Résister au froid, s’adapter à la chaleur, maintenir en permanence une température interne autour de 37°C, tout repose sur la thermorégulation. Et à quoi sert-il de garder notre corps toujours à la même température ?

Connaissez-vous l’histoire de ce lézard, l’agame barbu, qui, pour emmagasiner suffisamment de chaleur ou bien pour refroidir, change tout bonnement de couleur ? Un thermostat assez bluffant pour cet ectotherme que le langage commun désigne comme « animal à sang froid ».

Mais l’espèce humaine n’a rien à lui envier. Notre système de thermorégulation est tout aussi sophistiqué pour nous adapter aux changements de température. A l’instar de notre agame barbu, nous adoptons certains comportements pour résister au froid ou échapper à la chaleur : prendre une douche pour nous rafraîchir, nous couvrir de vêtements, manger chaud, construire des habitats adaptés aux multiples biotopes terrestres. Ce sont des comportements de régulation thermique que nous adoptons consciemment.

En parallèle, notre corps recourt à un ensemble de réflexes physiologiques pour rester à température à peu près constante. Parmi ces mécanismes homéostatiques, figurent la fonction vasomotrice, la transpiration (pour l’une et l’autre, voir plus bas) et l’endothermie, c’est-à-dire la capacité à générer notre propre chaleur grâce à notre métabolisme. Celle-ci est perçue actuellement comme un gain évolutif acquis par nos lointains ancêtres, probablement à une époque d’instabilité climatique. Cette endothermie a permis à notre espèce, parmi d’autres, de sillonner la planète sans se soucier des variations thermiques du climat et des biotopes traversés. De quoi se déplacer plus rapidement qu’un placide reptile !

Se maintenir à une température corporelle à peu près égale, c’est un caractère que nous partageons avec l’ensemble des mammifères et des oiseaux. Notre thermostat interne à nous, humains, est réglé autour de 37°Celsius. Une homéothermie entretenue par notre arme fatale, la thermorégulation.

Cette homéothermie permettrait un fonctionnement métabolique optimal. On explique souvent qu’en cas d’augmentation de la température, les réactions chimiques à l’intérieur de l’organisme s’accélèrent et entraînent un ralentissement de l’activité des neurones, des enzymes, une dégradation ou une dénaturation des protéines. Mais homéothermie ne signifie pas pour autant une seule et même température, immuable pour chacun, dans l’ensemble du corps.

A propos de la température considérée comme « normale » du corps humain
C’est un médecin allemand, Carl Reinhold August Wunderlich, qui établit le chiffre de 37° Celsius dans la deuxième moitié du 19e siècle comme température normale du corps humain. Ce chiffre est une moyenne, il est revu et établi avec les connaissances d’aujourd’hui dans une fourchette fixée entre 36,1°C à 37,8°C.

Depuis les mesures de Wunderlich et avec la sophistication des méthodes de prise de température, nous savons à présent que notre température n’est pas la même en tous points du corps. On distingue les notions de températures centrale et périphérique. On trouve une température constante dans ce que l’on nomme le compartiment central du corps, qui comprend les viscères thoraciques et abdominaux (cœur, reins, foie, tube digestif), le système nerveux central (encéphale et moelle épinière) et les muscles squelettiques. Le compartiment périphérique est, lui, constitué de la peau et des muscles. Les chercheurs constatent que cette température périphérique diffère selon des variables d’âge, d’état général de santé de l’individu, de température extérieure et de sexe. Enfin, elle varie aussi selon les moments de la journée.

De récentes découvertes viennent ébranler quelque peu ces principes, ou du moins compliquer le tableau. A l’échelle microscopique, on a découvert par exemple que la température des centrales énergétiques de nos cellules, les mitochondries, pouvait atteindre les 50°C ! L’énergie extraite de notre alimentation et digérée ultimement par nos cellules n’est pas entièrement utilisée, une large partie issue du fonctionnement de ces mitochondries se dissipe sous forme de chaleur, laquelle contribue à nous maintenir aux environs de 37°C.

On imaginait par ailleurs que notre cerveau, très sensible aux fortes variations de température, ne pouvait supporter de fonctionner au-delà de 37°C. Là aussi, surprise pour les chercheurs qui constatent sur les images IRM de fortes poussées de température — jusqu’à 41°C — selon l’heure de la journée, le sexe, l’âge des individus, ou encore la zone cérébrale sondée.

Et pour éviter la surchauffe de cet organe, il semblerait que nos bâillements quotidiens et répétés auraient pour fonction non pas de l’oxygéner mais de le rafraîchir d’après une étude comparative examinant 46 espèces d’oiseaux et 55 mammifères dont l’être humain.

Enfin, dernière constatation faite il y a peu, une température corporelle dite « normale » à l’échelle d’une population humaine peut baisser de quelques dixièmes sur plusieurs siècles. Une étude analysant près de 600.000 prises de température sur des cohortes de populations américaines entre 1862 et 2017 suppose que c’est l’amélioration de l’état de santé et des conditions de vie de ces populations qui a baissé leur niveau d’inflammations chroniques.

La thermorégulation, comment ça marche ?
La thermorégulation, c’est un équilibre constant entre production de chaleur et perte de chaleur pour assurer un température corporelle constante. Deux phénomènes régissent cette thermorégulation :

– la thermolyse, provoquée par de multiples mécanismes mis en œuvre par notre organisme pour diminuer notre température corporelle, pour en dissiper la chaleur excessive,

– la thermogénèse, qui est une production de chaleur obtenue à la suite de l’augmentation du métabolisme cellulaire.

Thermolyse. Le thermomètre a grimpé au-dehors, ou bien nous sommes en pleine séance de sport intensif, la température corporelle s’élève. Notre physiologie recourt à plusieurs effets pour dissiper l’excès de chaleur.

L’un des mécanismes les plus économes en énergie que le corps met en branle est la fonction vasomotrice. Les vaisseaux sanguins périphériques se dilatent, augmentent leur diamètre. Cette vasodilatation amène plus de sang chaud sous la peau, et évacue ainsi en périphérie la chaleur qui se dissipe ensuite dans l’environnement, selon plusieurs modes de transferts thermiques : par le rayonnement infrarouge, par la conduction (un transfert de la chaleur cutanée vers l’assise d’un siège, par exemple) et par convection ( les mouvements d’air frais et chaud).

Autre mode de transfert thermique, la transpiration ou sudation. C’est notre système nerveux sympathique qui stimule nos glandes sudoripares qui vont excréter de l’eau. L’évaporation du liquide sur la peau, mais aussi par les muqueuses et l’air expiré par nos poumons permet une déperdition efficace de chaleur.

Thermogénèse. Il y a plusieurs mécanismes physiologiques pour conserver la chaleur, ou bien pour la générer.

A l’inverse de ce qui se passe pendant la thermolyse, la fonction vasomotrice diminue le diamètre de nos vaisseaux sanguins périphériques. C’est ce qu’on appelle la vasoconstriction. Le but visé est de limiter les échanges thermiques entre le sang et l’extérieur et de préserver en profondeur la chaleur de notre sang, de conserver la chaleur du compartiment central. Les petits capillaires sous notre peau ne reçoivent plus de sang, toujours sur ordre de notre système nerveux sympathique.

Dans les cas extrêmes de froid, cette vasoconstriction peut se changer en un mécanisme physiologique qui vise à « sacrifier » le compartiment périphérique, c’est-à-dire les extrémités (mains, pieds, nez ou oreilles) pour sauvegarder le reste du corps, ce qui entraîne la formation de gelures.

Le corps peut se révéler encore plus actif en produisant des frissons. Ces tremblements, des contractions involontaires engendrées par les muscles lisses, génèrent plus de chaleur. Ce sont les mêmes muscles lisses qui hérissent nos poils lorsque nous avons la chair de poule, un phénomène appelé de manière savante horripilation. Une couche d’air isolante est emprisonnée entre les poils hérissés des animaux à poils ou à plumes. Un principe archaïque que nous avons conservé mais qui n’est pas très efficace chez notre espèce imberbe!

Enfin, la thermogénèse recourt à une arme chimique pour contrer le froid : la sécrétion de certaines hormones qui induisent une augmentation du métabolisme cellulaire. Quand celui-ci accélère, il produit encore plus de chaleur. Chez les nourrissons et les enfants, chez qui la possibilité de réguler par des tremblements n’est pas encore installée, la thermogénèse par augmentation du métabolisme va cibler des cellules du tissu adipeux brun. Ces cellules de « graisse brune » ne sont présentes qu’en petite quantité chez les adultes.

Les acteurs de la thermorégulation. La salle de contrôle principale de la thermorégulation se trouve bien évidemment dans le cerveau, et plus précisément dans l’hypothalamus, glande impliquée dans de nombreuses fonctions et entre autres dans le contrôle de la chaleur corporelle. C’est notre thermostat général.

L’hypothalamus dépend du système nerveux sympathique, un vaste réseau de nerfs reliant le cerveau aux multiples thermorécepteurs disséminés dans notre corps. Cette myriade de minuscules thermomètres capte le degré de température. Ils peuvent être périphériques, sous la peau et dans les muqueuses. Ils peuvent être centraux, et mesurer la température du sang.

Face à la menace de la « température du thermomètre mouillé »
Avec le changement climatique et les épisodes de vagues de chaleur, de canicules à répétition, il est légitime de s’interroger sur nos capacités à nous adapter. Comment notre corps régulera-t-il la chaleur excessive ? Et, plus encore à craindre que la chaleur, c’est la combinaison de la chaleur et de l’humidité qui met à mal notre thermorégulation. Quand il fait à la fois chaud et très humide, notre mécanisme de refroidissement par la transpiration et l’évaporation qui s’ensuit ne fonctionne plus, l’air ambiant étant saturé de vapeur d’eau.

Une étude de 2017, parue dans la revue scientifique Nature Climate Change, établissait que 30% de la population mondiale était d’ores et déjà exposée pendant au moins 20 jours par an à cette chaleur humide excessive. C’est une inquiétude pour les populations très pauvres du sous-continent indien qui subissent des vagues de chaleur mortelles liées à des « températures humides » depuis 2015. Et d’ici à 2100, ce serait presque la moitié de l’humanité qui serait confrontée à ce danger, explique l’étude.

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