Les anciens et actuels pensionnaires de la Clinique Moussa Diop de l’Hôpital Fann ont participé à la biennale à leur manière. Le temps d’un après-midi, les tableaux réalisés dans le cadre de l’atelier d’art-thérapie ont été exposés dans la cour de la clinique. Une façon de réunir des fonds également.

Les traits sont naïfs. Les lignes hésitantes. Les couleurs aléatoires. Mais l’impression de force et d’authenticité qui se dégage de ces toiles interpelle. Dans l’arrière-cour de la Clinique Moussa Diop, transformée en galerie d’exposition pour la biennale, parents, patients et amis se pressent. On circule, on prend des photos ou on discute par petits groupes. Alors que la ville de Dakar bouillonne d’art et de culture durant ce mois de célébration, ce lieu clos, au fin fond du Service psychiatrique d’un des plus grands hôpitaux du pays, se laisse difficilement repérer.

Enclavée et située à côté de la morgue, la Clinique Moussa Diop ne se laisse pas découvrir aisément. A l’intérieur du bâtiment, les couloirs sont certes larges, mais ils restent sombres. De rares personnes passent furtivement. Après quelques bifurcations, la musique et quelques nourritures et boissons sur une table renseignent sur l’évènement festif qu’abrite le lieu. Ce n’est pas la première fois que l’atelier d’expression artistique participe à la biennale. Et selon le responsable, Alassane Seck, c’est aussi pour montrer que ces lieux ne sont pas seulement le théâtre de maladies et de drames humains. Ils abritent également de belles choses.

Et ces belles choses qui naissent de l’imagination de ces patients perturbés et en proie à des pathologies psychiques, peuvent parfois surprendre par leur puissance, leur singularité et leur beauté. «En couchant l’expression des sentiments, des émotions et du vécu intérieur sur le papier, ça peut apaiser et avoir un effet préventif», assure Pr Ndèye Diale Ndiaye, une des responsables de la clinique. Dans la petite cour, des cases sans toiture sont les cimaises qui accueillent l’exposition. Et une scénographie pas très recherchée met tout de même en valeur les tableaux des occupants que l’art-thérapie a entrainés sur le chemin de cette recherche picturale.
Créé depuis 1999, l’atelier d’art accueille à la fois des patients internés mais également d’anciens patients revenus dans leurs familles, mais qui continuent cette pratique favorable à leur bien-être.

«Certains avaient une vie artistique avant d’être internés. D’autres ont découvert leurs talents artistiques durant leur séjour.

D’autres encore sont des ambulatoires qui, après leur sortie de la clinique, ont continué à fréquenter l’atelier. Et ils ont fini par être très nombreux et ont même créé une association, Rescap’art, Rescapés par l’art», indique Alassane Seck, qui dirige cette association vouée à la solidarité par l’art. Absent le jour du vernissage, c’est au téléphone que le responsable de l’atelier se dévoile un peu. Professeur d’éducation artistique, Alassane Seck était d’abord rééducateur chez les déficients auditifs du Centre verbotonal où il s’occupait également de déficients intellectuels. C’est par la suite qu’il sera transféré à Fann pour y tenir cet atelier d’art-thérapie. Et plus les années passent, plus il est convaincu du potentiel de cet espace.

«Ce n’est pas à nous de dire l’état de santé des patients qui fréquentent l’atelier, mais on se rend compte qu’ils se portent mieux. Quand on les observe peindre, on se rend compte que ça leur fait du bien. Certains viennent sur prescription médicale. Suivant leur profil, les médecins nous les envoient. D’autres sont des accompagnants et ils finissent par participer», souligne M. Seck. Professeur Ndiaye ajoute qu’au-delà, c’est une activité qui occupe les patients et même ceux qui n’ont pas une fibre artistique y vont pour dessiner, mélanger des couleurs, manier les pinceaux. «L’art occupe une place primordiale dans les soins psychiatriques.

Au niveau préventif, il nous arrive d’y envoyer des patients pour des indications bien précises. Au plan curatif, ça aide énormément dans le suivi de certaines pathologies. Et à un autre niveau, il permet de faciliter la réinsertion socioprofessionnelle de nos patients qui, grâce à cet atelier, peuvent coucher toute la créativité qui sommeille en eux. C’est un plaidoyer pour que l’on redonne à l’art sa place dans les soins, comme le thème de cette exposition», explique Pr Ndiaye.

Plaidoyer pour agrandir les locaux
Si à ses débuts l’atelier n’était pas très fréquenté, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Conséquence logique, l’endroit devient de plus en plus étroit d’autant plus que l’unique pièce dédiée aux activités artistiques de la clinique accueille en même temps la classe de musique. D’où le plaidoyer des responsables pour un agrandissement des locaux mais aussi une meilleure dotation en matériels. C’est aussi la raison pour laquelle une partie des gains issus de la vente des tableaux servira à financer le fonctionnement des lieux. «Des amis à moi avaient organisé une exposition-vente en Autriche il y a quelques années, qui avait très bien marché.
Quand j’ai appelé les parents pour leur remettre l’argent de la vente, ils n’y croyaient pas.

Certains avaient reçu jusqu’à 500 mille francs», informe M. Seck, qui précise que pour chaque tableau vendu, la moitié de la somme va aux patients pour l’achat de médicaments, le reste à l’atelier dont les besoins en matériel et personnel d’encadrement pour accueillir le plus grand nombre sont posés sur la table des doléances.
lequotidien

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