Les plus jeunes d’entre nous ne s’en souviennent peut-être même pas, mais il fut un temps, pas si lointain, où les voitures roulaient à l’essence au plomb. La pratique est désormais interdite. Une bénédiction pour la santé publique. Mais des chercheurs estiment aujourd’hui que la génération X a été durablement intoxiquée.
L’histoire commence en 1921. Dans un laboratoire de la General Motors, aux États-Unis. Avec l’espoir de mettre un terme aux vibrations menaçantes des moteurs de voiture alimentés par une essence de qualité inférieure, des chimistes tentent une expérience. Ils y versent un peu de plomb tétraéthyle (Pb(C2H5)4). Et cela fonctionne. L’essence au plomb vient de voir le jour.
L’ennui, c’est que les gaz d’échappement au plomb se sont révélés encore plus toxiques que les autres.
Ils sont liés à des maladies cardiaques, des cancers, des accidents vasculaires cérébraux et, surtout, à de retards de développement chez les enfants. Mais il aura fallu attendre 100 ans pour que cette essence au plomb disparaisse enfin à nouveau de nos stations-service. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), son interdiction permet de sauver chaque année plus de 1,2 million de vies.
https://twitter.com/_HannahRitchie/status/1486616964600672256?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1486616964600672256%7Ctwgr%5Eb9483b780a5003fe19597bacc83cf1954a32c6c4%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.futura-sciences.com%2Fsante%2Factualites%2Fmedecine-si-vous-etes-nes-avant-1996-vous-pourriez-etre-touches-ces-effets-essence-cerveau-118021%2F
Des cerveaux rongés par le plomb
Aujourd’hui, des chercheurs de l’université d’État de Floride et de l’université Duke (États-Unis) révèlent, dans une étude publiée au Journal of Child Psychology and Psychiatry, que toute personne née aux États-Unis avant 1996 (la date de l’interdiction dans le pays de l’essence au plomb) et en particulier pendant le pic d’utilisation du plomb dans l’essence dans les années 1960 et 1970, a été exposée de manière inquiétante dans son enfance.
Par « inquiétante », entendez que des générations entières d’Américains sont aujourd’hui plus déprimées, plus anxieuses, plus inattentives ou plus hyperactives. L’étude estime ainsi que l’on doit au plomb ajouté à l’essence de nos voitures, 151 millions de cas de troubles psychiatriques au cours des 75 dernières années aux États-Unis !
Rappelons que le plomb est connu des scientifiques pour son action neurotoxique.
Et selon les experts, il n’existe pas de niveau d’exposition et pas non plus de moment d’une vie qui puissent être qualifiés sans risque en la matière. Même si les jeunes enfants dont le cerveau est en construction sont particulièrement vulnérables à ces effets.
« Nous disposons de très peu de mesures efficaces pour gérer le plomb une fois qu’il est dans le corps, et beaucoup d’entre nous ont été exposés à des niveaux 1 000 à 10 000 fois supérieurs à ce qui est naturel », regrette Aaron Reuben, chercheur en neuropsychologie à l’université Duke.
New research indicates that #childhood #lead exposure, which peaked from 1960 through 1990 in most industrialized countries due to the use of lead in #gasoline, has negatively impacted #mentalhealth and likely caused many cases of #mentalillness and altered #personality.… pic.twitter.com/9L2U09G889
— Professor Erwin Loh (@erwinloh) December 4, 2024
Une pollution qui a donné la fièvre à toute une génération
Pour comprendre dans quelle mesure les symptômes de maladie mentale liés au plomb étaient répandus dans la population, les chercheurs ont procédé comme ils l’avaient déjà fait par le passé pour éclairer les conséquences d’une exposition au plomb sur le quotient intellectuel (QI).
Ils ont analysé des données historiques sur les niveaux de plomb dans le sang des enfants aux États-Unis et sur l’utilisation de l’essence au plomb ainsi que des statistiques démographiques.
Et ils ont observé des changements importants dans la santé mentale des Américains. Des taux plus élevés de troubles mentaux diagnostiquables – comme la dépression et l’anxiété -, mais aussi des taux plus élevés de personnes souffrant d’une détresse plus légère – qui altère simplement la qualité de leur vie. Bien plus que s’il n’y avait pas eu de plomb dans l’essence.
« Pour la plupart des gens, l’impact du plomb aura été comme une légère fièvre, estime Aaron Reuben.
Pour une légère fièvre, vous n’allez pas à l’hôpital. Vous ne cherchez pas de traitement. Mais vous aurez un peu plus de difficultés que si vous n’aviez pas de fièvre du tout ». Et compte tenu de l’évolution de la consommation de l’essence au plomb, c’est la génération X – ces personnes qui ont vu le jour entre 1965 et 1980 – qui doit aujourd’hui vivre avec les pires effets de cette fièvre.
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