Ils sont un peu plus nombreux ces hommes et femmes qui, de vert vêtus, s’activent dans les quartiers, les marchés et autour des artères de la capitale. Si l’égard et la considération accordés à ces travailleurs de l’Unité de coordination de la gestion des déchets solides (Ucg) -devenue Sonaged- peuvent différer d’un individu à un autre, leur impact sur le cadre de vie des Sénégalais est salué presque à l’unanimité.
Voir des jeunes qui balaient, ramassent un papier, un sachet qui traîne, dégagent à la pelle le sable qui déborde sur l’asphalte ou collectent les ordures qui sortent des ménages, est devenu courant. Tellement courant, voire banal que d’aucuns ne remarquent presque plus ces bras qui s’activent pour assainir le cadre de vie des citadins. «Je ne sais pas exactement ce qui a changé, mais je note quand même que la ville est plus propre, même les lendemains de fête», lâche rapidement cet enseignant avant de poursuivre sa promenade matinale les mains derrière le dos. Devant lui pourtant, trois agents de l’Ucg rassemblent les premiers tas d’ordures de la journée. Mor Faye, mécanicien, côtoie ces travailleurs habillés en vert tous les jours. Son garage, sis à Rufisque, est en face d’un Point de regroupement normalisé. «Ce point de collecte en lui-même est déjà d’un apport considérable pour nous.
En plus de cela, il y a des balayeurs qui se relaient matin et soir. Il y en a même qui n’hésitent pas à retirer les déchets qui envahissent souvent le canal. C’est un travail pénible et nous ne pouvons que les féliciter et les encourager pour cela», explique le garagiste, qui relève cependant que «la meilleure façon pour les riverains d’aider et d’encourager ces braves travailleurs, est de salir le moins possible». Il est 17h à Rufisque. La rue menant au marché ne désemplit pas. Les vendeurs du soir s’installent progressivement. Boutiquiers, tabliers et marchands de vêtements se font face. Entre eux, des jeunes de l’Ucg circulent avec leur arsenal. Ils balaient, rassemblent, ramassent et avancent. Ils insistent particulièrement sur les eaux qui stagnent devant les magasins encore ouverts.
La jeunesse à la manœuvre
Dans les flaques noires, il y a un peu de tout : coques d’arachides, canettes, sachets, peaux de banane, bouts de carton, etc. Ce que les râteaux et pelles ne peuvent attraper, est extirpé d’une main gantée. A peine les nettoyeurs ont-ils le dos tourné avec leurs brouettes, qu’une dame, foulard autour de la taille et les tresses saupoudrées de blanc par les années, se présente près de la flaque, toujours noire mais débarrassée de tout déchet solide, pour faire ses ablutions. Un client sorti du commerce voisin y enverra nager, quelques minutes plus tard, un emballage de bonbon et un mouchoir usagé. Des scènes pareilles, une des vendeuses du coin affirme en voir tous les jours. «Il est très difficile de rendre un marché propre. Des individus d’horizons divers se regroupent ici et chacun a ses habitudes et son comportement. Ces jeunes sont ici du matin au soir et font un travail remarquable sans broncher. J’ai un grand respect pour eux. Il faut cependant les aider en essayant de leur ajouter le moins de travail possible», confie-t-elle en gardant jalousement son nom.
Dans l’équipe des balayeurs du jour, figure Cheikh Diop. La rue qu’il nettoie aujourd’hui, le jeune homme a contribué à la refaire il y a quelques mois, avec l’entreprise Al Jaber. «Je participe à la propreté de ma localité et j’ai de quoi subvenir dignement à mes besoins et à ceux de mes proches», dit-il. Telles sont ainsi énoncées les raisons qui l’ont poussé et maintenu dans les rangs de l’Ucg. Pour lui, nulle place pour la paresse ou le complexe quand il s’agit de gagner honnêtement sa vie. «Je n’habite pas loin du Neemier qui se trouve là-bas, à côté de l’arrêt Sonadis (il montre du doigt). Il n’y a aucune gêne à avoir, bien au contraire. Si les gens du quartier me voient, ce sera en sueur et à la tâche pour un salaire bien mérité», conclut-il. Sa pause terminée, il réajuste ses lunettes claires et son masque estampillé Ucg et rejoint ses comparses. D’autres ruelles de la ville culturelle les attendent.
De l’avis de Khady Ba, étudiante, «les changements dans le cadre de vie sont visibles à l’œil nu. Il n’y a presque plus de dépôts sauvages». Ces changements, Mohamed Thiam, assistant technique à la Coordination du mobilier urbain (Cmu) à l’Ucg, les situent à «à peu près deux ans, avec l’arrivée de Mass Thiam». Le nouveau coordonnateur a, pour lui, «révolutionné le secteur». «Il a d’abord fait un travail sur le comportement des techniciens de la propreté. On travaille au contact des déchets, mais il est inconcevable aujourd’hui qu’un employé travaille avec des habits sales. La récupération est aussi interdite. Il y a aussi un grand changement au niveau du mobilier urbain. Le département de Rufisque compte aujourd’hui 40 points de regroupement normalisés et 8 points de propreté.
Les bacs de rue, eux, sont visibles un peu partout.» L’autre explication a trait à la motivation des agents. «Je suis à l’Ucg depuis 2012. Nous ne sommes pas habitués aux augmentations de salaire dans ce secteur. Avec l’actuel Coordonnateur national, les salaires ont nettement augmenté et il n’y a presque plus de retard. Tout cela peut expliquer pourquoi nous recevons des centaines de demandes de jeunes qui veulent aujourd’hui travailler dans la propreté», explique-t-il. L’assistant technique estime le nombre actuel d’agents à 14 676, avec cette précision que sont généralement privilégiés les moins de 40 ans. Une préférence qui va pour les moins de 30 ans en ce qui concerne la gestion du mobilier urbain. Le programme Xëyu ndaw ñi est passé par là.
L’augmentation et la régularité du salaire sont confirmées par Kadia Sow. Elle fait la queue devant la banque, avec d’autres techniciennes de surface, pour percevoir sa paie du mois. «Quand les conditions sont réunies, tous les métiers se valent et les jeunes font le travail», assure-t-elle. Par «conditions», elle entend «un équipement et du matériel adéquats, une rémunération correcte et sans retard». Ce qu’elle déplore cependant, c’est le comportement de certains citoyens. «Ils ignorent les bacs et jettent les déchets parfois là où le balai vient à peine de passer. Quand tu leur fais la remarque, ils répondent souvent avec dédain : «Balaie! Tu es payé pour ça.» Notre mission est de rendre la ville propre et nous sommes déterminés à l’accomplir, mais la propreté est une affaire de tous.»
lequotidien
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