La radiation de Barthélemy Dias de l’Assemblée nationale et potentiellement de la mairie de Dakar est un sujet qui dépasse les simples considérations juridiques. Derrière cette série d’évictions se cache un jeu politique complexe où chaque camp tente de tirer son épingle du jeu.
Le Pastef, aujourd’hui au pouvoir, pourrait, par inadvertance, ouvrir la voie à une opposition renforcée, si ces démarches venaient à se concrétiser.
La mairie de Dakar, avec son budget annuel dépassant les 50 milliards de francs CFA, est une position stratégique sur l’échiquier politique sénégalais.
Outre son poids symbolique en tant que capitale, elle constitue un tremplin pour toute ambition nationale.
En cas de révocation de Barthélemy Dias, cette mairie pourrait devenir un enjeu majeur pour le Pastef, qui aurait alors les coudées franches pour positionner l’un de ses fidèles, Abass Fall, en embuscade. Proche de Sonko et fin connaisseur des dynamiques locales, l’actuel ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les institutions est un choix naturel pour le régime, surtout dans la perspective des Municipales de 2027.
Cependant, vouloir trop forcer la main pourrait s’avérer contre-productif pour le nouveau régime.
Le maire Dias n’est pas un adversaire politique ordinaire. Héritier d’une base électorale solide forgée sur la fidélité des Dakarois et une aura de contestataire de longue date, sa radiation pourrait provoquer une vague de sympathie nationale. L’opinion publique sénégalaise, souvent sensible aux figures perçues comme victimes de persécutions politiques, pourrait se mobiliser en sa faveur.
Barthélemy Dias : un catalyseur pour l’opposition
En cherchant à évincer Barthélemy Dias, le régime risque de créer un martyr. Une telle situation pourrait rassembler une opposition dispersée autour de sa personne.
Contrairement à des figures politiques comme Amadou Ba, perçu comme vieillissant ou déjà affaibli par des luttes internes au sein de l’APR, ou Khalifa Sall qui, malgré sa résilience, reste fragilisé par les stigmates de son inéligibilité, Barthélemy incarne une génération politique montante.
Âgé d’une cinquantaine d’années, il appartient à la même génération qu’Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye.
Cette proximité générationnelle pourrait lui permettre de mobiliser les jeunes électeurs qui avaient initialement placé leur espoir en Pastef.
Dans un contexte où la conjoncture tenaille des populations exsangues par la cherté de la vie et qui commencent à s’impatienter, Barthélemy Dias pourrait se positionner comme le champion d’une nouvelle opposition, plus dynamique et populaire.
L’autre facteur à ne pas négliger reste le Parti socialiste dont l’ancien secrétaire général des jeunes est l’un des derniers visages populaires.
Jadis pilier de la politique sénégalaise avant de s’affaisser sous les poids des alliances et divisions internes, le PS pourrait voir en Barthélemy Dias un leader naturel pour sa renaissance.
Face à un Macky Sall en retrait et un Khalifa Sall vieillissant, le PS pourrait se réunir autour de lui pour tenter une reconquête du pouvoir à l’horizon 2027.
Cette hypothèse n’est pas farfelue. L’ancien maire de Baobab-Mermoz – Sacré-Coeur jouit d’une popularité locale incontestable et d’un réseau national tissé au fil des années de combats politiques.
En cas de radiation, il pourrait transformer cette épreuve en levier de mobilisation.
Ses soutiens iraient au-delà du PS, rassemblant des déçus de la coalition présidentielle et des figures de la société civile frustrées par ce qu’elles pourraient interpréter comme un excès d’autoritarisme du régime.
Si le Pastef croit pouvoir éliminer un adversaire de taille en facilitant la révocation de Barthélemy Dias, il sous-estime sans doute les répercussions politiques d’un tel choix.
Cette manœuvre pourrait être interprétée comme une contradiction avec les principes démocratiques que le parti avait tant défendus avant son accession au pouvoir. L’image d’un régime qui use des mécanismes administratifs et juridiques pour écarter un opposant risque de ternir la réputation du Pastef et d’alimenter une nouvelle contestation populaire.
De Khalifa Sall à Ousmane Sonko, en passant par Karim Wade, les tentatives d’élimination politique ont souvent eu l’effet inverse : renforcer la popularité des personnes ciblées. Barthélemy Dias pourrait ainsi devenir le symbole d’une opposition persécutée.
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