Victimes des nouveaux droits de douane américains allant jusqu’à 50%, plusieurs pays africains pourraient se détourner des États-Unis pour renforcer leurs liens avec la Chine, avertit l’économiste Carlos Lopes
La nouvelle offensive protectionniste américaine lancée par Donald Trump risque de redessiner la carte des alliances commerciales africaines, selon Le Monde. « On punit les partenaires engagés dans des relations commerciales plutôt ouvertes et favorables avec les États-Unis, ce qui ne fera qu’accélérer leur réorientation vers d’autres puissances commerciales, notamment la Chine », prédit Carlos Lopes, économiste bissau-guinéen et professeur à l’université du Cap.
Dans cette guerre commerciale mondiale, certains pays africains subissent des taxes particulièrement sévères : le Lesotho se voit imposer des droits de douane de 50%, Madagascar 47%, Maurice 40%, le Botswana 37%, l’Angola 32%, la Libye 31%, ainsi que l’Algérie et l’Afrique du Sud à 30%. Une politique qui, selon Carlos Lopes cité par Le Monde, « s’attaque aux pays qui ont un excédent commercial avec les États-Unis, sans tenir compte de leur niveau de développement ni de la structure de leurs économies ».
Pour le Lesotho, petit royaume montagneux avec un PIB par habitant inférieur à 920 dollars en 2023, le coup est particulièrement rude. Donald Trump avait d’ailleurs qualifié ce pays de nation « dont personne n’a jamais entendu parler » lors d’une intervention au Congrès en mars.
L’avenir de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui permet depuis 2000 à une trentaine de pays africains d’exporter vers les États-Unis en franchise de taxes, semble compromis. Ce dispositif doit expirer en septembre et « rares sont ceux à parier sur sa prolongation », indique Le Monde.
Face à cette situation, l’Afrique du Sud, principal exportateur africain vers les États-Unis, s’inquiète pour ses emplois, notamment dans le secteur automobile.
Son président Cyril Ramaphosa a « aussitôt plaidé pour la négociation d’un nouvel accord commercial bilatéral mutuellement bénéfique », dans un contexte déjà tendu par des accusations américaines concernant une politique foncière prétendument anti-blanche.
L’impact économique direct devrait toutefois rester « limité » pour le continent selon David Omojomolo, analyste chez Capital Economics, cité par Le Monde.
Les importations américaines en provenance d’Afrique, 39 milliards de dollars en 2024, équivalent à peine « à ce que les États-Unis importent du Canada en un seul mois ». De plus, le pétrole, le gaz et certains minerais stratégiques sont exemptés de ces taxes.
Les effets indirects pourraient néanmoins être significatifs. Thomas Melonio, chef économiste de l’Agence française de développement, évoque dans Le Monde le risque d’une baisse des prix des matières premières et d’une « remontée des taux, ce qui aurait des conséquences sur la capacité des États africains à lever des capitaux ».
Dans cette reconfiguration des relations commerciales, la Chine, qui dispose déjà « d’un net coup d’avance » sur le continent, apparaît comme le principal bénéficiaire potentiel de l’affaiblissement de l’influence américaine.
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