Un usage fréquent du téléphone associé à une baisse de la quantité des spermatozoïdes

C’est une question qui s’est posée dès qu’on s’est mis à beaucoup les utiliser : les ondes électromagnétiques des téléphones portables peuvent-elles avoir une incidence sur la qualité du sperme ? Alors on ne va pas faire une expérience directement sur les humains en les soumettant à des tonnes d’ondes…

Des biais dans les études épidémiologiques précédentes

Pour répondre en partie à cette question, il faut ruser et mener ce qu’on appelle des études épidémiologiques. Dans ce type d’étude, on met en relation la fréquence d’une variable biologique avec un comportement particulier. 

Dans notre cas, on peut regarder la quantité, la motilité ou la morphologie des spermatozoïdes… et lier ces résultats et tendances au mode de vie des participants, donc à l’usage des téléphones. Mais les conclusions que l’on peut tirer dépendent des paramètres initiaux… et les précédentes études, menées dans les années 2000, souffraient de biais.

Une association réelle chez les jeunes hommes sains…

Ces scientifiques ont voulu cette fois tenter d’observer ce phénomène non pas dans des cliniques de fertilité, mais dans la population générale, avant et après l’arrivée des smartphones. Donc c’est une étude menée entre 2005 et 2018. Pour cela, ils se sont servis du service militaire qui est obligatoire en Suisse.

Plus de 2800 jeunes hommes de 18 à 22 ans ont donc gracieusement donné leur sperme à la science et ont répondu à des questionnaires sur leur état de santé général, leur santé reproductive, s’ils boivent, s’ils fument, ce qu’ils mangent… et combien de fois par jour ils utilisent leur téléphone portable.

Des questionnaires très précis pour éviter le principal écueil des études épidémiologiques qui sont facteurs confondants, c’est-à-dire des variables qui en cachent d’autres. Et résultat : il y a bien une association.

Rita Rahban est la première autrice de cette étude : « On a trouvé effectivement que la probabilité qu’un homme ait une concentration de spermatozoïdes plus faible, elle est plus grande quand il utilise plus souvent son téléphone. Donc en gros, les hommes qui utilisent plus souvent leur téléphone, c’est plus probable qu’ils aient une concentration de spermatozoïdes plus faible. Mais on n’a pas vu une association en termes de motilité ou de morphologie. »

… mais pas de lien de causalité

Mais les caractéristiques des études épidémiologiques ne permettent jamais de démontrer un lien de causalité. Rita Rahban : « Dans les études épidémiologiques, là où il faut Il faut faire très attention, nous on parle d’une étude d’association, donc c’est effectivement une forme de corrélation, comment une variable change en fonction d’une autre variable.

Donc c’est tout simplement des chiffres, ça peut être des probabilités ou ça peut être une quantification de combien est-ce que la concentration peut diminuer en fonction de l’utilisation de la téléphonie mobile. Mais on ne peut absolument pas – dans les études épidémiologique presque en aucun cas ou très très rarement – dire que l’utilisation de téléphones mobiles est la cause de la concentration spermatique plus faible. »

L’un des rares exemples où il y a un lien de causalité avéré entre une maladie et un comportement, c’est les cancers et le tabac, parce que d’autres études sont allées prouver ce lien direct. Sinon, il faut garder en tête que les études épidémiologiques se cantonnent à des associations.

Pas de lien avec l’infertilité non plus

L’association est réelle mais les conclusions s’arrêtent là, les auteurs et autrices le disent eux mêmes. Et comme toute étude, elle a des limites. En l’occurrence, c’est la fréquence d’usage qui a été étudiée soit le nombre de fois qu’un sujet se sert de son téléphone, mais pas le nombre d’heures qu’il reste dessus. Et il ne faut pas non plus conclure que le téléphone conduit à l’infertilité.

Quand on se penche sur les chiffres, ceux qui utilisent le plus le téléphone ont une concentration spermatique en moyenne de 47 millions de spermatozoïdes par millilitre…. ce qui est plus faible certes, mais qui reste deux fois plus élevé que la norme définissant l’infertilité selon l’Organisation Mondiale de la Santé.

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