Les violences basées sur le genre, en plus d’engendrer des répercussions sur les victimes à plus ou moins long terme, entravent la réalisation de l’égalité, de la paix et du développement.

Dans cet entretien réalisé à la veille de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre, Wasso Tounkara estime qu’il est essentiel aujourd’hui de fournir aux jeunes un accès à des informations fiables et actualisées sur la santé reproductive. Et le hip-hop s’avère être un moyen efficace d’y parvenir.

Pouvez-vous nous présenter le projet Sensi­bilisation et accompagnement des jeunes sur la santé reproductive et les violences basées sur le genre (Sajs/Vbg) ?

Le projet Sensibilisation et accompagnement des jeunes sur la santé reproductive et les violences basées sur le genre (Sajs /Vbg) est une initiative qui accompagne le projet de recherche «HIRA – Informer, accueillir, héberger et resocialiser», dans la vulgarisation de ses résultats de recherche.

Par ce projet, l’association Genji hip-hop aspire à diffuser des informations essentielles pour les adolescentes et adolescents sénégalais et à renforcer leur compréhension de leurs droits à la santé reproductive et aux des Violences basées sur le genre (Vbg) à travers l’art et la culture.

Il est composé d’une campagne de sensibilisation utilisant divers moyens artistiques, incluant la production d’un single, d’un clip vidéo, la création d’une fresque murale, l’organisation d’ateliers d’écriture et de danse, ainsi que la production et la diffusion de spots vidéo éducatifs. Cette campagne locale et itinérante se déroule sur 36 mois dans trois régions du Sénégal à savoir : Ziguinchor, Saint-Louis et Dakar.

Le Sénégal connaît des défis spécifiques en matière d’éducation à la santé reproductive où traditionnellement les informations étaient transmises par les aînées de la famille. Cependant, ce système traditionnel a ses limites et ne répond plus aux besoins contemporains, laissant beaucoup de jeunes adolescents sans ressources adéquates pour comprendre les changements physiques, biologiques, psychologiques et sociaux, ainsi que leurs droits.

L’accès à une information fiable sur la santé reproductive reste un enjeu crucial.

Et notre projet Sajs /Vbg vise à combler ce vide informatif pour ces jeunes potentiellement exposés à des risques de Vbg. Et nous nous appuyons sur l’art hip-hop et les cultures urbaines, des vecteurs puissants pour toucher la jeunesse afin de transmettre des messages éducatifs et de sensibilisation.

Quels sont les principales réalisations et les objectifs attendus par l’Asso­ciation à travers l’art et la culture ?

Notre but est de participer activement à la sensibilisation sur la santé reproductive des adolescentes et à la lutte contre les Vbg, en nous appuyant sur les connaissances produites par le projet HIRA, qui aborde les défis sociaux et politiques liés à la santé reproductive des adolescentes victimes de violences sexistes au Sénégal.

Depuis 2021, Gënji hip-hop a eu à produire un single dénommé Dotokodefati.

Ce single dénonce les cas de viol, d’inceste, de pédophilie et d’attouchement, mais aussi fait un appel à l’action à l’endroit du gouvernement du Sénégal à travers les ministères concernés pour un accompagnement psychosocial et juridique des victimes survivantes. Il partage aussi des bonnes pratiques sur la procédure de dénonciation et la protection des victimes survivantes.

Gënji a aussi réalisé une fresque murale au centre Kuulimaaro de Ziguinchor, un centre qui accueille, héberge et accompagne des victimes survivantes de violences basées sur le genre. Pendant 3 jours, Genji a voulu contribuer à la guérison et à l’accompagnement psychologique des pensionnaires de ce centre en faisant appel au caractère thérapeutique de l’art.

Au deuxième jour, les filles ont pris l’initiative de peindre la case du centre avant l’arrivée de l’artiste.

Un message fort pour l’équipe de Gënji car cela montre qu’elles étaient très intéressées par l’activité de la veille. Les deux derniers jours ont été particulièrement marqués par l’enthousiasme et l’engagement dont faisaient montre les jeunes filles en accompagnant l’artiste dans la réalisation de la fresque murale.

Dîna bakhe, un mot wolof qui signifie «Tenez bon», est un message d’espoir et de résilience adressé à toutes les adolescentes victimes de violences basées sur le genre. Une manière de les réconforter, de leur témoigner un accompagnement physique et moral. D’autres messages et des tags de leurs mains ont été inscrits sur le mur par les filles.

Une façon pour elles de magnifier l’activité, mais aussi d’immortaliser leur participation.

Vous dites que le Sénégal connaît des défis spécifiques en matière d’éducation à la santé reproductive et que le système traditionnel ne répond plus aux besoins contemporains. Alors, que suggérez-vous pour mieux comprendre les changements physiques, biologiques, psy­chologiques des jeunes adolescent (e) s ?

Notre projet Sajs/Vbg cherche à répondre à ces défis. Il est essentiel de fournir aux jeunes un accès à des informations fiables et actualisées sur la santé reproductive pour les prémunir contre les risques de violences basées sur le genre. L’art, en particulier le hip-hop et les cultures urbaines, s’est avéré être un moyen efficace de conscientisation et d’éducation des jeunes.

Ces formes d’expression artistique, très prisées par la jeunesse, constituent des canaux pertinents pour véhiculer des messages de sensibilisation et fournir un accompagnement adapté aux besoins des adolescents dans leur parcours de compréhension des enjeux de la santé reproductive.

Du 10 au 11 novembre, l’association Genji hip-hop s’est rendue au lycée Ameth Fall de Saint-Louis pour mener la troisième activité de ce projet. Quels sont les objectifs les plus importants atteints grâce à ces ateliers ?

Durant le week-end des 10 et 11 novembre 2023, l’association Gënji hip-hop s’est rendue au lycée Ameth Fall de Saint-Louis, un établissement réservé aux jeunes filles, pour mener la troisième activité de ce projet. Elle avait pour objectif la sensibilisation des élèves à l’aide de données extraites du modèle de référence holistique pour l’hébergement des filles et femmes survivantes de violences sexistes, élaboré par l’équipe de recherche HIRA.

L’événement s’est articulé autour d’un atelier de slam, focalisé sur la diffusion d’informations relatives au deuxième volet du modèle, qui aborde les interactions entre les Violences basées sur le genre (Vbg) et la Santé sexuelle et reproductive (Ssr), en particulier chez les adolescent(e)s et les jeunes. L’atelier d’écriture a été co-animé par les poètes Assane Dieng et Hajar Pour­mera Thiam.

Les animateurs ont introduit la session par une performance de slam captivante, posant les bases d’un échange dynamique.

Les techniques d’écriture personnalisées ont permis l’émergence des voix individuelles et l’exploration de divers styles littéraires. L’atelier de quatre heures a été jalonné de débats et d’échanges, favorisant l’articulation des idées personnelles et le partage d’expériences. L’approche a inclus la rédaction de textes autobiographiques et s’est parfois révélée thérapeutique pour certaines participantes.

L’approche inclut la rédaction de textes autobiographiques et s’est parfois révélée thérapeutique pour certaines participantes. Comment l’expliquez-vous ?

L’approche thérapeutique de nos ateliers s’est concentrée sur la rédaction de textes autobiographiques. Cette méthode a permis aux participantes d’exprimer et de traiter leurs expériences personnelles. A la fin de l’atelier, nous avons recueilli leurs impressions, et nombre d’entre elles ont souligné les bienfaits de l’écriture et de la déclamation.

Ces activités leur ont offert un moyen d’articuler librement leurs pensées et émotions, tout en acquérant des informations précieuses sur leur santé reproductive.

De plus, elles ont partagé comment cette expérience a aidé à démystifier leurs peurs et leurs idées reçues sur des sujets sensibles tels que le viol, la pédophilie et les agressions sexuelles, et ont discuté de l’importance de savoir comment réagir face à ces situations. L’impact psychologique positif de cette démarche s’est avéré significatif, comme en témoignent les retours que nous avons reçus.

lequotidien

Part.
Laisser Une Réponse

Exit mobile version