Dans un post sur sa page Facebook, Thierno Bocoum, président de AGIR, s’est exprimé sur la question sensible de la reddition des comptes, dénonçant avec vigueur les dérives méthodologiques et les risques d’instrumentalisation de la justice au Sénégal.
Selon lui, « ce n’est pas l’intitulé qui garantit la vertu d’une action publique, mais bien la méthode qui la sous-tend ».
L’homme politique regrette une tendance, dans les débats publics sénégalais, à saluer les intentions sans questionner les mécanismes de mise en œuvre.
« On s’extasie devant les objets sans jamais questionner les méthodologies qui les portent », écrit-il. Pour lui, une action ne saurait être jugée uniquement par son objectif affiché, mais bien par la rigueur du processus qui la conduit.
Prenant l’exemple de la Haute Cour de Justice, Thierno Bocoum reconnaît la légitimité de vouloir juger d’anciens responsables étatiques.
Il rappelle que cette institution est prévue par la Constitution pour garantir que les plus hauts responsables rendent compte de leur gestion. Toutefois, il met en garde : « Pour que cet instrument inspire confiance, il doit fonctionner avec la plus grande rigueur procédurale ».
À cet effet, il cite l’article 5 alinéa 3 de la loi organique relative à l’organisation de cette juridiction, qui stipule que tout membre de la Haute Cour peut être récusé « s’il y a un motif d’inimitié capitale entre l’accusé et lui ». Or, comment ne pas s’interroger sur l’impartialité de députés issus du parti PASTEF; formation politique qui a publiquement milité pour la poursuite et l’emprisonnement d’anciens dirigeants ?
Les déclarations incendiaires de certains de leurs leaders, avant même leur accession au pouvoir, posent aujourd’hui la question de leur capacité à juger sans animosité ni parti pris.
Thierno Bocoum considère que l’Assemblée nationale aurait dû faire preuve de plus de responsabilité en désignant des députés moins impliqués dans le conflit politique, afin de garantir la crédibilité du processus et respecter l’esprit d’impartialité. Il rappelle également que la Haute Cour de Justice ne prévoit aucun recours, une entorse grave aux normes internationales, ce qui, selon lui, devrait inciter à une rigueur absolue.
Mais les critiques de l’ancien député vont au-delà de cette juridiction.
Il s’attaque plus largement à une justice qu’il juge émotionnelle et populaire, où les procédures sont parfois reléguées au second plan.
Il s’interroge notamment sur les incohérences de certaines poursuites : « Comment comprendre qu’un corrupteur puisse dénoncer un corrompu et rester libre, alors que la loi les place sur un pied d’égalité ? »
Ou encore : « Comment justifier que l’administrateur des fonds publics échappe à toute responsabilité alors que le bénéficiaire est traîné devant la justice ? »
Pour Thierno Bocoum, une telle approche sélective de la justice installe durablement la méfiance dans l’opinion publique et sape les fondements de l’État de droit.
Il met en garde : « Tout régime, aussi puissant soit-il, finit un jour par changer de camp. Ceux qui détiennent aujourd’hui les leviers de l’accusation pourraient être, demain, à la place de ceux qu’ils condamnent aujourd’hui ».
En conclusion, le président de AGIR appelle à rompre avec les logiques de vengeance et de règlement de comptes.
« La justice n’est pas une revanche. Elle est un pilier de l’État de droit. Elle ne doit ni apaiser les foules, ni satisfaire les frustrations partisanes. Elle doit élever les consciences et protéger tous les citoyens, y compris ceux que l’on aime peu ».
Un appel à la responsabilité institutionnelle et à l’éthique de la méthode, dans un contexte politique où l’indépendance et l’impartialité de la justice sont plus que jamais scrutées par les citoyens.
Sene1