Il y a quelques jours, une épaisse couche de poussière avait enveloppé Dakar et plusieurs villes du pays. La fréquence de ce sale temps devient régulière. Même si cela s’est estompé, il va revenir car cette poussière est saisonnière. A côté, il y a aussi cette chaleur persistante qui a chassé même les périodes de fraîcheur, surtout à Dakar.
Qu’est-ce qui explique cette situation ? Est-ce dû au réchauffement climatique ? Ingénieur-prévisionniste météo à l’Anacim, Abdoulaye Diouf explique cette situation. Cette version est disponible sur notre chaîne Youtube (Quotidien Tv).
M. Diouf, quelle est la différence entre changement climatique et changement de temps ?
Il y a une différence entre le climat et le temps. Le climat est moyenné sur une période de 5 à 10 ans. D’une manière globale, l’Organisation météorologique mondiale (Omm) a caractérisé la normale climatologique sur 30 ans.
Donc, on fait une moyenne des paramètres météorologiques, que ce soit la température, le vent, l’humidité, sur 30 ans pour connaître une normale climatologique.
Donc quand on parle de climat, c’est une moyenne sur une durée donnée, alors que quand on parle de temps, c’est le temps qu’il fait ou bien la valeur du paramètre météorologique en tant que telle en un instant donné, en un lieu donné. C’est ce qu’on appelle le temps.
Par exemple, quand on dit qu’il fait chaud à Dakar, c’est-à-dire à l’instant T, on est par exemple à 30 degrés, là on peut caractériser le temps à un moment donné.
Actuellement au Sénégal, on est à quel temps ?
On peut dire que c’est légèrement chaud, puisqu’à cette période, on devait avoir de la fraîcheur au Sénégal, surtout les localités qui sont au niveau du littoral, mais là on a constaté que ce n’est pas le cas, c’est plutôt de la chaleur qu’on reçoit.
Qu’est-ce qui explique cela ?
Ce sont les changements climatiques, ça se ressent à tous les niveaux, que ça soit au niveau de la pluviométrie, des températures. Actuellement, on a constaté qu’il y a non seulement un décalage des saisons, l’hivernage, également la période de froid et de chaleur, mais aussi on constate une diminution du ressenti de fraîcheur durant la période de décembre à février.
C’est totalement différent de ce qu’on avait l’habitude de voir, puisqu’en fin novembre et début décembre, on ressentait de la fraîcheur, et au mois de janvier on était pleinement en période de fraîcheur, surtout en janvier et février. Mais là, c’est le contraire.
Comment l’expliquez-vous ?
Ce changement climatique, on peut dire qu’il est dû surtout aux contributions anthropiques du fait de l’industrialisation, avec les échappements carboniques des usines, les véhicules qui dégagent de la fumée qui contient du Co2, qui est le principal gaz à effet de serre.
Il y a également d’autres types de gaz, mais ceux-ci sont les gaz qui, de manière globale, stagnent au niveau de l’atmosphère et qui bloquent la chaleur qui devait s’échapper de l’atmosphère.
Il y a les rayons solaires qui viennent taper la surface de la terre, et ces rayons vont être réfléchis sous format infrarouge.
L’infrarouge est beaucoup plus ressenti que le rayonnement solaire qui vient directement du soleil. Du coup, ces rayons solaires, au lieu de s’échapper de l’atmosphère, sont bloqués par les gaz à effet de serre qui stagnent au niveau de l’atmosphère, c’est la raison pour laquelle on parle de réchauffement global de la terre, de changement climatique par ricochet.
Cette situation pourrait-elle changer dans le temps et revenir au climat d’antan ?
Ce sera difficile, avec les ambitions des pays. Ils veulent s’industrialiser et dans chaque pays, on a constaté que les gens achètent de plus en plus de voitures, contrairement à ce qui devait se faire. C’est-à-dire s’orienter vers les énergies propres, essayer d’utiliser l’énergie solaire ou l’énergie éolienne, ne pas utiliser les combustibles.
Ce sera en tout cas très difficile puisque les températures du globe ne font que grimper actuellement.
Le Groupe d’experts sur les changements climatiques préconise à ce que les pays essaient de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre pour qu’au moins la température de la surface du globe soit de 1.5. Mais là, la tendance montre que sincèrement, nous ne sommes pas sur le bon chemin pour stabiliser cette température du globe à 1.5, ce qui fait que les changements climatiques s’accentuent d’année en année et donc nous ressentons beaucoup plus de chaleur en période de fraîcheur.
Les jours précédents, il y avait beaucoup de brouillard et de poussière qui se sont estompés récemment, mais la poussière, elle, est encore présente. Des explications sur ce cas précis ?
C’est vrai que la poussière est encore là, même si c’est en concentration moindre par rapport à ce qu’on avait il y a quelques jours. C’est une poussière désertique qui vient du désert du Sahara, notamment du Nord Mauritanie, des fois même du Sud Mauritanie et du Sud Algérie.
C’est occasionné par des vents qui sont assez forts au niveau de la surface du sol, c’est ce vent qui va soulever les particules et puis un autre vent à 600 mètres va les transporter dans nos régions.
Les jours précédents, la poussière était beaucoup plus intense, mais maintenant ça s’est amoindri et la visibilité s’est légèrement améliorée, mais n’empêche on a toujours ces particules en suspension dans l’atmosphère.
Bien vrai que le vent n’est pas trop élevé actuellement au niveau du désert, mais ce sont des vents de rabattement qui sont tout proches du littoral qui nous amènent ces particules de poussière.
Elle est saisonnière ou passagère ?
La poussière, c’est un phénomène assez saisonnier. Au Sénégal, la période de poussière, c’est surtout le mois de janvier ou très rarement de fin décembre jusqu’au mois de mars à avril. Mais dès qu’on commence à se rapprocher de la saison des pluies, là, on n’a presque pas de poussière, hormis les poussières qui sont ponctuelles, dues souvent à des phénomènes météorologiques de pluies très intenses qui sont accompagnées de vents forts qui soulèvent la poussière.
Doit-on comprendre ainsi que la situation va s’améliorer et s’arrêter au mois d’avril ?
Oui, mais pas totalement. Des fois, on peut avoir quelques épisodes, mais ce n’est pas très récurrent au mois d’avril, c’est surtout entre février et mars que nous avons plus de phénoène de poussière. Je pense que ça va s’amoindrir au mois d’avril.
La couche d’ozone, les gaz à effet de serre ont-ils un impact sur la saison des pluies ?
Oui, ça a un impact puisque quand on parle de changement climatique, c’est un phénomène qui dérègle le climat d’une manière globale. Quand on parle de climat, il y a l’ensemble des paramètres climatiques qui entrent en jeu, que ce soit la température, la pluviométrie, le vent. Tous ces paramètres sont bouleversés.
Du coup, en période hivernale, on a même remarqué que la saison tarde maintenant à s’installer en grande partie et aussi, il y a une récurrence des phénomènes extrêmes.
C’est-à-dire lorsqu’on a de fortes pluies, elles deviennent de plus en plus intenses, ce sont les effets du changement climatique et ces phénomènes deviennent également plus fréquents. C’est ce qui fait qu’on constate des inondations, et c’est dû à des pluies qui sont très intenses et qui s’opèrent en un temps record. Donc les changements climatiques, d’une manière globale, touchent l’ensemble des paramètres météo.
La poussière est-elle la même partout ?
Non, ce n’est pas la même partout puisque la présence de poussière dépend des vents de transport. Lorsque le vent de transport est assez intense sur une zone, la poussière peut être transportée dans cette zone. Lorsqu’elle est faible dans un autre lieu, elle est moindre dans cette zone.
Ce qui fait qu’à Dakar, nous avons des visibilités un peu réduites, au Nord également, surtout vers le Nord-ouest, les visibilités sont également réduites. Par contre, à l’Est du pays, la visibilité est bonne. C’est bien différent. La poussière peut être présente dans une zone et absente dans une autre.
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