Le silence administratif est parfois plus bruyant qu’une crise ouverte. Depuis plusieurs mois, un malaise persiste dans le secteur Fintech sénégalais, et il commence à inquiéter sérieusement les acteurs économiques.
En toile de fond : le blocage des agréments PSP (Établissement de Services de Paiement), pourtant censés accompagner la structuration d’un écosystème en plein essor.
C’est un cri d’alarme que pousse aujourd’hui Oumar Diallo, membre fondateur de l’organisation Sen Startup et consultant Fintech auprès du Groupe de Travail sur le Digital Inclusive Finance (GTDIF) de la BCEAO. Dans une contribution publiée sur linkedin, il dénonce une situation « incompréhensible et injustifiée » qui menace l’avenir de dizaines de jeunes entreprises dans un secteur stratégique.
Des Fintechs sénégalaises paralysées
Conformément à l’instruction 001-01-2024 de la BCEAO entrée en vigueur en janvier dernier, plusieurs Fintechs sénégalaises ont déposé leurs dossiers de demande d’agrément PSP. Un processus essentiel pour encadrer leurs activités, obtenir un statut légal dans l’espace UEMOA, et surtout, accéder à des opportunités d’investissement et de partenariat.
Mais depuis près d’un an, aucun agrément n’a encore été accordé au Sénégal, contrairement à d’autres pays de la sous-région comme le Bénin, le Togo ou la Côte d’Ivoire, où le processus avance — lentement certes, mais sûrement.
« C’est l’arrêt total. Certains opérateurs affirment même avoir reçu des listes interdisant aux banques de collaborer avec des Fintechs en attente d’agrément. Pourtant, 80 % d’entre elles ont bien respecté les procédures de dépôt. Le flou est total », déplore Oumar Diallo.
Des conséquences économiques déjà palpables
Ce blocage administratif n’est pas sans conséquences. En plus de freiner l’innovation, il menace l’emploi, repousse des partenariats internationaux, et met à l’arrêt des financements en cours de négociation.
Des startups sénégalaises, parfois incubées à grand renfort de fonds publics ou d’initiatives internationales, se retrouvent asphyxiées avant même de pouvoir prouver leur valeur sur le marché. Une situation paradoxale dans un pays qui affiche pourtant de grandes ambitions numériques, notamment à travers son « New Deal Technologique ».
Un appel aux autorités de tutelle
Dans sa tribune, Oumar Diallo s’adresse directement à Alioune Sall, ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, et à Cheikh Diba, ministre des Finances.
« Nous ne demandons pas de passe-droits.
Nous demandons de la clarté, des délais, des retours sur nos dossiers. Il est temps d’ouvrir un dialogue constructif », écrit-il.
Selon lui, seules les structures sénégalaises sont bloquées dans la zone UEMOA, une situation qui pourrait nuire à la compétitivité et à l’image du pays dans le secteur numérique régional.
Au-delà de l’urgence administrative, cette affaire pose aussi la question de la souveraineté technologique du Sénégal. Peut-on réellement parler d’indépendance numérique si les jeunes entreprises innovantes sont empêchées d’exercer, faute de reconnaissance légale ?
Peut-on viser un rôle de leader régional sans soutenir ceux qui construisent, au quotidien, les solutions de paiement et d’inclusion financière de demain ?
Le secteur Fintech n’est pas une menace. Il est une opportunité. L’ignorer, c’est risquer de voir partir ailleurs les talents, les innovations et les capitaux que le Sénégal prétend vouloir attirer.
En attendant, le temps passe.
Et chaque jour qui s’écoule sans réponse est un jour de trop pour des startups qui, ailleurs, auraient déjà levé des fonds ou lancé leurs produits.
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