Des souris femelles âgées traitées avec de la spermidine, molécule présente dans le sperme, possèdent des ovocytes en meilleure santé, doublant leurs capacités reproductives. Une piste prometteuse dans la lutte contre l’infertilité.

L’infertilité est un problème sanitaire mondial qui ne cesse de s’aggraver. Selon l’OMS, une personne sur six affronte cette incapacité à avoir des enfants à un moment de sa vie. Plusieurs facteurs interviennent dans cette infertilité montante, notamment l’âge : les couples attendent de plus en plus de temps avant d’avoir des enfants, ce qui entraine un vieillissement de leurs gamètes (spermatozoïdes et ovocytes).

Et plus ils vieillissent, moins ils sont efficaces. Les ovocytes, par exemple, accumulent les mutations génétiques et ont de plus en plus de mal à mûrir pour devenir des ovules. Mais une molécule présente dans le sperme (mais pas que), nommée spermidine, semble pouvoir redonner un coup de jeune aux ovocytes âgés, selon une étude publiée le 16 octobre 2023 dans la revue Nature Aging par des chercheurs de l’Université d’agriculture de Nanjing (Chine).

L’âge entraine une baisse de la production de spermidine dans les ovocytes
Les chercheurs se sont d’abord intéressés dans les conséquences de l’âge sur les ovaires. Ils ont comparé le profil des molécules présentes dans le tissu ovarien de souris jeunes (7 semaines) et âgées (54 semaines). À cet âge avancé, les souris commencent à avoir des problèmes de fertilité, avec une réduction importante du nombre de follicules (structures qui contiennent l’ovocyte avant sa maturation en ovule), et des portées de plus en plus réduites.

Une des molécules les plus diminuées chez ses souris âgées était la spermidine, qui est très présente dans le sperme (d’où son nom) et qui semble protéger contre les dégâts liés au vieillissement chez plusieurs espèces.

Cette molécule est aussi produite par d’autres cellules du corps, y compris les ovocytes où elle pourrait aussi jouer un rôle important. En effet, les souris âgées traitées avec cette molécule (par injection ou voie orale) avaient une quantité plus importante de follicules, ce qui avait comme conséquence une plus grande probabilité de donner des embryons viables, doublant le nombre de souriceaux à chaque portée (qui passait de 3 à 6 souriceaux chez ces souris âgées).

Un lien avec les mitochondries
Pour comprendre comment la spermidine améliorait la fertilité de ces souris, les chercheurs ont en suite étudié l’effet de ce traitement sur des ovocytes cultivés en laboratoire. L’expression génétique de ces ovocytes âgés est normalement très différente de celle des ovocytes jeunes. Cependant, grâce à la spermidine, cette différence s’effaçait en partie, particulièrement pour des gènes liés à la mitochondrie.

Cette organelle cellulaire est chargée de la production de la majorité de l’énergie utilisée par la cellule, mais lorsqu’elle fonctionne mal, elle devient une source majeure de stress oxydatif.

Les ovocytes âgés présentaient notamment une incapacité à recycler leurs mitochondries, un processus nommé mitophagie par lequel la cellule détruit ces organelles lorsqu’elles sont défectueuses afin de les remplacer. Le blocage de ce processus dans les ovocytes âgés entrainait le dysfonctionnement des mitochondries, ce qui a comme conséquence une baisse de la production d’énergie, une hausse du stress oxydatif dans la cellule et une mortalité cellulaire accrue.

« On a été surpris par les effets remarquables de la spermidine sur les ovocytes”
Les auteurs proposent que ces défauts seraient la cause des problèmes de maturation observés dans les ovocytes âgés. Ce qui semble se confirmer par l’ajout de spermidine au milieu de culture. Ce traitement rétablissait la capacité des ovocytes de recycler leurs mitochondries, améliorant leur qualité et rénovant ainsi l’état de santé de ces cellules. Et ce rôle protecteur pourrait être présent chez tous les mammifères, car des ovocytes porcins traités avec la spermidine montraient aussi un rajeunissement.

« On connaissait les propriétés anti-âge de la spermidine, mais on a été quand même surpris par ses effets remarquables sur les ovocytes”, révèle dans un communiqué Bo Xiong, spécialiste de biologie reproductive à l’Université d’agriculture de Nanjing et auteur de l’étude. Ces résultats très encourageants montrent que la spermidine pourrait être un outil précieux pour lutter contre l’infertilité, mais il reste maintenant à confirmer son rôle protecteur chez l’humain.

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