En 2012, peu de temps après l’accession de Macky Sall à la tête de l’Etat du Sénégal, le journaliste-politologue, Babacar Justin Ndiaye, disait dans une télévision de la place que «les Sénégalais ont davantage chassé Wade qu’élu Macky».

Il avait tout à fait tort, car c’était en toute lucidité que le Peuple sénégalais avait porté son choix sur le candidat Macky Sall en raison, précisément, de sa proximité des basses couches de la société, mais surtout à cause de son parcours politique exceptionnel lui conférant des aptitudes techniques et des connaissances politiques capables de changer l’orientation du pays sur les plans politique, institutionnel, économique et social.

A cela, venait s’ajouter la pertinence de son programme de campagne, le fameux «yoonu yokkuté», une propédeutique à l’émergence économique dont l’objectif primordial n’était point les réalisations tous azimuts d’infrastructures non prioritaires, mais plutôt de donner au Sénégal une «santé politique et sociale» qui puisse le rendre apte à la marche sur le chemin ô combien difficile qui mène au développement.

L’engagement de Macky Sall en faveur d’une gouvernance sobre et vertueuse et sa ferme volonté de restaurer l’Etat de Droit, en mettant fin à l’impunité et en combattant l’injustice sous toutes ses formes, s’inscrivait dans cette perspective. Il s’agissait, comme disait Abdoul Mbaye, «de mettre fin à l’arrogance et à la gabegie pour que règnent en maître l’éthique, l’humilité et le sens des responsabilités dans la gestion publique».

Toutefois, une fois installé, le Président Sall lance la Plan Sénégal émergent (Pse) qui abandonne l’esprit «yoonu yokkuté» et définit de nouvelles stratégies qui, à terme, devraient permettre de faire du Sénégal un pays émergent.

Et aujourd’hui, malgré ses réalisations jugées importantes, tant sur le plan matériel qu’immatériel, les Sénégalais se plaignent toujours et font à Bby les mêmes reproches au régime libéral du Président Wade dont on sait que le magistère avait été pourtant un déclic par rapport à l’«état stationnaire» économique et social de la période socialiste de Abdou Diouf.

En effet, le Peuple reproche au régime actuel son incurie face à la situation socioéconomique délétère dans laquelle baigne le pays et au désespoir de la jeunesse. Il considère que le non-respect par le Président Sall du compromis susmentionné qui le liait aux Sénégalais est à l’origine de toutes les difficultés que le pays traverse aujourd’hui.

Ce Peuple, aujourd’hui très fatigué et désappointé, voudrait, après 2024, que rien ne soit plus comme avant sur les plans, notamment, politique et social. Le prochain président de la République aura l’obligation de trouver des solutions idoines et durables aux maux qui gangrènent la société sénégalaise, empêchant le pays de décoller.

Il s’agit des «maladies de la société» comme le manque d’éducation de qualité et ses corollaires d’incivisme et d’indiscipline caractérisée, la dépravation des mœurs, le recul de la religiosité, la corruption, l’insécurité totale, le mensonge partout érigé en règle, la mollesse chez les jeunes et le culte de la facilité auxquels il faut ajouter le grand banditisme d’Etat et le pillage systématique et implacable des ressources publiques par les élites au pouvoir.

Les Sénégalais attendent du prochain président de la République qu’il mette fin à la «dictature politicienne» en démolissant l’Etat-politicien et en faisant disparaître cette race d’hommes politiques arrogants, incompétents et prédateurs.

Ils attendent qu’il mette un terme à la transhumance vers le pouvoir, qui maintient le pays dans un éternel recommencement. Les pratiques mafieuses, scélérates et perfides auxquelles ces politiciens avaient recours pour réaliser leurs desseins et satisfaire leur clientèle politique, ont systématiquement dévalorisé le mérite dans ce pays, encouragé la facilité et répandu la médiocrité dans tous les domaines.

Les Sénégalais attendent du prochain Président de la République qu’il fasse en sorte qu’il ne soit possible à n’importe qui de devenir multimilliardaire, sans travailler, mais rien qu’en étant politicien. Le prochain Président doit mettre fin à cette situation et veiller à ce que personne ne puisse profiter de sa position de pouvoir pour s’enrichir et enrichir des proches.

La politique ne doit plus être un moyen de promotion sociale, encore moins d’enrichissement personnel, mais plutôt une activité sacrificielle, un don de soi à la Patrie pour laquelle l’on se «tue» pour son développement et pour tout le bonheur de ses habitants.

Le Peuple ne veut plus entendre parler de «lijënti» (terme wolof auquel on peut donner le sens de «bras long», magouilles, tricherie, etc. pour obtenir des faveurs.) : une pratique fortement ancrée dans les mentalités sénégalaises. Le Sénégalais d’aujourd’hui n’accorde plus assez d’importance aux études et ne trouve plus d’opportunité à travailler dur pour réussir.

Il pense qu’il est possible de tout obtenir par le «lijёnti», soit en faisant de la politique soit en s’approchant des courtiers-politiciens «meune lëp» («omnipotent»). Le prochain Président aura l’obligation de faire comprendre aux jeunes que seul le travail paie, et qu’au bout de tout effort, il y a le succès.

Les Sénégalais ne veulent plus entendre parler de «quota» de tel ou tel politicien, ministre, Dg ou autres responsables dans les concours nationaux et recrutements «spéciaux». Dans un pays qui veut émerger, une telle pratique est inadmissible, car elle ne favorise pas l’émulation. C’est de la dévalorisation systématique du mérite et du travail au profit de la facilité et une promotion de la médiocrité.

Les Sénégalais veulent une police aseptisée de toute corruption et une Justice indépendante et impartiale. Les nombreuses bavures policières et les problèmes de Justice provoquent une psychose d’insécurité chez les populations. Ces deux institutions, capitales pour la stabilité nationale, malgré la qualité incontestable de ses ressources humaines, n’inspirent plus confiance.

Le Sénégal est devenu le pays où un honnête citoyen peut être accusé à tort, arrêté et emprisonné pour une faute qu’il n’a pas commise. «Dès qu’on est livré au Parquet, on a de fortes chances de gagner son ticket pour la prison», se désole un ex-détenu, qui dit avoir été choqué par le cas d’un détenu qui a passé quatre années en prison avant d’être acquitté, car les faits qui lui étaient reprochés n’étaient pas fondés.

Le Peuple sénégalais attend du prochain Président qu’il apporte des solutions à la léthargie dans le système éducatif sénégalais. Il y a une école au Sénégal, mais la société sénégalaise est sans école. Et une chose est sûre, tant que les problèmes d’éducation ne trouveront pas de remèdes, aucune politique, quoique pertinente soit-elle, ne pourrait donner des résultats escomptés, car l’éducation est un facteur incontestable de changement social, de stabilité politique, de progrès économique et de rayonnement culturel.

Un pays qui veut se développer, même regorgeant de ressources précieuses comme l’or, le pétrole et le gaz, s’il n’a pas un système éducatif de qualité, restera bloqué et exposé aux crises liées à ce qu’on appelle communément la «malédiction des ressources naturelles».

Un autre problème majeur auquel le prochain Président du Sénégal doit s’attaquer est le trop-plein démographique. La population sénégalaise s’accroît à un taux vertigineux de 2, 7% par an, alors que la production agricole ne cesse de diminuer.

Ce déséquilibre pose de sérieux problèmes de développement : difficultés économiques, jeunesse exorbitante, problème d’éducation, de formation et d’emploi, pauvreté, insécurité et délinquance juvénile, misère sociale et désespoir. Des solutions doivent être trouvées, car la «bombe démographique», si elle n’est pas désamorcée, est une catastrophe en vue.

Depuis l’Antiquité, les hommes avaient conscience des dangers du nombre. Au IVème siècle av. J-C, le philosophe grec, Aristote (384-322 av. J-C), dans Politique VII, 4, disait qu’«il est difficile pour un Etat dont la population est trop nombreuse d’être régi par de bonnes lois». A la suite de Malthus (1766-1834), les «néo-malthusiens» insistent toujours sur la nécessité de limiter le nombre de naissances pour éviter les catastrophes liées au «boom démographique».

Le Commandant Jacques-Yves Cousteau (1910-1997), dans une interview à Paris Match, s’écriait : «La population est le danger le plus grave ! » (in Le Point n°1030 du 13 juin 1992).

Donc si le prochain Président veut faire émerger le Sénégal, il doit y trouver des solutions. En quoi faisant ? De toute évidence, en lançant des politiques de limitation des naissances pour infléchir le taux de croissance. La baisse de la fécondité pourrait favoriser la croissance économique et permettre le mieux-être des populations. Le cas des pays d’Asie de l’Est peut, parfaitement, servir d’illustration à cette assertion.

Pour la méthode, un marabout du nom de Cheikh M. M. Ségnane avait fait une proposition certes rigolote, mais que nous avions trouvée pertinente. Il invitait l’Etat du Sénégal à «être strict en imposant une autorisation de procréation à chaque couple suivant les moyens des deux partenaires. Ainsi, selon les capacités des conjoints, il sera défini le nombre d’enfants à mettre au monde pour chaque homme et femme en règle avec les conditions établies», poursuivait-il.

La paix en Casamance constitue également une surpriorité à laquelle le prochain Président de la République doit accorder une importance inégalée. La crise casamançaise est comme une épine vénéneuse dans le pied du Sénégal dont elle gêne la marche sur le chemin caillouteux qui mène au développement. C’est comme une tumeur cancéreuse qui ronge à petit feu le pays, dégradant sa santé économique, sociale et culturelle.

La paix en Casamance doit être une préoccupation majeure pour le prochain Président car, de la résolution définitive de ce conflit et la pacification totale de la région, dépendra le succès de sa politique de développement national dans tous les domaines.

Il est vrai, ce conflit est atypique et assez complexe, mais il prendra fin tôt ou tard. Pour y parvenir le plus vite, il faudra véritablement négocier. Négocier certes, mais aussi privilégier des actions concrètes, sur le terrain, en termes de réalisations d’infrastructures de développement (ponts, routes, chemins de fer, pistes, universités et instituts de recherches, etc.).

En plus, la région doit bénéficier d’un «Programme spécial» de développement, une sorte de «Plan Marshall spécial» pour la mise en valeur des énormes richesses matérielles et immatérielles dont elle regorge. De toute évidence, un tel programme «discriminatoire positif» pourraient, inéluctablement, contribuer à effacer carrément les motifs socioculturels, économiques, géographiques et psychologiques de la rébellion.

Bref, le Peuple sénégalais attend du prochain président de la République qu’il s’engage dans la voie des réformes, très profondes sur les plans politique, institutionnel, économique et social, pour stabiliser davantage le pays afin de le mettre à l’abri des «révoltes populaires» contre les élites au pouvoir qu’on voit partout en Afrique et contre la vague de coups d’Etat militaires qui sévit actuellement dans la sous-région, déstabilisant les Etats et plongeant les populations dans la misère et le désarroi.

Il doit comprendre que la fonction de chef d’Etat n’est pas une jouissance, encore moins une sinécure, destinée à faire «le bonheur des hommes». La présidence de la République dépasse la simple responsabilité étatique, c’est une «mission divine» de lutte permanente contre les malheurs.

Dans les croyances traditionnelles de plusieurs peuples d’Afrique et d’Asie, le roi (ou le chef) est garant de l’ordre social. C’est lui qui accordait la prospérité du pays et le bonheur des populations en prévenant, de par sa pureté spirituelle et ses vertus intrinsèques, les malheurs en exerçant une influence favorable sur les réalités.

Par conséquent, les calamités naturelles et humaines l’incombent de fond en comble. Détenteur du «mandat céleste», la misère sociale et les événements malheureux peuvent, en effet, le rendre illégitime aux yeux de ses sujets.

Le prochain Président du Sénégal doit accéder à ce niveau de «spiritualité» en se donnant le devoir sacro-saint de mettre son Peuple à l’abri des malheurs.

Il aura l’obligation «divine» d’instaurer la justice sociale, la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat et d’instituer une gouvernance vertueuse en vue de mettre tout le monde dans un état psychologique et mental favorable au travail et à la production pour la construction d’un Sénégal réconcilié avec son Peuple dont chaque membre accepte de donner ce qu’il a de meilleur en lui pour son développement intégral.

lequotidien

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