Avec la surproduction de cocaïne dans les pays d’Amérique du Sud et les difficultés d’accéder directement aux marchés Nord-américains et occidentaux, les Narcos ont jeté leur dévolu sur les capitales africaines ayant un accès direct sur les ports et aéroports de l’Union européenne. La corruption de la plupart des administrations de lutte contre le trafic de drogue aidant, il n’est une semaine sans qu’une énorme quantité de cocaïne ne soit saisie entre Dakar, Praïa, Abidjan, où les nombreuses saisies de cocaïne et l’arrestation d’importantes personnalités, pourraient indiquer que les trafiquants sont bien implantés dans le pays.
Si au Sénégal, les Occidentaux arrêtés dans le cadre de trafic de drogue, bénéficient le plus souvent de libertés provisoires qui deviennent définitives, la justice ivoirienne se bat bec et ongles pour que les Colombiens, des Espagnols, des Italiens, des Nigérians et des Ivoiriens, arrêtés ces derniers jours à Abidjan et à San Pedro, la ville portuaire située dans le sud-ouest du pays, pour une affaire de trafic de plus deux tonnes de cocaïne, soient envoyés en prison.
Parmi les personnes arrêtées, figurent un haut responsable de la police criminelle, des hommes d’affaires exerçant dans le milieu de la pâtisserie et de la boulangerie, du bâtiment, de l’hôtellerie et de la sécurité privée. Toutes ces entreprises seraient des sociétés écrans qui serviraient au blanchiment de l’argent provenant du trafic de drogue. D’ailleurs, le recensement de plusieurs immeubles supposés appartenir à des pontes de République, semble indiquer l’implication de plusieurs hauts responsables des services de sécurité et de défense.
Avec près d’une cinquantaine de tonnes de cocaïne saisie en moins d’un an au Sénégal, la saisie de plus de quarante tonnes en une seule prise en Côte d’Ivoire, sans compter les 7 tonnes saisis par la douane Burkinabé, démontre qu’il reste beaucoup à faire. C’est d’ailleurs à ce titre que le journaliste André Silver Konan trouve la situation inquiétante, avec des saisies récurrentes.
« Cela veut dire que le phénomène est inquiétant et certainement que d’autres pourraient dire que la Côte d’Ivoire devient une plaque tournante du trafic de drogue. Je ne sais pas s’il faut employer ce terme. Une chose est certaine : les saisies atteignent un record. Les faits c’est qu’il y a plusieurs personnalités qui sont aux arrêts, qui bénéficient de la présomption d’innocence, qui ont été conduits pour la plupart à la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan). Mais ils n’ont pas encore été jugés », explique-t-il.
Cette dernière saisie de cocaïne est certes la plus importante mais elle n’est pas la première. Ces dix dernières années, les autorités policières ont réalisé plusieurs saisies aux frontières ou dans des villas à Abidjan.
Samba David, défenseur des droits civiques et coordonnateur de la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire, dit ne pas être surpris par la circulation de la cocaïne dans son pays.
« Je ne suis pas surpris parce que là où la corruption bat son plein et que des hommes d’affaires deviennent intouchables et sont au-dessus des lois, protégés dans leurs sales besognes par des autorités, on ne pouvait que voir la montée en puissance de la drogue », affirme-t-il.
Des saisies en Gambie, en Guinée Bissau, au Cap-Vert, au Sénégal, en Côte d’Ivoire….soit plus de 100 tonnes en l’espace de quelques mois. Cela voudrait-il dire cette hausse des saisies est la conséquence d’une intensification de la lutte contre le trafic de drogue ou la face visible d’un drame ?
« Ces choses éclatent aujourd’hui parce qu’il y a une volonté de lutter contre le trafic de drogue, de sorte qu’il y a des enquêteurs qui travaillent sur le dossier et qui travaillent avec des collaborations extérieures. Je pense à la France et aux Etats Unis », pense le journaliste André Silver Konan, qui explique aussi que la Côte d’Ivoire n’est pas la seule destination des importantes saisies de cocaïne réalisées au cours des années 2021 et 2022.
Pour André Silver Konan, « concernant cette quantité qui a été saisie, selon les informations qu’on a, c’est que c’était davantage destiné au Mali et au Niger notamment, les zones contrôlées par les terroristes. Malgré tout, il y a une forte consommation locale ».
Alors que le trafic de cocaïne transite depuis plusieurs décennies par l’Afrique de l’Ouest pour atteindre l’Europe, l’émergence d’un marché local, encore modeste, fait qu’une partie de celle-ci est désormais consommée sur place.
Mais, la démocratisation des prix de la cocaïne pourrait étendre son emprise sur le monde de la nuit. C’est d’ailleurs déjà en partie le cas dans les bars, les hôtels et les boîtes d’Abidjan, de Dakar, de Banjul ou de Bissau.
Atlanticactu
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