S’il est bien et de bonne augure que le président de la République ait déclaré, dimanche sur RTS 1, à son retour du 38e sommet de l’Union africaine qu’il est optimiste pour la santé financière du pays, malgré les nombreuses anomalies relevées par la Cour des comptes, il n’en reste pas moins que lui et son gouvernement ont perdu du temps, trop de temps, ce d’autant qu’un article méticuleux de l’ingénieur logiciel Arona Oumar Kane intitulé « La Bombe Salariale, le legs empoisonné de Macky à Diomaye » avertissait.
Comme le faisait remarquer Maderpost il y a peu, le tableau de bord peu reluisant des finances publiques dépeint par le chef du gouvernement, en l’occurrence Ousmane Sonko, n’est pas une fin en soi et encore moins une fin de non recevoir à toute ambition de mieux faire.
Au contraire, il est une opportunité pour une véritable transformation systémique.
Mais, au lieu de prendre le taureau par les cornes et d’aller vers un plan d’ajustement structurel non imposé par les « amis » de Bretton Woods, en anticipant de plein gré une purge systématique et réorientation budgétaires avec une vision globale et ambitieuse de l’investissement public, le gouvernement a fait dans le politique, pire, il a copié son prédécesseur, avant de demander aux Sénégalais, déjà pris dans l’enfer du durcissement social, de se sacrifier.
Prenons pour exemple les augmentations de salaires et recrutements d’agents dans l’administration publique pointés du doigt par l’ingénieur logiciel Arona Oumar Kane qui nous en donne un aperçu.
A l’instar de l’ancien président Macky Sall qui a eu l’idée complètement folle de procéder en mai 2022 à une augmentation surréaliste de la masse salariale, la faisant passer de 77,6 milliards FCFA à 106,2 milliards FCFA le mois suivant, soit une progression injustifiée de 38,6%, sans compter l’augmentation de 5 points d’indice sur les retraites, les nouvelles autorités ont rajouté une couche au surréaliste avec l’installation des nouvelles équipes, entrainant un recrutement de 1148 nouveaux agents dans la fonction publique en mai et juin 2024.
Il est inutile de rappeler que Macky Sall, comme toujours à la veille d’élections jugées complexes pour son régime, avait procédé à une seconde augmentation de la masse salariale de l’administration publique avec un recrutement de 2451 nouveaux agents en janvier 2024, faisant passer, depuis la folie électorale entre le faux-pas des locales de mars 2022 et la sauvegarde in extremis de la majorité de BBY à l’Assemblée nationale au sortir des législatives de juillet de la même année, la masse salariale de 106,2 milliards, à 131,5 milliards FCFA, soit un bond de 25% fin janvier 2024.
Le nombre de fonctionnaires passant de 176 620 en décembre 2023 à 179 071 un mois plus tard, soit un une augmentation de 14% de l’effectif.
Rien ne justifiait une telle folie chez Macky Sall en 2022, ce d’autant que le taux de croissance du PIB avait connu un fléchissement, passant de 6,5% en 2021 à 4,2% un an après, soit une variation de -36,5%, sous les effets combinés de la pandémie du covid 19 et de la guerre en Ukraine.
Seule une peur bleue de passer au travers des élections législatives en juillet 2022 et de la présidentielle initialement prévue en février 2024 justifiait ces augmentations loufoques de salaires.
Aucune base reposant sur l’économie endogène, encore moins le déficit de la balance commerciale et l’inflation n’expliquaient une telle forfaiture économique passée comme lettre à la poste.
L’ancien président avait son plan avant que son projet campé par un coup d’Etat constitutionnel en février 2024 ne tourne en eau de boudin par la grâce du Conseil constitutionnel.
Cependant, si rien n’a arrêté la folie dépensière de Macky Sall au sujet des salaires et recrutements pour ne parler que de ça, tout était indiqué pour que les nouvelles autorités ne prennent pas dès le début de leur exercice de mauvaises décisions.
L’explosion des frais d’hospitalisation des agents de l’administration publique en 2024 d’après les chiffres publiés par la DPEE nous ont laissé sans voix.
Aucun contexte de santé tel le covid-19 ne justifie la facture sanitaire de 29,9 milliards FCFA que nous ont coûté les fonctionnaires constituant 1% de la population. Au plus fort de la pandémie en 2020, les frais s’étaient établis à 15,3 milliards avant de décroitre à moins de 12 milliards FCFA en 2023.
L’augmentation de ces frais sans précédent dévoile un accroissement de près de 18 milliards FCFA soit +114% pour 2023 ou 14,6 milliards FCFA par rapport à l’année du covid-19, une augmentation de +95,4%. Qu’est-ce qui explique une telle explosion ?
Si l’on constate une facture de 4,5 milliards FCFA en janvier 2024 pour probablement une régularisation par rapport aux deux précédents mois (novembre et décembre 2023) sur lesquels un montant nul a été enregistré, on voit la facture croitre de façon soutenue depuis avril, passant de 1,1 milliard FCFA 1,3 puis à 1,6 ensuite 1,7 jusqu’à atteindre 2,5 milliards FCFA en novembre et 9,5 milliards en décembre 2024.
L’analyste Arona Oumar Kane, ingénieur logiciel qui nous donne ces chiffres fait bien de demander une clarification qui s’annonce absolument nécessaire.
Comme il s’annonce nécessaire que la situation des finances publiques marquées par un endettement s’élevant à près de 100% du PIB impose des choix difficiles pour le gouvernement, en matière de financement de projets et de gestion de la dette.
La purge budgétaire et une nouvelle orientation tout aussi budgétaire est inévitable, de même que des réformes fiscales, voire des privatisations, la simulation de croissance économique avec l’amélioration de l’environnement des affaires, etc.
En septembre 2024, nous écrivions « Finances publiques : entre austérité, relance économique et justice sociale ! « , ce n’était une manière, entre autres, de demander au gouvernement d’anticiper. Hélas !
Maderpost / Charles Faye