Lorsqu’il est question de mobilité, la promesse écologique de l’hydrogène est belle. Alimenter un véhicule en ne produisant pour seuls « déchets » que de l’eau et un peu de chaleur. Mais l’amont de la filière est-il aussi vertueux ? Camille-Léa Passerin, la directrice du développement de HYSETCO, nous explique comment elle travaille à le devenir.

Dans le contexte de réchauffement climatique anthropique, beaucoup présentent volontiers l’hydrogène comme le combustible de notre avenir. En effet, injecté dans une pile à combustible, il permet de produire une électricité propre. Comprenez, sans émission de gaz à effet de serre. Avec pour seuls « déchets » — des coproduits, presque –, de l’eau et de la chaleur. L’ennui, c’est que l’hydrogène utilisé ne se trouve pas à l’état pur dans la nature. Il faut le fabriquer.
« C’est tout l’enjeu de la filière mobilité hydrogène », nous confirme Camille-Léa Passerin, la directrice du développement de HYSETCO. Avec plus de 7 tonnes d’hydrogène distribuées chaque mois dans quatre stations de recharge installées en région parisienne, la start-up se pose comme l’un des leaders européens de la mobilité hydrogène. Mais sept tonnes produites, aujourd’hui encore, par vaporeformage. Comprenez, à partir d’un méthane (CH4) qui, au contact de la vapeur (H2O), se réarrange en hydrogène (H2)… et en dioxyde de carbone (CO2). Dommage pour le climat.
« L’hydrogène que nous vendons aujourd’hui dans nos stations est produit par Air Liquide qui s’applique à capter le CO2 émis lors du vaporeformage. On parle là d’hydrogène bleu », nous précise Camille-Léa Passerin. C’est déjà mieux. « Mais notre ambition est tout autre. Nous projetons, dans un avenir proche, d’alimenter nos stations avec de l’hydrogène a minima bas carbone et si possible, d’hydrogène vert ».
La nouvelle station hydrogène ouverte porte de Saint-Cloud est équipée d’un électrolyseur qui permet de produire sur place de l’hydrogène bas carbone. © HYSETCO

Quelle différence ? L’hydrogène bas carbone peut être produit par électrolyse. C’est-à-dire en décomposant de l’eau (H2O) grâce à de l’électricité nucléaire. Une électricité bas carbone. C’est d’ailleurs ce que HYSETCO a mis en place pour sa station ouverte récemment, porte de Saint-Cloud. Elle intègre une unité de production d’hydrogène reliée au réseau électrique français. Un réseau bas carbone. « À terme, nous aimerions pouvoir nous approvisionner en hydrogène vert produit par l’un des grands projets actuellement en cours de développement en France. » Un hydrogène produit à partir d’une électricité 100 % renouvelable.

L’ennui, c’est que même alors, l’hydrogène sera acheminé par camions. « Il faudrait qu’il nous arrive par des camions… à hydrogène », sourit Camille-Léa Passerin. Ou que HYSETCO le produise directement dans ses stations. Comme c’est le cas, porte de Saint-Cloud. Mais à partir, cette fois, d’une électricité renouvelable. Pour préparer le terrain, la start-up prévoit d’ores et déjà d’installer quatre nouvelles stations équipées d’électrolyseurs d’ici 2024.
L’hydrogène, neutre pour le climat ?

L’autre problème, avec l’hydrogène, c’est qu’il fait, lui aussi potentiellement, partie des gaz qui ont un impact sur le climat. D’abord parce que sa durée de vie dans notre atmosphère est grande. Il est ainsi susceptible de rejoindre les hautes couches de l’atmosphère et, par des interactions chimiques, de ralentir la reconstruction de la couche d’ozone. Ensuite, parce que l’hydrogène, s’il s’accumule dans notre atmosphère, peut rallonger la durée de vie de certains puissants gaz à effet de serre tels que, notamment, le méthane. De ce point de vue, les chercheurs estiment que le pouvoir réchauffant de l’hydrogène sur 100 ans est de l’ordre de 5 à 10 fois celui du CO2. Mais il augmente lorsque l’intervalle de temps considéré diminue : il atteint presque 33 fois celui du CO2 sur 20 ans et même 200 fois celui du CO2 sur 2 ans.

Or l’hydrogène est un gaz particulièrement volatile. Et pour cause. C’est le plus petit élément du tableau périodique. Il se faufile partout. Les fuites peuvent donc être nombreuses sur une station de recharge. Il y a lieu d’être vigilant. Mais « tout a un impact et c’est bien la comparaison et la mise en perspective avec ce que l’hydrogène vient remplacer, qui doivent nous servir de boussoles dans nos choix technologiques pour réussir la transition bas-carbone », précise France Hydrogène dans une note de décryptage parue début 2022.Personne n’a intérêt à ce qu’il y ait des fuites

« Comme dans toutes les tuyauteries, il peut y avoir des fuites. Mais notre objectif, c’est bien de concevoir des stations qui soient les plus hermétiques possibles. Nous prenons garde au choix et au traitement des raccords et à la façon d’opérer les stations. Nous organisons des tournées de maintenance régulières pour vérifier la bonne étanchéité des raccords. Nous travaillons aussi à limiter les évents à la fin des pleins. Personne n’a intérêt à ce qu’il y ait des fuites. Elles ne sont pas seulement mauvaises pour le climat. Elles le sont aussi pour notre modèle économique », nous fait remarquer Camille-Léa Passerin.

Et c’est sans parler du risque généré par les fuites d’hydrogène sur les stations de recharge. « Sur les voitures, la problématique est maîtrisée par les constructeurs. Ils ont conçu des réservoirs spécifiques pour limiter les risques. Les stations de recharge, elles, sont soumises à déclaration au titre des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) », nous signale la directrice du développement de HYSETCO. Comme sur les stations-service classiques. Mais avec des risques différents.

« Toutes les précautions sont prises. Nos stations sont par exemple équipées de capteurs capables de mettre en sécurité le système si un problème est détecté. Et la volatilité de l’hydrogène, par exemple, nous impose que nos stations soient aérées. Pour éviter que le gaz se concentre et lui permettre de se disperser rapidement. »

FUTURA

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