Le contexte politique de 1999 était celui d’une fin de règne de la gestion d’une quarantaine d’années du Parti socialiste. IL avait servi de prétexte à Moustapha Niasse pour lancer au peuple sénégalais son fameux appel du 16 Juin de la même année intitulé « J’ai choisi l’espoir ».
Comme beaucoup d’autres camarades, j’avais partagé avec lui ce choix et adhéré aussitôt au parti politique crée par la suite pour la réalisation dans les faits de l’espérance proposée aux populations sénégalaises.
Aussitôt mis sur les fonts baptismaux, le parti, sous la dénomination Alliance des forces de progrès (A.F.P.), s’employa à jouer un grand rôle sur l’échiquier politique national, et réussit avec 16,8 % des voix à se classer troisième au premier tour de l’élection présidentielle du 25 Février 2000 derrière messieurs Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
Ce rôle fût encore déterminant au second tour, car par sa consigne de vote en faveur de Mr Abdoulaye Wade, il contribua largement à la victoire de ce dernier et donc à l’avènement de la première alternance politique au Sénégal survenue le 25 Mars 2000. Aussi, le Secrétaire général du parti, Moustapha Niasse, devint sans surprise le premier Premier Ministre du premier gouvernement de l’alternance au Sénégal sous la présidence de Mr A. Wade.
Mais, le compagnonnage politique avec le nouveau président dura le temps de vie d’une fleur.
IL prit donc fin en Mars 2001 moins d’une année pour cause de divergence profonde en matière notamment de la gouvernance politique et économique du pays.
Notre parti fut également un acteur clé de la deuxième alternance politique intervenue en 2012.
Sans en être cette fois encore, hélas, le vainqueur au point de voir son Secrétaire général être qualifié par les politologues de « faiseur de roi ».
A ce double échec de notre Parti et surtout de son Secrétaire général, l’on peut avancer entre autres deux explications. D’une part, l’absence d’une entente politique stratégique entre les partis de la gauche sénégalaise, et particulièrement entre ses deux formations leaders qu’étaient l’AFP et le Parti socialiste.
D’autre part, la trahison par ces mêmes partis politiques classiques de la gauche sénégalaise, de leur doctrine ou idéologie socialiste qui faisait leur originalité et leur force attractive sur la scène politique nationale et internationale.
C’était hélas, pour jouer le rôle peu enviable de remorque d’un mouvement politique informel qualifié faussement de parti politique libéral dénommé Alliance pour la république (A.P.R.). En effet, ce mouvement, qui n’a jamais organisé un congrès constitutif en violation de la loi sur les associations, est géré à ce jour de manière informelle et illégale.
Parlant de Moustapha Niasse, l’ex commissaire divisionnaire de classe principale, Boubacar Sadio, écrit dans Walf quotidien ceci :
« Il est admis, de notoriété publique et généralement reconnu, que les deux dernières législatures sous la présidence de Moustapha Niasse sont les plus nulles, les plus décevantes, les plus désastreuses et les plus catastrophiques de l’histoire de notre Institution parlementaire.
Quant à celle qui vient de s’achever en 2024, elle apparaît comme la plus inutile, la plus dégradante et la plus avilissante avec un président qui a perdu ambition politique et dont la seule raison d’exister était de se soumettre, dans une posture de réputation servile, à la seule volonté et aux désidératas de son maître, le Président Macky Sall dont il a accepté d’être le valet, le séide et le vil serviteur ; exécutant ses ordres sans état d’âme avec une délectation immorale, pourvu que ce dernier soit satisfait.
C’est ainsi qu’il a tissé des relations vassaliques entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif réduit à une simple boite de réception et une banale caisse d’enregistrement et de résonance des décisions du prince.
Le Président Moustapha Niasse n’a pas laissé un bon souvenir aux sénégalais dont la majorité considère comme quelqu’un qui s’est plus servi de l’Etat qu’il ne l’a servi, il a mis à profit sa position institutionnelle pour s’enrichir immensément ».
Que faut-il penser de ces propos ?
Hélas, Ils traduisent néanmoins une réalité de comportement nouveau d’un vétéran de la politique sénégalaise qui contraste avec celui d’un homme politique que l’on considérait comme un grand commis de l’Etat ; et ce depuis le règne de son mentor le poète Président L. S. Senghor (compagnon de longue date du grand patriote et combattant panafricaniste de l’ancien Président du Conseil Mamadou Dia), à celui du Président Abou Diouf et même, dans une certaine mesure, sous le magistère du Président Abdoulaye.
Mais cette attitude pour le moins regrettable était prévisible et avait son germe dans la malheureuse et illégale décision du 10 Mars 2014 du Secrétaire général et de son Bureau politique ‘’Béni- oui- oui’’.
En effet, dans une contribution datée au 17 Juillet 2018 et intitulée « Quelques réflexions sur la démocratie africaine, la mauvaise et gabégique gouvernance des dirigeants africains, seules causes du sous-développement économique du continent et de l’appauvrissement des populations », publiée à la fois sur la toile AFP et dans la Revue de presse de Mamadou Ly, j’écrivais ceci :
« En effet, cette décision inacceptable est une grave atteinte à la raison d’être du Parti, c’est à dire la conquête du pouvoir politique par les élections. Un acte de surcroit posé sans l’avis de la base du parti réunie en congrès. A quelle fin ? De toute évidence pour faire phagocyter le parti par un mouvement à cause de son déclin sur la scène politique nationale.
En contrepartie recevoir quelques avantages ou subsides politiques pour la survie d’une coalition du cheval et du cavalier.
Une coalition dirigée non pas collectivement mais unilatéralement par son chef autoproclamé. En effet, il offrait à tel ou tel chef de parti membre la présidence d’organismes politiciens que le Général De Gaulle, parlant de l’ONU, qualifiait de « machin » tels que le HCT, le CESE, le Dialogue social, le Dialogue territorial etc.
Le but étant de caser leur clientèle politique parasitaire ou sangsue au détriment des populations laborieuses dont la pauvreté galopante ne peut être réduite par l’octroi de bourses familiales sélectives et dérisoires à une minorité de citoyens.
La preuve en est la figuration du Sénégal à la fois sur la liste des 22 pays les plus pauvres et sur celle des 39 pays qui connaissent l’insécurité alimentaire ou même la famine dans certaines de leurs régions telles que les localités du nord de notre pays. »
Cet acte politique qui jurait avec les règles de base de la démocratie a provoqué un « tsunami » politique sans précédent dans le parti de l’espoir qui n’est plus que l’ombre de lui-même à l’instar du reste des autres partis de la gauche sénégalaise.
On peut penser que les propos du Commissaire Sadio ont certainement indigné la minorité de militants qui ont accompagné le ‘’faiseur de roi’’ pour participer au partage du gâteau ou au festin avec comme justificatif le fallacieux et opportuniste slogan « on n’a gagné ensemble et on gère ensemble » sans souci pour le sort des populations appauvries par la gestion prédatrice et ruineuse de la coalition Benno Bok Yakkar.
En effet, il ne fait pas de doute que c’est la majorité des militants déçus qui ont quitté en masse le parti. Soit pour créer une nouvelle formation politique telle que notamment le Grand Parti de Malick Gakou. Ou pour adhérer au mouvement politique A.P.R. dont le chef, en même temp patron autoproclamé de la coalition hétéroclite et contre nature de Benno Bok Yakkar, y trouva dans cette migration un pain béni. Politicien rusé et tortueux, il n’en éprouva la moindre gêne ni pour la saignée des militants des partis partenaires de la gauche sénégalaise ni pour la perte de leur crédibilité en dépit de leur allégeance déclinée. Car, pour cet allié dominateur et conquérant, seul comptait le rapport de force qui prime toujours en politique. Plus encore en politique politicienne ou professionnelle caractérisée par une transhumance honteuse motivée par l’unique désire de s’accaparer des ressources de la nation. Sans égard aucun pour la misère grandissante des populations laborieuses dont le travail quotidien permet leur transformation en valeurs hélas confisquées par le vol criminel des politiciens professionnels à col blanc.
Que faire ? Pour reprendre l’interrogation du plus grand révolutionnaire de tous les temps, à savoir Vladimir Ilitch Oulianov Lénine (1870-1924) figure de proue de la grande révolution socialiste d’Octobre 1917. Il en a fait le titre d’un de ses nombreux et célèbres ouvrages. S’agissant du comportement des intellectuels, il écrit ce qui suit :
« Les intellectuels sont les plus aptes à trahir, car ils sont aussi les plus habiles à justifier leur trahison. Une vérité révélant la tragédie de l’histoire : ces esprits éclairés, censés être des phares guidant les nations, deviennent parfois des brasiers consumant les valeurs lorsque leur boussole morale s’égare. Un intellectuel n’est pas seulement un lecteur avide ou un penseur rebelle, il est l’architecte des esprits et le bâtisseur des idées. Lorsqu’il trahit sa mission, ce n’est pas seulement sa propre intégrité qu’il compromet, mais celle de toute nation. C’est là que la tragédie prend son visage le plus cruel : quand l’intellectuel, autrefois conscience d’un peuple, devient un poignard enfoncé dans son flanc : quand, au lieu d’être un messager de vérité, il se fait marchand d’illusions. L’histoire est jonchée de noms de ceux qui ont tronqué leur plume contre des privilèges, détourné leur pensée au service des tyrans, justifiant l’oppression par la sagesse et la lâcheté par le pragmatisme. Mais le pire n’est pas tant la trahison que l’assurance du traître. Car lorsqu’on l’interroge, il ne rougit même pas. Au contraire, il vous assène mille raisons prouvant que la trahison n’est, au fond, qu’une autre forme de sagesse ».
Voilà incontestablement une profonde et pertinente réflexion au surplus d’une brulante actualité. En effet, l’on constate partout dans le monde et particulièrement en Afrique les méfaits multiformes de la mauvaise et politicienne gouvernance de la classe des dirigeants intellectuels qui s’accaparent du pouvoir politique par le discours mensonger et démagogique dans le seul but d’une vile et immorale réussite sociale au grand détriment des populations laborieuses victimes d’une pauvreté galopante.
Au sortir de leur participation à la gestion prédatrice des libéraux autoproclamés durant les douze dernières années, les partis de la gauche sénégalaise et singulièrement l’AFP ne sont plus que des coquilles vides voués à un dépérissement continu.
Dès lors et pour conjurer cette évolution mortelle, il revient impérativement à la jeune génération socialiste montante d’écarter de la gestion des affaires de la cité la classe des politiciens professionnels dépassés pour avoir atteint les limites de leur incompétence. Car le mensonge, la mauvaise et autocratique gouvernance dont ils ont usé, abusé et fait montre sont la seule cause du maintien de la quasi-totalité des pays africains dans le sous-développement économique chronique plus d’un demi-siècle après l’octroi de leur indépendance politique formelle. C’est pourquoi et fort justement, Frank Fanon (1925-1961), traitant entre autres des effets psychiques néfastes de la colonisation, disait que : « Chaque génération arrive devant l’Histoire, elle remplit sa mission ou elle la trahit ». IL n’est pas douteux que la nouvelle génération africaine remplira sa mission. Une preuve en est l’expérience en cours au Sénégal après la victoire éclatante du jeune parti, le PASTEF (Parti africain sénégalais pour le travail, l’éthique et la fraternité) aux élections présidentielles du 24 Mars 2024. Comme du reste, d’autres signes précurseurs qui se font jour dans bien des pays du continent tels que ceux des Etats du Sahel (AES). Mais il faudra surtout que cette jeunesse progressiste, pour rendre possibles une nécessaire refondation et un incontournable regroupement des partis de la gauche sénégalaise, privilégie et favorise par une formation politique la réappropriation par les militants de la doctrine socialiste socle d’un sacerdoce au service exclusif du peuple souverain. Et en conséquence, rompre définitivement avec un opportunisme politique et défaitiste fondé sur une fausse théorie selon laquelle un parti politique ne pouvant gagner seule une élection, la victoire électorale passe nécessairement par une coalition politique d’intérêts égoïstes, hétéroclite et contre nature ; imposant aux acteurs politiques une gestion collégiale et concertée du pouvoir politique gagné et a géré ensemble. IL est inutile de souligner la vacuité d’un tel aventurisme politique démenti cruellement par la victoire à la dernière élection présidentielle sénégalaise du 24 Mars 204 de PASTEF gagnée sous sa seule bannière politique hors de toute coalition politique alors même que des partis et mouvements politiques lui avaient déclaré leur soutien sans condition aucune.
Voilà ma contribution pour la refondation du parti qui avait choisi l’espoir et suscité à sa création beaucoup d’engouement et d’espoir au sein du peuple. Il n’aurait jamais dû trahir sa doctrine politique pour se mettre au service d’un mouvement politique politicien et clanique et lui servir de faire valoir avec à la clé son affaiblissement sur la scène politique nationale au terme d’une alternance politique désastreuse qui s’inscrira dans les pages sombres de l’Histoire politique sénégalaise.
Dakar le 10 Avril 2025
Elhadj Mohamed Assime Diop,
Ancien Secrétaire politique de la Délégation communale de Mermoz Sacré-Cœur.
Ancien membre de l’Alliance nationale des cadres de progrès (A.N. C.P.).