Un mal ronge l’Afrique : l’indiscipline. Tout le continent en souffre. A tous les échelons de vie, dans l’espace public ou privé, le déni d’ordre frappe par son ampleur. Par bien des aspects, il ressemble à une plante invasive. Il envahit toutes les sphères d’activités.

Les actes de défiance se multiplient. Ils secrètent même des gestes de déviance au point d’apparaître comme relevant de la normalité. Il n’est plus temps de se payer de mots, la situation révulse parce qu’elle est grave. Énormissime.

Très tôt, l’indiscipline a pris corps dans nos sociétés africaines, sans limite dans sa vicieuse progression. Au lendemain des indépendances, les Etats naissants s’étaient dotés d’une compagnie panafricaine, AIR AFRIQUE, pour ne pas la nommer, dont le déploiement des ailes dans le ciel procurait une fierté non feinte à tous les Africains.

L’égoïsme, l’arrogance, la gabegie, l’irresponsabilité ont eu raison de cette belle promesse d’intégration et d’unité freinée dans son élan par des vanités qui n’avaient pas lieu d’être. La faillite résonne encore. Les conséquences se font toujours sentir par les drames engendrés chez des travailleurs laissés à eux-mêmes, sans défense, sans soutien dans une indifférence quasi générale.

D’autres grandes initiatives d’envergure ont connu des sorts semblables, donc peu enviables en RDC, ex-Zaïre, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Tchad, en Mauritanie, au Congo-Brazzaville, en Guinée Equatoriale, en Angola, au Mozambique, en Libye, au Mali, au Libéria, en Guinée, au Ghana, entre autres… En cause, la mauvaise gestion, l’accaparement, le clanisme et l’impunité dressée en une « immunité totale » dont se parent les proches aux allures de nouveaux riches.

Ce mal, avons-nous dit, est profond.

Il irrigue les veines des sociétés africaines où se côtoient des vies parsemées de chocs, des douleurs sans âge, des drames anodins, des moqueries face à des courses aux honneurs, des besoins inassouvis de reconnaissance, une profusion de fausses valeurs, sans doute des contre-valeurs érigées imprudemment en valeurs par les adeptes de parcours en raccourci.

Dans ce grand embrouillamini « tout se règle » derrière les rideaux, tout « se monnaye sous les dorures ». De « petites mains » se saisissent de grands dossiers qu’ils transmettent en tremblant à des encagoulés qui filent à l’anglaise une fois les piteux marchés conclu.

Des « enrichis sans cause » n’hésitent pas à se donner en spectacle pour de puériles démonstrations d’aisance.

Quelle est la pensée de derrière ? Impossible de décoder ni de déchiffrer ces pratiques d’un autre âge. Mais elles s’apparentent étrangement à ces « silhouettes sombres » qui jalonnent les ruelles non moins sombres des grandes villes africaines où se forment et grossissent des filières parallèles d’un commerce peu vertueux et irrévérencieux.

On le devine aisément, ces univers clos drainent d’énormes enjeux financiers qui aboutissent à des contrôles de périmètres si ce n’est à des guerres de territoires entre « gens de bonne compagnie ». Bonjour le narco-banditisme !

Comment dès lors s’étonner que l’Afrique soit devenue la plaque tournante de la cocaïne ?

Des tonnages conséquents sont souvent saisis et exhibés comme des « trophées de guerre » alors que les vrais acteurs sont loin d’avoir livré leurs plans de riposte aux offensives des forces dépositaires de la violence légale.

A l’origine, le continent noir, n’était qu’un point de passage sur la route de la cocaïne entre l’Amérique latine, source originelle et l’Europe, destination finale. Mais à l’observation, et très certainement au contact de la réalité du continent, les stratégies maléfiques se sont adaptées.

Elles sont servies par l’indiscipline qui règne, perçue par eux comme un « ventre mou » où la drogue se propage, se banalise et inquiète davantage. Plus de monde va se déplacer vers ces zones sur lesquelles s’arrête le curseur.

La galère ponctue le quotidien de millions d’Africains qui voient leur salut dans l’errance puisque abandonnés à eux-mêmes. En famille ou par affinités, ils occupent la rue. La défiguration des villes donne l’image de « fin de monde » par bien des endroits pris d’assaut par des gens impudents et impudiques, souvent outranciers.

Des vies se reconstituent en plein air avec d’ahurissantes scènes de vie qui ne choquent plus personne. L’accoutumance. On en est qu’au début, préviennent des observateurs avertis qui craignent justement que l’indifférence ne creuse les écarts en accentuant les disparités.

Le Nigéria et le Ghana, malgré leur prospérité, sont le laboratoire vivant des ébullitions sociales.

Les nantis se barricadent. Les exclus ne supportent plus l’isolement dont ils sont l’objet. Le mur invisible qui sépare les populations finira par s’effondrer pour mettre face à face les colères de rue et les îlots de tranquillité. Les digues risquent de sauter. Funeste futur, crispant, haletant !

Que faisons-nous pour conjurer cette fatalité ?

Pas grand-chose en terme d’initiatives… Les élites de tous bords se taisent. Hélas. Et pourtant il urge de corriger ces fragilités qui plombent toute aspiration au progrès, au bien-être, à l’épanouissement.

En clair, une économie ne peut émerger au milieu d’un chaos avilissant et humiliant. La nécessité de recréer des dynamiques s’impose en élargissant les bases de la prospérité annoncée.

Un pays où règne l’indiscipline doute de lui-même.

Pourquoi se recroqueviller quand la relance inclusive s’offre comme une panacée économique ? Pourquoi sommes-nous réfractaires à l’ordre et à la discipline ? Coûtent-ils plus cher que le désordre, la désobéissance voire la soumission ?

Un monde brutal cligne. Nos quotidiens difficiles nous empêchent de percevoir les lignes de clivage. S’achemine-t-on vers des sociétés à plusieurs vitesses ? Si cette voie est inéluctable, nos fragilités accoucheront d’odieux monstres d’instabilité et d’outrecuidance.

L‘appel à l’action dicte à tous de sentir le seuil du tolérable. Les pénuries d’offres contrastent avec les oasis d’abondance qui préfigurent une fracture sociale aux conséquences inédites.

Les réseaux arrivent chez nous et s’implantent en catimini.

Pas besoin d’un dessin pour le comprendre ! Ils flairent les «bonnes et juteuses » opportunités dégradantes, avilissantes. La cohorte des malheurs jalonne leurs itinéraires, ne laissant sur place que précarité, désillusion et désarticulation.

Nous sommes prévenus. Surtout avec la perspective d’exploitation imminente des hydrocarbures.

D’ailleurs, l’odeur du pétrole attire les filières de la drogue avec son corolaire la criminalité sexuelle qui se propage au gré de l’expression des besoins de joie, de jouissance et de réjouissances.

La réalité dépasse la fiction.

Les paumés, les désœuvrés, les frustrés et les désavantagés constituent une « proie » facile à embrigader dans des aventures en guise de « lanceurs d’alerte » ou d’indicateurs sans visage.

Quel monde se profile ? Les dangers rôdent autour de nous. Le grand réveil sonne.

emedia

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