L’affaire de la résidence du Président de l’Assemblée nationale (PAN), connue sous le titre foncier 13 422/GR, est une énigme juridique et politique, qui continue de faire couler beaucoup d’encre. Au cœur de cette affaire, Tahirou Sarr, un acteur central du secteur immobilier sénégalais, est accusé d’avoir orchestré une série de manœuvres, qui posent de sérieuses questions sur la gestion des biens publics. Retour sur les faits et les implications.
Selon les documents récemment rendus publics, Tahirou Sarr est devenu le propriétaire exclusif de la résidence présidentielle de l’Assemblée nationale, bien avant que l’affaire ne soit médiatisée.
Le troc proposé : Une manœuvre déroutante
L’État du Sénégal, sous le régime de Macky Sall, avait proposé d’échanger cette résidence contre deux autres terrains, identifiés sous les TF 71/DK et 1633 (lots 6 et 7). Ces terrains, situés dans des zones stratégiques, avaient une valeur vénale bien supérieure à celle de la résidence. Tahirou Sarr a discrètement demandé une mutation de ces terrains, espérant finaliser l’échange, avant l’arrivée du nouveau régime en 2024.
Une précipitation suspecte
Une lettre datée du 5 mars 2024, montre une volonté claire d’accélérer la transaction, avant l’installation complète du nouveau régime. Cette précipitation, combinée à l’absence de transparence dans le processus, laisse entrevoir une tentative délibérée de verrouiller le dossier. Le timing coïncide avec les derniers jours du régime sortant, renforçant les soupçons d’un acte prémédité, visant à protéger des intérêts privés.
Une réaction du nouveau régime
Le nouveau régime, en arrivant au pouvoir, a immédiatement suspendu la transaction, estimant qu’elle était déséquilibrée et défavorable à l’État. Le différentiel de valeur entre les terrains proposés par l’État et la résidence occupée par le président de l’Assemblée nationale, a été jugé trop important pour être ignoré. Tahirou Sarr, en réaction, a exigé l’évacuation de la résidence qu’il considérait comme sa propriété légitime, accentuant la tension autour de cette affaire.
Un jugement partiel, une justice évasive
La décision judiciaire récemment rendue, ordonnant l’évacuation de la résidence du président de l’Assemblée nationale par l’État, ne résout pas le cœur du problème. Elle se concentre uniquement sur la jouissance du bien par Tahirou Sarr, sans aborder les conditions initiales de l’acquisition de la résidence.
Un Dossier aux implications stratégiques
La résidence du président de l’Assemblée nationale est bien plus qu’un simple bien immobilier. Elle symbolise un patrimoine étatique stratégique, et sa perte au profit d’un particulier, met en lumière les failles du système de gestion des biens publics.
Les zones d’ombre persistantes
Qui a validé l’acquisition initiale de la résidence par Tahirou Sarr ? Les documents disponibles ne permettent pas de retracer le processus ayant mené à la cession de ce bien stratégique. Y a-t-il eu des complicités internes au sein de l’administration ?
Pourquoi le différentiel de valeur entre les biens échangés, n’a-t-il pas été détecté plus tôt ? Les experts ont estimé la valeur des terrains proposés par l’État à 8,1 milliards FCfa, contre seulement 5,09 milliards pour la résidence. Cette disproportion aurait dû alerter les autorités dès le départ.
Quel rôle a joué l’ancien régime ?
Un défi pour le nouveau régime
Le gouvernement actuel fait face à un double défi : récupérer un bien stratégique pour l’État, tout en veillant à ne pas fragiliser les institutions. Cette affaire met en lumière l’urgence de réformer la gestion des biens publics, pour éviter que des situations similaires ne se reproduisent.
Les enseignements à tirer
Renforcer la transparence
Les échanges de biens publics doivent faire l’objet d’un contrôle rigoureux et d’une publication systématique des évaluations.
Sanctionner les abus
Les responsables d’actes frauduleux ou de négligence dans ce dossier, doivent être traduits en justice.
Protéger le patrimoine public : Les biens stratégiques de l’État ne devraient jamais être cédés, sans une justification claire et transparente.
Cette affaire, qui mêle immobilier, politique et intérêts privés, est un test pour le Sénégal. Sa résolution sera déterminante pour restaurer la confiance du public dans les institutions et envoyer un message clair contre les abus de pouvoir.