« La gouvernance sous Macky Sall est davantage marquée par des constantes que par des ruptures. L’année qui s’achève s’inscrit de ce point de vue dans une continuité avec la persistance d’un autoritarisme dont les conséquences à moyen et à long terme sont imprévisibles.

Les tergiversations du président Macky Sall quant à sa candidature pour un troisième mandat illégal et anachronique ont considérablement affecté les dynamiques de la compétition politique. Il a été obligé d’être réaliste en annonçant malgré lui qu’il ne se représenterait pas.

Malgré le choix porte sur Amadou Ba, il n’a malheureusement pas renoncé au pouvoir. Il sait que son départ est inéluctable mais il entend toujours être le maître du jeu politique.

« En cette fin d’année, le Sénégal apparaît comme l’un des pays africains avec le plus de prisonniers politiques »

Plus l’élection présidentielle approche et plus son pouvoir instrumentalise l’administration et la justice pour empêcher la candidature de Monsieur Ousmane Sonko. En cette fin d’année, le Sénégal apparaît comme l’un des pays africains avec le plus de prisonniers politiques.

C’est souvent l’arrestation suite à un simple post sur les réseaux sociaux, un banal point de vue dans les médias, un commentaire de quelques minutes d’un journaliste sur une personnalité publique.

Il s’agit d’un recul considérable. Nous sommes dans une configuration ou l’Etat de droit est un contenu sans contenant. Lorsque la puissance publique n’est pas soumise au droit en particulier au droit électoral, on ne parle plus d’État de droit.

Lorsque le pouvoir actuel veut gouverner sans opposition, cela n’a pas de sens de parler d’Etat de droit.

A ce titre d’ailleurs, le philosophe Claude Lefort expliquait déjà en 1979 que l’Etat de droit a toujours impliqué la possibilité d’une opposition au pouvoir.

« Le Sénégal est aujourd’hui en réalité un pays marqué par un rejet du pluralisme politique… »

En cette fin d’année, l’image de la démocratie Sénégalaise est peu reluisante. Le principal opposant est en prison, son parti dissous, les libertés fondamentales comme celles de réunion ou de manifestation sont remises en cause, certaines universités sont fermées parce que le pouvoir craint les mobilisations des étudiants.

Si nous ajoutons à ce tableau déjà sombre, la faiblesse des associations se réclamant de la société civile, la crainte des journalistes et des citoyens d’être arbitrairement arrêtés, nous pouvons en conclure que nous sommes dans une phase de reflux démocratique pour reprendre la formule de Samuel Huntington.

Autrement dit, une période où l’autoritarisme reprend le dessus.

Le Sénégal est aujourd’hui en réalité un pays marqué par un rejet du pluralisme politique à travers des stratégies du pouvoir central pour maintenir le statu quo politique et empêcher la possibilité du renouvellement des élites.

Cette réalité autoritaire se caractérise aussi par l’affaissement de l’Etat de droit, l’interdiction de manifestations anti-gouvernementales, le manque de liberté. Dès lors, on s’achemine vers une élection qui risque de ne pas être ni libre encore moins compétitive.

« Le pouvoir de Macky et ses juristes ont réussi à décrédibiliser l’enseignement et la pratique du droit auprès d’une grande partie de l’opinion publique »

« A deux mois environ de la présidentielle, les candidats ne sont pas encore connus. L’électeur attend toujours les différentes offres politiques. Le gouvernement et le Conseil constitutionnel vont bientôt lui imposer celles-ci.

Le Sénégal est sans nul doute le seul pays au monde où à longueur de journée, les observateurs rivalisent d’arguments pour expliquer la loi.

Les points de vue sont notamment nombreux et divers pour prouver le fondement juridique d’une candidature ou d’une non-candidature donnant ainsi l’impression que le droit est un langage ésotérique réservé aux seuls initiés. Ainsi, le pouvoir de Macky et ses juristes ont réussi à décrédibiliser l’enseignement et la pratique du droit auprès d’une grande partie de l’opinion publique ».

sudquotidien

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