Le Sénégal a brillé lors des derniers championnats d’Afrique mixte de tirs à l’arc grâce à son para-archer, Aliou Dramé. Le natif de Dakar a offert au pays de la Téranga sa seule médaille dans la compétition. L’athlète de 43 ans rêve de se qualifier aux Jeux paralympiques de Paris 2024 avec l’espoir de décrocher la première médaille paralympique de l’histoire du Sénégal.

Déterminé comme jamais, Aliou Dramé espère surtout faire bouger les lignes en faveur des personnes handicapées qu’il invite à pratiquer du sport.

Né le 16 octobre 1980 à Ouakam, le village natal de sa mère, Aliou Dramé a vu son destin basculer dès son enfance. Atteint de poliomyélite à l’âge de 4 ans, le petit Aliou était un enfant très dégourdi qui suivait partout ses amis valides.

Ce handicap n’en a jamais été un pour lui grâce à son amour pour le sport, qui était un moyen d’assimilation. « Je suivais mes amis partout. Des fois j’étais leur coach ou alors je faisais l’arbitre quand ils jouaient au football. J’ai tout de suite aimé le sport », a confié Aliou Dramé, joint par Sport News Africa.

Le Sport, une bouffée d’oxygène
Au village Lébou de Ouakam, Aliou Dramé a d’abord découvert la balle orange. Une délivrance pour lui. « Le jour où j’ai su que malgré mon handicap je pouvais pratiquer du sport, je n’ai pas hésité. J’étais aux anges, argue-t-il. J’ai découvert le basket avec le club de Dakar Plateau. Ce club m’a beaucoup appris parce qu’en ce temps-là, je ne fréquentais pas beaucoup les handicapés.

J’ai appris à me libérer. J’ai ensuite intégré l’association des handicapés de Ouakam. Nous allions inciter d’autres personnes handicapées à faire du sport. Aujourd’hui je ramène des fauteuils et des ballons pour l’équipe de handibasket de l’association ».

Sélectionné en 2005 pour la première fois en équipe nationale du Sénégal pour une compétition en Mauritanie, Aliou Dramé représente le Sénégal en Italie en décembre cette année-là.

Son talent de meneur est remarqué. Il est alors contacté par des clubs italiens et français. Malgré la prolongation de deux semaines de son séjour, rien n’est conclu et le voilà de retour au Sénégal. En 2007, avec son nouveau club HandiStar de Grand-Dakar, ils sont invités en France par un club au Havre. « Je faisais partie des 6 qui étaient du voyage.

J’ai ensuite rejoint la Lazio à Rome, puis Le Cannet où j’ai retrouvé un ami de Ouakam.

J’ai évolué trois saisons au Cannet ». Aliou Dramé fut l’un des premiers handi-athlètes sénégalais à avoir joué la Ligue des champions européenne de handibasket. Il joue actuellement avec le club de Lyon où il habite depuis 10 ans.

Le basket-ball a été plus qu’un sport pour Aliou Dramé : un terrain de réconfort. À trois semaines de fêter ses 22 ans, sa famille est ébranlée par l’une des plus importantes tragédies vécues par le Sénégal. Le naufrage du bateau Le Joola ayant coûté la vie à près de 2000 personnes.

« Le basket-ball m’a permis de surmonter le drame en 2002 où j’ai perdu ma sœur et ses enfants. Moins d’une semaine après ce deuil, alors qu’on reçoit les condoléances à la maison familiale, j’enfile mes équipements pour partir disputer un tournoi de handibasket. Ça m’a aidé à oublier mon chagrin », a-t-il avoué.

Le tir à l’arc, une tradition familiale
C’est en 2014 qu’il découvre le tir à l’arc. À Lyon où il rencontre son épouse, il tombe amoureux de ce sport qu’il partage avec sa belle famille. « Ma belle-mère est la présidente du club de tirs, informe-t-il. J’en faisais juste pour du loisir. Je suis tombé amoureux du tir à l’arc.

Quand j’ai voulu faire de la compétition, il y a eu la pandémie de Covid-19.

Depuis, j’ai disputé deux années de suite les championnats de France. J’ai été contacté par la Fédération française pour une sélection de tireurs en direction des jeux paralympiques de Paris ».

Malgré les sirènes de l’équipe de France, son 2ème pays, lui qui a la double nationalité, il opte finalement pour le Sénégal.

«J’ai été approché par un compatriote sénégalais, Adama Badji. C’est lui qui m’a dit qu’au Sénégal, il y a une Fédération de tirs à l’arc. J’ai failli rejoindre l’équipe de France mais il qui m’a convaincu ».

En juillet 2023, il prend part aux championnats du monde de para-archers en République Tchèque où il termine 33ème mondial et premier africain devant les sud-africains. Compétition qu’il a lui-même financé en payant l’inscription de 800€. En plus de l’hôtel et la prise en charge de son coach et beau-père.

Un titre historique avant le rêve de Paris 2024
Le 12 novembre dernier, Aliou Dramé remporte la médaille d’or aux championnats d’Afrique de tirs à l’arc en Tunisie, alors qu’il est à deux doigts de déclarer forfait. « Déjà aux Mondiaux, le Ministère des sports devait me financer mais à la dernière minute, ils ont dit niet.

Cela m’a fait tellement mal de ne pas avoir le soutien de l’État.

C’était pareil aux championnats d’Afrique où j’ai failli rater la compétition parce que l’organisation ne pouvait joindre le président de la Fédération sénégalaise. En Tunisie, je me suis auto-financé pour défendre les couleurs du Sénégal. Plus de 6000 € pour l’inscription, les billets d’avion, l’hébergement. Mais il le fallait. J’étais prêt et j’étais confiant. Jusqu’à présent, je n’ai reçu le moindre message de félicitations des autorités sénégalaises », se désole-t-il.

L’indifférence des autorités sportives sénégalaises donne parfois quelques regrets à Aliou Dramé.

Il lui arrive de ressasser sa décision de représenter le Sénégal plutôt que la France. Il espère que son titre à Tunis change le regard des autorités sportives sur sa discipline. D’autant qu’il est en bonne posture pour les qualifications aux jeux paralympiques avec une 25ème place mondial et la première africaine.

« Il me manque quelques points pour décrocher la qualification pour les jeux paralympiques de Paris. J’ai mes chances si je participe au tournoi de Dubaï. Je demande juste un accompagnement du Sénégal », insiste-t-il. « Mon rêve est de participer aux Jeux. Je prie Dieu d’offrir la première médaille de l’histoire du Sénégal aux jeux paralympiques ».

Aliou Dramé espère toujours qu’à travers ses performances, il puisse changer les choses positivement pour les personnes handicapées au Sénégal.

Redonner à son pays de naissance est une priorité qu’il met en œuvre dès à présent. Le tir à l’arc fait partie des disciplines aux JOJ. « J’aurai mal si on n’avait pas de sénégalais représenté. Je compte bien aider dans la formation.

J’ai collecté ici en France des arcs d’initiation pour les ramener au Sénégal. Mais j’aimerai commencer par le handisport. En espérant que dans l’avenir on puisse ramener des techniciens pour former des entraîneurs de tirs à l’arc », a-t-il soutenu.

sportnewsafrica

Part.
Laisser Une Réponse

Exit mobile version