Pour le Pr Amadou Lamine Fall : « Les effets secondaires des vasoconstricteurs sont rares, mais ils existent ». Alors que le rhume s’invite dans de nombreuses familles du continent africain, il est préférable d’éviter certains médicaments que l’on achète en pharmacie pour le soigner.

Beaucoup d’entre nous n’hésitent pas à se ruiner en pharmacie à coup de sirops et de pastilles pour soigner un rhume. Certaines solutions proposées dans les pharmacies peuvent carrément provoquer des effets indésirables sur le système cardiovasculaire et neuropsychique. Le problème, c’est que la pseudoéphédrine, présente dans certains de ces traitements anti-rhume, provoquerait des accidents cardio-vasculaires. 

La pseudoéphédrine a un effet vasoconstricteur qui entraîne un risque d’infarctus du myocarde et d’accident vasculaire cérébral (AVC).

La vasoconstriction resserre les vaisseaux sanguins, ce qui augmente les efforts fournis par le cœur ainsi que ses besoins en oxygène. La vasoconstriction accentue également la tension artérielle. Pour mieux comprendre l’usage de ces médicaments et les bonnes pratiques pour lutter contre le rhume, on a échangé avec le Pr Amadou Lamine Fall, chef service de la cardiopathie à l’hôpital d’Enfants Albert Royer de Dakar, au Sénégal. Entretien.

Le Pr Amadou Lamine Fall a répondu à toutes nos questions                         Le Pr Amadou Lamine Fall a répondu à toutes nos questions

Allo Docteurs Africa : Vous avez récemment signé une tribune (à voir ci-dessous) sur l’usage des vasoconstricteurs dans la prise en charge du rhume. Pourquoi ?

Pr Amadou Lamine Fall : J’ai signé cette tribune avec plusieurs confrères africains pour tenter de sensibiliser les autorités et les populations sur les effets secondaires des vasoconstricteurs qui sont commercialisés. 

A.D.A : En tant que médecin, vous voyez au quotidien des effets secondaires liés à l’usage des vasoconstricteurs ?

Pr A.L.F : Non. Il s’agit d’un problème de pharmacovigilance et il est évident que dans nos pays, c’est moins développé qu’ailleurs. Mais la littérature médicale décrit des cas liés aux vasoconstricteurs et leurs effets secondaires notamment les complications neurologiques et cardiaques à tout âge. 

A.D.A : Comment se porte la phamacovigilance en Afrique ? 

Pr A.L.F : La pharmacovigilance se développe doucement. Au Sénégal, il faudrait que les gens disent qu’ils ont eu des effets secondaires importants suite à la prise d’un médicament. Surtout pour les effets cutanés et les allergies.

Mais beaucoup ne le font pas. Aujourd’hui, tout est centré au niveau de la capitale Dakar et quand on est en périphérie, il devient compliqué d’incriminer un médicament. Il reste encore beaucoup à faire, même si les choses évoluent depuis la création de l’Agence africaine du médicament. 

A.D.A : Si notre enfant a un rhume, que faut-il faire concrètement ? 

Pr A.L.F : Les recommandations sont essentiellement le lavage du nez avec un sérum physiologique et éventuellement avec la prise d’un antihistaminique. Mais la grande majorité des décongestionnants nasaux prescrits ou vendus sans ordonnance contiennent des vasoconstricteurs. Et ce sont ces derniers qui entraînent des effets secondaires. 

A.D.A : Dans ce cas, est-ce que l’automédication est à éviter ? 

Pr A.L.F : Oui, absolument. L’automédication n’est pas conseillée, tant qu’on n’utilise pas de sérum physiologique et parfois un antihistaminique qui n’est pas composé de vasoconstricteur. Les effets secondaires sont peut-être rares, mais ils existent. Et quand il y en a, il faut en parler. 

Nous soussignés, sous l’impulsion du laboratoire UPSA, faisons partie d’un groupe de 8 praticiens experts exerçant au Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire, Cameroun et Burkina Faso s’est réuni autour du sujet : « Utilisation des vasoconstricteurs en associations avec des antihistaminiques et analgésiques dans la prise en charge du rhume chez l’enfant ».

Parmi les traitements dits de médication familiale, du rhume et de l’état grippal bénéficient d’un arsenal thérapeutique varié, tant sur le nombre de médicaments que sur les formes galéniques (comprimés, gélules, sirop, suspension nasale). 

Si l’utilisation de ces produits est pratique courante pour bon nombre de patients, la prise en charge pour les populations les plus fragiles reste un élément de discussion compte tenu de la composition de certains médicaments, contenant des vasoconstricteurs type pseudoéphédrine, associés à des antihistaminiques et analgésiques. 

Les 3 acteurs majoritaires (représentant 86% du marché) ont une Autorisation de Mise sur le Marché dans le traitement de l’état grippal chez une population de patients avec un âge inférieur a 6 ans. Parmi ceux-ci, 2 produits représentant 70% du marché, possèdent dans leur composition de la phényléphrine, un vasoconstricteur dérivé de la pseudoéphédrine.

En l’absence de données épidémiologiques locales Africaines qui concernent les molécules citées ci-dessus, nous avons passé en revue les études et publications disponibles, notamment au niveau Européen et Américain et particulièrement en usage pédiatrique.

Cette revue, présentée en annexe de cette lettre, met en évidence plusieurs éléments inquiétants dont le manque évident d’efficacité, voire la dangerosité de ces molécules à base de vasoconstricteurs chez les jeunes entants, un message des médicaments contenant des vasoconstricteurs particulièrement chez les jeunes populations, ainsi que leur trop large banalisation au sein des pharmacies familiales.

D’ailleurs, les études épidémiologiques internationales sur le sujet, ont conduit certaines Autorités de Santé à limiter et mieux maitriser cette typologie de produits, en limitant leur prescription chez des enfants d’au moins 4 ans voire 6 ans. 

Compte tenu des risques mis en évidence et évoqués dans notre revue et au regard de la composition des produits contenant des vasoconstricteurs, ceci alimente notre inquiétude sur l’utilisation de certaines spécialités chez des nouveau-nés et jeunes enfants en Afrique Francophone.

Nous souhaitons ainsi par le biais de notre démarche mettre en lumière et alerter la communauté médicale sur ces usages dangereux des vasoconstricteurs, qui plus est envers une catégorie de patients fragiles qu’est la pédiatrie.

Nous souhaitons que ces produits à base de vasoconstricteurs indiqués dans le traitement du rhume voient leurs Autorisations de Mise sur le Marché réévaluées, en termes d’indication et de restriction d’âge des patients, au regard des risques évoqués mais également des recommandations d’autres Autorités de Santé internationales.

Nous souhaitons également une mise en place d’un encadrement de la prescription et de la délivrance de ces spécialités à base de vasoconstricteurs, afin de diminuer le risque de message et ainsi minimiser les risques associés au sein de la population pédiatrique.

upsa

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