Des chercheurs de l’Inserm ont découvert une nouvelle protéine impliquée dans l’absorption du fer. Son petit nom ? FGL1. A terme, de nouveaux traitements de l’anémie pourraient s’appuyer sur cette protéine afin de réguler le taux de fer et de globules rouges dans le sang.

Globules rouges
Le fer est un élément indispensable à de nombreux processus biologiques, dont le transport et le stockage de l’oxygène dans l’organisme.

L’anémie constitue un problème de santé majeur, à l’échelle mondiale. Elle touche près d’un tiers de la population. Cette maladie se caractérise par un déclin, en quantité ou en qualité, de globules rouges, qui sont les transporteurs de l’oxygène dans le sang.

Mais à quoi est-elle due ?

L’anémie peut être causée un déficit en fer, suite, par exemple, à « des maladies chroniques, une carence alimentaire, une perte de sang abondante ou encore, certaines infections », précise Léon Kautz, chargé de recherche à l’Inserm, lors d’une interview pour Sciences et Avenir. Les traitements actuels de l’anémie sont encore peu efficaces, mais avec son équipe, Léon Kautz vient de découvrir un nouveau moyen d’agir sur l’absorption du fer, intimement liée à la fonction des globules rouges. On vous explique les résultats de cette étude, parue dans la revue Blood.

Quelle est la place du fer dans les anémies ?
On l’a dit, l’anémie est causée par un déficit en fer, et a pour conséquence une diminution du nombre de globules rouges et/ou de leur qualité. Mais comment fer et globules rouges sont-ils liés ? « On sait que l’oxygène est transporté par les globules rouges, mais ce qui est moins connu, c’est qu’au sein des globules rouges, il y a une protéine, l’hémoglobine, basée sur un atome de fer », détaille l’auteur de l’étude.

C’est ce petit atome de fer qui fixe l’oxygène au globule rouge.

En d’autres termes, quand l’organisme n’absorbe pas assez de fer, les globules rouges perdent leur capacité à transporter l’oxygène, et donc le taux d’oxygène dans le sang est insuffisant. Pour traiter l’anémie, l’organisme doit donc augmenter à la fois sa production de globules rouges et de fer. Car un globule rouge sans fer, c’est un peu comme un vélo sans selle, ou une voiture fermée à double tour : le transporteur existe mais ne peut accueillir personne à son bord.

Ne peut-on pas simplement apporter à l’organisme une grande quantité de fer ?

Non, car lorsqu’il est en excès, le fer est toxique. Il n’est pas attaché à une hémoglobine et se retrouve libre. « Cela conduit à un stress oxydant et à une défaillance des organes, expose Léon Kautz. Il faut donc faire en sorte que les apports correspondent aux besoins de l’organisme, ni plus, ni moins. » Cette régulation, c’est le travail d’une petite hormone : l’hepcidine, dont l’action est bien connue des scientifiques depuis plusieurs années.

L’hepcidine, régulatrice de l’absorption du fer
Le fer est principalement assimilé dans l’intestin, à partir de la nourriture qu’on ingère. Cet élément chimique est absorbé grâce à un transporteur : la ferroportine. Mais quel est le rôle de l’hepcidine dans tout ça ? Un rival du fer. L’hepcidine peut, elle aussi, se fixer sur la ferroportine et entraîner alors sa dégradation. Conséquence : l’organisme absorbe moins de fer.

C’est ainsi que l’hepcidine régule l’entrée de fer dans l’organisme. « Quand l’organisme a besoin de plus de fer, il diminue l’expression de l’hepcidine, et inversement, quand il en a assez, il augmente son expression », résume l’auteur.

Il y a dix ans, les scientifiques découvraient un des rouages essentiels du métabolisme du fer : une autre petite hormone, appelée ERFE (érythroferrone). En cas d’anémie, sa synthèse est boostée par le même mécanisme qui active la production de globules rouges. La fonction de ERFE ? Inhiber l’hepcidine pour qu’elle ne prenne plus la place du fer sur la ferroportine et ainsi faciliter l’absorption du fer. Cette hormone permet donc à l’organisme de se réapprovisionner en fer quand il en a besoin.

Jusqu’à présent, les chercheurs n’avaient connaissance d’aucun autre rouage similaire, mais se doutaient cependant qu’ERFE n’était pas la seule hormone à contrôler ce processus. En effet, dans leur nouvelle étude sur des souris, des chercheurs de l’Inserm ont mis en évidence l’existence d’un autre régulateur tout à fait étonnant.

Un nouveau régulateur identifié
« A l’heure actuelle, on pense qu’ERFE est une hormone d’urgence, c’est-à-dire qu’elle est sécrétée en réponse à un stress : l’anémie », analyse Léon Kautz. Mais sur le long terme, lorsque l’anémie est chronique, les scientifiques ont observé que cette hormone n’était quasiment plus présente.

A la place, une autre molécule prend le relai pour tenter de réguler le taux de fer : FGL1. Elle est sécrétée par le foie et agit directement sur l’hepcidine. « C’est un processus qui se met en place plus tardivement, mais ERFE et FGL1 ont un mécanisme d’action très similaire, révèle le chercheur. Maintenant, reste à prouver que FGL1 existe bien chez l’Homme aussi, et pas uniquement chez la souris. »

Pour cela, les auteurs de l’étude ont développé un outil de diagnostic afin de doser FGL1 dans le plasma de patients. « Les recherches sont en cours, appuie Léon Kautz. On est au stade de la collection des échantillons. »

A terme, les chercheurs espèrent que cette protéine sera à l’origine d’un nouveau traitement de l’anémie.

L’objectif ? Accroître la synthèse de FGL1 ou l’administrer directement chez les patients atteints d’anémie pour permettre à l’organisme d’absorber plus de fer. “A l’heure actuelle, on travaille sur le découpage de la protéine, pour identifier le fragment minimal qui lui permettrait d’exercer son activité,” conclut-il.

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