Cette étude de la Johns Hopkins Medicine met en cause, pour la première fois, la responsabilité possible de la bactérie Clostridioides difficile (C. difficile) dans le développement de certains cancers colorectaux. En d’autres termes, ces nouvelles données publiées dans la revue Cancer Discovery suggèrent que l’incidence croissante des infections à C. difficile pourrait être l’un des moteurs de l’augmentation du cancer colorectal chez les jeunes adultes.
Les données recueillies par des chercheurs du Johns Hopkins Kimmel Cancer Center et du Bloomberg~Kimmel Institute for Cancer Immunotherapy, suggèrent ainsi que C. difficile connue pour causer la diarrhée sévère, peut également être à l’origine de ce cancer. « L’augmentation du nombre de jeunes adultrs, de moins de 50 ans, diagnostiqués avec un cancer colorectal ces dernières années est frappante. Nous constatons que la bactérie semble être un contributeur à la malignité du côlon, le processus par lequel les cellules normales deviennent cancéreuses », résume l’auteur principal, le Dr Cynthia Sears, professeur de médecine à la Johns Hopkins.
Plus de la moitié des patients atteints de cancer colorectal présentent des biofilms bactériens
Ce constat de biofilms bactériens à la surface du côlon d’un grand nombre de patients atteints de cancer colorectal, alors que seulement 10 à 15 % des personnes en bonne santé sans tumeur présentent ces biofilms a conduit l’équipe à s’interroger sur le rôle de certaines bactéries.
L’étude : sur des souris infectées avec des échantillons de biofilm provenant de patients atteints de cancer colorectal, les chercheurs constatent :
une augmentation considérable des tumeurs. Alors que chez les souris témoins, moins de 5 % développent des tumeurs ;
l’analyse des bactéries des biofilms révèle que C. difficile toxigène, le type de C. difficile qui cause la diarrhée, est absent des échantillons qui ne causent pas de tumeurs, mais est abondamment présent dans les échantillons qui causent des tumeurs chez les souris ;
l’ajout de cette bactérie aux échantillons qui ne provoquent pas de tumeurs suffit à induire, toujours chez la souris, des tumeurs du côlon ; d’autres tests révèlent que C. difficile seul suffit à déclencher la formation de tumeurs chez ces modèles animaux ;
enfin, C. difficile provoque une série de changements dans les cellules du côlon qui les rendent vulnérables au cancer : les cellules exposées à la bactérie activent les gènes responsables du cancer et désactivent les gènes protecteurs contre les tumeurs. Ces cellules produisent des espèces réactives de l’oxygène, des molécules instables qui endommagent l’ADN en plus de favoriser une inflammation nocive.
Une toxine produite par C. difficile, nommée « TcdB » est identifiée comme à l’origine de la majeure partie de cette activité oncogène. Ainsi, des souches de C. difficile génétiquement modifiées qui libèrent la toxine déclenchent beaucoup plus de tumeurs.
Alors que jusqu’à ces travaux, il existait peu de données épidémiologiques reliant C. difficile au cancer colorectal chez l’Homme, cette étude, en décrivant pour la première fois un lien, pourrait conduire à un nouveau mode de dépistage d’infection latente à C. difficile dont du risque de cancer. Eradiquer rapidement et efficacement cet agent pathogène ou sa protéine toxique pourrait sans doute éliminer une part non négligeable de ces cancers chez les jeunes adultes.
« Si ce lien entre C. difficile et le cancer colorectal doit encore être confirmé par des études de cohorte longitudinales prospectives, le développement de meilleures stratégies et thérapeutiques pour réduire le risque d’infection primaire et de récidive de C. difficile pourrait épargner aux patients les conséquences immédiates d’une diarrhée sévère mais aussi limiter leur risque de cancer colorectal plus tard dans la vie ».
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