beaucoup plus de sérénité. Grâce aux travaux réalisés par l’État, il y a, en effet, de fortes chances que le nouveau département n’ait pas à vivre les mêmes situations que 2021 et surtout 2020. Très engagé dans le mouvement associatif et citoyen, Amadou Camara Guèye se dit cette fois assez rassuré : ‘’On n’est jamais à l’abri à 100 %. Il y a toujours quelques inquiétudes comme à l’approche de chaque hivernage. Mais honnêtement, il y a nettement moins d’inquiétudes cette année. Nous pensons qu’avec les travaux de l’État réalisés à 80-85 %, la plupart des quartiers inondables seront cette fois épargnés.’’
Après avoir vécu une situation des plus catastrophiques en 2020, avec des milliers de populations sous les eaux, Keur Massar était devenu en quelque sorte l’emblème de l’échec des politiques menées jusque-là par l’État dans la lutte contre les inondations, malgré les centaines de milliards dépensées. Lors d’une visite dans la localité à l’époque, le président de la République avait promis : ‘’Nous allons ensemble travailler pour que de tels scénarii ne se reproduisent plus facilement, pourvu que les élus nous aident également en évitant les lotissements dans les bas-fonds. Nous allons aussi lancer un nouveau programme d’assainissement qui est national, mais dont l’épicentre se trouve ici à Keur Massar. Ce programme va permettre de prendre en compte beaucoup de quartiers, notamment l’Unité 3, la cité Camille Basse, pour ne citer que ceux-là. C’est un important projet et il faudra, à l’avenir, éviter de construire dans les bas-fonds’’, avait-il dit en annonçant sa volonté de faire de la commune un département.
Depuis lors, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Plusieurs travaux ont été exécutés dans l’ancienne commune érigée en département. Déjà, en 2021, tient à expliquer Camara Guèye, la situation s’était nettement améliorée grâce aux travaux réalisés notamment à Ainoumady, Mame Dior, Cité municipale, La Linguère… jusqu’à Jaxaaye. ‘’Dans certains quartiers, rapporte le membre du collectif Samm Sunu Dekk, il y a eu la réalisation de systèmes de canalisation qui ont réglé pas mal de problèmes. Mais il y a toujours quelques zones inondables à Keur Massar. Je peux citer une partie de la cité Ainoumady, Arafat… Les travaux qui avaient ralenti à un moment ont repris, mais je ne pense pas qu’ils seront achevés pour cet hivernage. Dans tous les cas, on ne vit plus le même stress, la même psychose qu’auparavant’’.
Joint par téléphone, le maire de Keur Massar-Sud, Bilal Diatta, n’a pas souhaité se prononcer sur ce sujet lancinant qui interpelle au premier point les populations de sa commune. Conseiller municipal à la mairie de Pikine-Nord, Cheikh Omar Talla revient, lui, sur les préoccupations des populations de sa commune et du département de Pikine en général. ‘’Comme chaque année, dit-il, il y a de réelles inquiétudes chez les populations. Au niveau de Pikine-Nord, les zones les plus à risque sont les quartiers autour de l’Arène nationale. Cette année, ces inquiétudes ont été exacerbées par d’autres chantiers en cours dans la même zone. Il y a certes d’autres quartiers qui ne sont pas à l’abri, mais la principale préoccupation reste les riverains de l’Arène nationale qui constitue un obstacle pour l’évacuation des eaux pluviales’’.
Si Pikine-Nord a des difficultés qualifiées de bénignes par le conseiller municipal, d’autres zones sont dans un état un peu plus alarmant au niveau du département de Pikine. Il en est ainsi de Djida Thiaroye Kao, qui est l’une des communes les plus affectées, Diamaguene, Tivouane Diacksaw… Monsieur Talla précise : ‘’Nous avons vu ; l’année dernière ; les gens, dans certains quartiers, obligés de se déplacer via des charrettes, alors qu’on nous parle sans cesse de plusieurs milliards dépensés. Je pense qu’il est temps de changer de paradigme, afin de trouver des solutions définitives. Certes, à Pikine-Nord, il y a moins de soucis. La situation s’est aussi améliorée dans d’autres coins, mais il y a beaucoup de populations qui souffrent encore’’, dénonce-t-il.
Désarmées face aux fortes pluviométries, dépourvues d’infrastructures, les populations, mobilisées dans un élan communautaire et solidaire, tentent de se débrouiller avec les moyens du bord. Ce qui est loin d’être évident, argue M. Talla, qui explique : ‘’Les gens, dans certains quartiers, se cotisent pour acheter des motopompes. Ceux qui ont les moyens en achètent et n’hésitent pas de les mettre à la disposition de ceux qui en ont le plus besoin. Jusqu’à quand ? Je pense que l’État devrait revoir son schéma, avec des plans d’aménagement du territoire et d’urbanisation dignes de ce nom.’’
Une pluviométrie excédentaire à normal, selon la météo
Même si l’espoir et la confiance semblent prédominer chez certaines populations, il reste de réelles sources d’inquiétude, surtout avec les prévisions de la météo faisant état de pluies abondantes, ‘’excédentaires à normal’’ dans la plupart des localités du Sénégal. Le Cadre national des services climatologiques (CNSC) indiquait en effet ‘’une année hydrologique à écoulement excédentaire ou normal, par rapport à la moyenne de référence 1990-2021’’. De plus, de juillet à septembre, les prévisionnistes parlent d’une situation ‘’excédentaire sur tout le territoire, sur fond de ‘’risque élevé d’avoir des événements pluviométriques intenses’’. De juin à août, cette pluviométrie pourrait être ‘’normale à excédentaire sur une bonne partie du pays, sauf sur le triangle Koungheul-Vélingara-Simenti où des conditions normales à déficitaires sont attendues’’. LUTTE CONTRE LES INONDATIONS Trois consignes pour vaincre ! Face à la presse récemment, le ministre chargé de l’Assainissement était revenu largement sur les mesures prises par l’État pour parer à toutes les éventualités. Trois catégories de mesure ont été prises par le gouvernement. D’abord, il y a celles préventives qui consistent à entretenir et à maintenir les ouvrages avant la saison des pluies. Elles ont tourné, selon le ministre Serigne Mbaye Thiam, au curage des canalisations, au faucardage des bassins et des lacs, ainsi qu’au désherbage… Dans la même veine, il y a de nouveaux chantiers sur la RN 1 à hauteur notamment de KM 14 et de Patisen. En plus de ces dispositions préventives, l’État a prévu des mesures d’intervention pour faire face en cas de survenue des inondations. Car, indiquait le ministre, il n’y a aucun pays au monde où l’on peut dire dans l’absolu qu’il n’y aura pas d’inondations. Le ministre prévient : ‘’On a pris toutes les mesures possibles pour qu’il n’y ait pas d’inondations, mais on a également pris des dispositions pour faire face, en cas de survenue d’inondations. Auquel cas, nous allons renforcer les capacités de pompage. Cette année, par un programme spécial, il y a eu une acquisition de 125 motopompes et électropompes pour la Brigade nationale des sapeurs-pompiers et pour les forces armées, sans compter les 12 motopompes et électropompes de grande capacité (1 000 M3/h) qui ont été acquises pour l’Onas.’’ Last but not least, signalait le ministre, l’État a également prévu des mesures pour assister les populations, en cas de sinistre. Relativement aux travaux non exécutés, Serigne Mbaye Thiam informait que les travaux de la phase d’urgence 2021 sont terminés. Selon lui, ils ont permis d’avoir les résultats suivants : ‘’Les quartiers de cité Municipale, Mame Dior, Ainoumady, Darourahmane, Sant Yalla, cité Santé ont été épargnées des inondations, grâce aux canalisations primaires et secondaires réalisés.’’ Sur Keur Massar, ajoutait-il, l’année dernière, il y a eu un marché d’exécution de 15 milliards F CFA totalement réalisés. Aussi, informe la tutelle, l’ADM, qui a en charge ces travaux, a fait deux avenants pour les réseaux secondaires dans certains quartiers et pavé certaines rues… Serigne Mbaye Thiam d’ajouter : ‘’Un autre marché de 11 milliards F CFA a été conclu pour le drainage des eaux de pluie vers le bassin versant de Mbeubeuss. Les travaux qui ont démarré, il y a deux mois, ne peuvent évidemment pas être terminés. Et ces travaux pourront avoir des impacts sur Garage El Hadj Pathé, Sant Yalla, Zone Camille Basse, Ucad II, Tawfex Médina Kell 2’’. |
enqueteplus