La lut te contre la pauvreté est une affaire de tous. Et les femmes de Tambacounda misent sur le maraîchage, bien ancré dans la région du Sénégal, pour vaincre ce fléau. Des dizaines de femmes de la commune tirent l’essentiel de leurs revenus de cette activité.
Appuyées par des organisations non gouvernementales, une quarantaine de femmes exploitent un périmètre maraîcher coincé entre la gouvernance et le stade régional de Tambacounda.
Elles y produisent une variété de légumes qu’elles présentent comme étant « bio ».
Une occupation grâce à laquelle, ces braves dames parviennent à s’extirper des griffes de la pauvreté qui frappe durement surtout la gent féminine dans cette partie orientale du Sénégal, à plus de 400 kilomètres de Dakar.
Un tapis verdoyant de légumes et de plantes aromatiques, cultivés en planches, s’étale à perte vue, dans ce jardin contigu au gouvernorat de Tambacounda. Les plantes bien alignées laissent entrevoir l’ordre et la rigueur avec lesquels le jardin est tenu.
« Nous cultivons beaucoup de (types de légumes) dans ce jardin sans aucun produit chimique », se targue Oumou Kanté.
La trentaine bien révolue, Oumou a encore de la force pour humecter ses plantes à l’aide d’arrosoirs qu’elle porte sous un soleil de plomb.
Une odeur de terre mouillée, mélangée à de la crotte d’animaux utilisée comme fumier, se dégage de son lopin de terre. Ici, chacun s’occupe de ses planches, dimensionnées selon ses capacités.
« Le choix des légumes cultivés est libre », explique-t-elle.
Nonobstant le label « bio » que tout le monde revendique ici, la jeune dame reconnaît l’utilisation d’herbicides, « en petite quantité, surtout à la fin de l’hivernage, juste pour contrôler les mauvaises herbes ».
« C’est seulement pendant cette période que nous utilisons un produit chimique, admet-elle. Tout le reste de l’année, nous n’utilisons que du fertilisant naturel, qu’on trouve en abondance dans la régio ».
« Je fais de l’oignon, de la salade, des choux, d’autres font du piment, des aubergines et des plantes aromatiques (nana) », détaille la jardinière, qui marque un temps d’arrêt pour reprendre son souffle, et poursuivre sa corvée quotidienne.
Les va-et-vient entre le bassin où elle remplit ses deux arrosoirs et ses planches de choux, de piments, de salade, etc., sont pénibles, admet Oumou Kanté, même si « le jeu en vaut la chandelle ».
De tous les légumes cultivés dans ce jardin, le chou est plus prenant en termes de temps et d’énergie.
« Il faut au moins trois mois pour qu’il arrive à maturité et devienne commercialisable. Pendant tout ce temps, il faut l’arroser, l’entretenir et cela demande beaucoup de travail », relève l’horticultrice, qui dégage l’assurance d’un expert dans son domaine.
Au plaisir des yeux que procure la verdure de cette petite oasis, s’ajoute une enveloppe de fraîcheur, pour retenir plus longtemps le visiteur qui n’a pas hâte de quitter les lieux de sitôt, pour affronter les 40 degrés Celsius ambiants, en cet après-midi de Tambacounda, dont le nom est assimilé à la chaleur dans l’est du pays.
« Plus de 40 femmes travaillent ici, et gagnent leur vie dans ce jardin », note Oumou Kanté.
L’autonomie de l’eau assurée grâce à un mini-forage solaire
Un mini-forage solaire installé au milieu du potager, alimente en continu cinq bassins disséminés à travers le périmètre, assurant ainsi l’autonomie en eau de ce jardin placé au cœur de la commune de Tambacounda, près de la route nationale numéro 1. Ces équipements ont été acquis grâce à des ONG.
Mère Yacine Seck, une des actrices de ce périmètre maraîcher, propriétaire de plusieurs planches, explique qu’il faut six coups d’arrosoirs par planche pour que ces plantes gourmandes en eau, grandissent en bonne santé.
Les maraîchères elles-mêmes vendent leurs produits à des clients qui viennent les chercher sur place ou au marché central de la commune.
« Tout ce que nous gagnons ici, nous permet de subvenir à nos besoins et à ceux de nos familles », témoigne Oumou Kanté. La quarantaine de jardinières s’organisent pour mettre de côté de l’argent dans une caisse, qu’elles alimentent tous les dimanches, chacune selon son revenu.
« Cette épargne nous permet de résoudre des problèmes ponctuels, comme la réparation de la clôture, et de nous entraider. Chacune d’entre nous verse aussi une cotisation mensuelle de 1.000 francs, pour payer le gardien », dit-elle.
La doyenne du potager, une spécialiste des pépinières
La quasi-totalité des légumes vendus sur le marché local, sont cultivés dans ce jardin, dit Yacine Seck. La démarche chancelante, elle porte en plus des arrosoirs, le poids de l’âge. Au-delà des légumes, elle s’est spécialisée dans les pépinières qu’elle vend à ses collègues du jardin, et à des maraîchers venant de l’extérieur.
Dans son compartiment, la doyenne du potager dispose de dizaines de récipients recyclés dans lesquels poussent des plants de salade, de piment, d’oignon, d’aubergine entre autres légumes.
Ce sont des pépinières qu’elle vend parallèlement aux légumes frais.
Une pépinière en bassine coûte 3000 francs, et 2000 francs CFA quand elle est dans un seau.
Assise à l’ombre d’un arbuste, elle explique comment il lui arrive aussi, elle plus que ses collègues, de louer les services de jeunes garçons, pour remplir ses tâches quotidiennes d’arrosage, de repiquage des pépinières dans les planches déjà vendues et de désherbage.
« Il y a de jeunes garçons qui viennent désherber, arroser, labourer nos planches, moyennant 15.000 à 20.000 francs en fonction du travail qu’on leur assigne », renseigne la sexagénaire.
Le prix de la planche de salade varie entre 7500 et 10000 francs CFA
En ce moment, c’est la période des « nana » (menthe) et des salades, elles marchent vraiment. Le prix de la planche de salade varie entre 7500 et 10.000 francs, alors que pour les plantes aromatiques, dont les gens raffolent pour agrémenter leur thé, se vendent « entre 6000 à 7500 francs CFA », fait-elle savoir.
Par le passé, il fallait produire et aller vendre sa récolte au marché, mais aujourd’hui, la situation tend à se renverser, selon Yacine Seck.
« Les commerçantes viennent ici acheter nos planches pour aller les revendre au marché », se réjouit-elle.
Selon Oumou Kanté, les recettes tirées d’une planche dépendent de sa consistance et de la demande de légumes sur le marché.
Même si elles se vendent bien ces temps-ci, les menthes du fait qu’elles sont très demandées, et du coup, produites par tous les jardins de la commune, voient leur prix chuter, quelque peu.
« En période de pénurie, nous pouvons vendre nos produits beaucoup plus chers que d’habitude, et les clients ne se font pas prier », relève la maraîchère trentenaire.
Elle dit céder en gros ses aubergines, son oseille, son piment, « tous bio » à des clients.
Quant aux plantes aromatiques, la plupart des acheteurs viennent prendre juste la quantité qu’ils peuvent écouler au marché et auprès de boutiquiers. Ils achètent d’habitude pour une valeur de 500 à 1000 francs CFA, car les bouquets de menthe se fanent très vite et perdent de leur valeur sous l’effet de la chaleur.
Trois grands bassins aménagés pour la pisciculture
« Nous avons vendu notre premier lot de poissons élevés dans ces bassins, c’était juste une phase test qui a plus ou moins réussi », renseigne la jardinière.
L’appétit venant en mangeant, les maraîchères envisagent, en plus de la pisciculture, de se lancer dans l’aviculture.
Pour ce faire, elles projettent d’aménager un petit bâtiment à l’angle est du périmètre maraîcher, pour y élever des poules. Ce qui permettra de consolider le caractère « bio » de leurs légumes, grâce à l’utilisation de fientes de poules comme fertilisant naturel.
Les jardinières de Tambacounda sont conscientes que grâce à la somme de leurs actions à la fois individuelles et solidaires, le maraîchage peut devenir pour elles une tour imprenable pour la pauvreté.
VivAfrik