Khalifa Ababacar Sall, candidat à la présidentielle du 25 février prochain a réussi avec aisance son grand oral face à des journalistes de renom et acteurs de la société civile mercredi soir dans une émission retransmise en direct sur la 2STV.

Fringant et d’un pas assuré à son arrivée à l’émission réalisée dans un superbe décor digne des grandes productions, Khalifa Sall a étalé en wolof et français les gammes de l’art oratoire, debout, pendant deux tours d’horloges. Alignant posture d’excellence, gestuelle, regards, vocal et verbal non sans sourires et silences d’autorité pour absolument toucher avec résonnance les affects sollicités par toute communication, à savoir la raison et l’émotion.

Sur la forme comme dans le fond, sous le feu de questions nombreuses et soutenues que certains se sont empressés de préciser qu’elles n’avaient pas été pas envoyées à l’orateur, notamment Moundiaye Cissé directeur exécutif de l’ONG 3D et d’autres invités également.

Face à Babacar Dionne, Momar Ndiongue, les invités Souleymane Niang du Groupe Futurs Médias Sobel Ngom, Nina Penda Faye, en grande forme l’ancien maire de  Dakar qui devra déposer sous peu son parrainage par les députés pour la présidentielle de février prochain a abordé toutes les questions sans langue bois, gardant pour la fin messages et slogan pour un Sénégal nouveau qu’il veut voir rompre avec les paradigmes en cours.

« Exigent vis-à-vis de lui-même avant de l’être avec les autres » de l’avis de Souleymane Niang qui a rappelé avoir travaillé sous ses ordres quand il était maire de Dakar, Khalifa Sall l’a montré au cours de l’émission en acceptant une posture debout tout au long de l’émissio pour coller l’image à la parole.

 « Je suis prêt pour diriger le Sénégal ». Cela vaut bien de rester debout 2 heures.

Un sacerdoce que l’homme de « gauche », socialiste fier de l’être au point de l’assumer dans un monde politique se disant de plus en plus sans idéologie, entend remplir après 24 ans d’opposition ininterrompue non sans victoires remportées lors des élections locales. Pour la première fois, il pourrait être partant pour la présidentielle, après avoir été retenu dans les starting-blocks en 2019 après avoir franchi l’écueil du parrainage.

Mais c’est de l’histoire ancienne. Khalifa Sall a décidé non seulement de pardonner mais encore de faire en sorte que nul président « ne puisse faire mal en faisant ce qu’il veut de ses adversaires » s’il est élu président.

L’allusion est faite à un certain Macky Sall président sortant et non candidat, qui va organiser pour la première fois une élection présidentielle sans que le chef de l’Etat ne soit lui-même concerné au premier chef comme candidat. Khalifa Sall qui a fait « le pari de l’avenir » ne rate pas l’occasion d’ailleurs de féliciter Macky Sall pour sa « décision opportune » de ne pas briguer un troisième mandat.

« Engagé » à servir et « désintéressé », Khalifa Sall reconnait que le dialogue national appelé de ses vœux par le même Macky Sall, défendu par son poulain et actuel maire de Dakar, Barthélémy Dias, a joué un rôle crucial au pire de la tension politique dont le pic a fait le lit d’émeutes violentes et sanglantes en juin dernier.

Pour lui faut avancer et faire la politique autrement.

Moins d’inimitiés, même au plus fort des contradictions principales, ne fera de mal à personne. A propos du dialogue national, Khalifa Sall a confirmé les propos de Barthélémy Dias, indiquant que son proche collaborateur avait bel et bien échangé avec Ousmane Sonko sur ses échanges avec le chef de l’Exécutif concernant le dialogue national.

Pour « avoir été de tous les dialogues » pendant qu’il était en prison comme hors des geôles libérales, le khalife des verts ne reçoit aucune leçon de ce point de vue. Le ton y est mais sans plus.

Ces réformes judicaires qui s’imposent  

Fidèle aux Assises nationales, il est naturellement d’accord que le président de la République ne préside pas le Conseil supérieur de la magistrature. On ne peut être à la fois juge et partie. Khalifa Sall s’est voulu clair à ce propos, même s’il avertit sur ce qui pourrait devenir un « gouvernement des juges » si l’on n’y prend garde.

A ce sujet, des questions ne peuvent manquer d’être posées et étudiées selon le socialiste.

Il serait plutôt pour la réduction des marges de manœuvre du chef de l’Etat sur un tel appareil, ce non sans que l’on ne veille tout de même à ce que l’on ne tombe pas dans un autre travers. Concernant le Conseil constitutionnel, le candidat à la présidentielle a dit sans ambages qu’il en ferait plutôt une cour avec une composition plus représentative de non-magistrats.

Il faut dire que sur le chemin de la prison, les magistrats pour beaucoup, ont ignoré les appels avis de la CEDEAO. Mais le vin a été tiré et bu. C’est du passé. Le regard est tourné vers l’avenir. Khalifa veut être ce président qui ne sera pas comme son prédécesseur : chef de parti.

Dépolitiser l’administration

« Le président de la République doit se mettre au-dessus de la mêlée » dit-il avec force et s’il le devient la cravache va s’abattre dans les bureaux politisés de l’administration publique.

« La politisation de l’administration doit s’arrêter », campe-t-il. 

« Il faut revenir à l’orthodoxie (…), préserver l’Etat pour qu’il soit neutre ». « Moi président de la République, je vais effacer toutes incompatibilités ». Confiant, dans le costume présidentiel qu’il vise, le khalife a fait son marché dans les foyers via 2STV dans un grand oral à sa taille au point de s’en délecter. 

« Il faut rendre inapte le président à pouvoir du mal ».

Sans être totalement pour le régime parlementaire ou contre le régime présidentiel, Khalifa Sall estime que le sacerdoce repose sur la foi en la justice, en l’humain qui ne peut aller loin si l’eau et la terre font défaut à sa quête de dignité. Aussi pour lui, c’est plus la confiance en le processus électoral et en tout qui fait défaut au Sénégal.

La politique étant rentrée par tous les orifices dans l’administration, il s’agit de l’en dégager et de ramener la confiance au Sénégal.

Aussi, ce n’est pas tant d’un ministère chargé des élections qu’il faut nécessairement, mais d’un ministre de l’Intérieur qui doit être neutre. « C’est sur ça qu’il faut travailler ». 

Le ministre de l’Intérieur est un ministre comme tous les autres. Le département relève par ailleurs d’un domaine de souveraineté qui ne peut pas faire l’objet d’appel à candidature. Il y a des domaines qu’on ne cède pas pour le khalife des verts dont le parcours d’homme d’Etat ne se discute pas.

« La Nation est fissurée »

Faire en sorte qu’on ne perde plus du temps à discuter du fichier électoral dans une « société fissurée », « éprouvée ». Les mots sont forts, mais le Sénégal a les atouts en mains pour transcender les épreuves et se projeter.

Le Sénégal, les Sénégalais ne peuvent autrement que de se retrouver, de se parler. « La Nation est éprouvée, elle est fissurée. C’est sur ça qu’il faut travailler, c’est ça la priorité. Est-ce que le régime parlementaire peut le faire ?

Changer de régime n’est pas la solution ».

La solution est dans les fondements de la déconcentration nous dit Khalifa Sall. Dans la fin des agences qui ont pignon sur rue.

Avec Khalifa, c’est « la fin des agences », de « ces structures budgétivores » existant au détriment de la décentralisation, des collectivités territoriales. Le candidat est sans appel à ce propos.

C’est en décentralisant l’Etat, soit en renforçant les collectivités, qu’on assure les termes de la localisation du développement. « Il faut faire confiance aux populations, en revenant au budget consolidé d’investissement ».

En pratique, cela donne par exemple « un milliard FCFA pour chacune des 601 communes » que compte le Sénégal.

Le développement à la base. Parole de socialiste tenant à cœur la formation professionnelle que l’on se doit de « décomplexer » au Sénégal. A quoi bon un diplôme quand on ne sait rien faire.

Il insiste sur ce point disant que même les daaras, qu’il compte mieux accompagner et encadrer une fois élu, doivent accueillir la formation professionnelle.

Les possibilités sont nombreuses jusqu’à la digitalisation qui est loin d’avoir atteint son potentiel dans un Sénégal qui a tout pour faire de Dakar un « gateway », un hub concurrentiel.

L’humain, l’eau, la terre

Le triptyque « Nit Ki, Ndox mi, suuf si (l’humain, l’eau, la terre) » au centre de sa politique prend en compte la capacitation pour ce qui concerne l’homme dont la formation lui est incontournable. Pour Khalifa Sall, la formation professionnelle doit intégrer l’éducation.

« Si on ne forme pas nos enfants, ils seront ouvriers et journaliers chez eux ».

Insistant sur la formation, le socialiste est d’avis que l’avenir du pays se joue sur la capacité des Sénégalais à intégrer le savoir-faire en plus du savoir pour tirer un grand profit des richesses qui leur sol leur offre.

Un savoir-faire à prioriser afin que s’inventent et s’organisent les termes du développement qui passe par la souveraineté alimentaire dont l’assurance ne sera effective que si et seulement l’eau maîtrisée ne se déverse par millions de mètres cubes (20 millions de mètre cube par an) dans la mer.

L’ancien maire prend pour exemple le fleuve Sénégal, mais aussi les eaux usées qui finissent toutes dans l’Atlantique.

Comment peut-on obtenir des résultats probants quand l’eau des réseaux d’assainissement n’est pas traitée, quand elle fait défaut, quand la terre manque aux cultivateurs, quand la mécanisation est aux abonnés absents ?

Ayant certainement les bétons de Diamniadio en travers de la gorge, Khalifa Sall pour qui Macky Sall a raté de faire des Niayes à Loumpoul le plus grand champ de culture maraichère s’en offusque presque. Tout est question de choix stratégiques. Cela se voit dans le profil de la dette.

Rappelant qu’elle était de 600 milliards FCA en 2000, Khalifa Sall s’étonne que l’on ne comprenne pas que la subvention de l’Etat se réduise en peau de chagrin parce que le profil de sa dette (plus de 13 000 milliards, soit près de 76% du PIB) empêche l’Etat de répondre présent et soutenir les ménages.

On comprend on ne peut mieux pourquoi les factures de l’électricité et de l’eau explosent ces derniers mois.

« Ce n’est pas la dette qui est le problème mais plutôt son profil » assène un Khalifa Sall, sans compter l’allocation ou affection des ressources de la dette. « Vont-elles vers des secteurs productifs ? » s’interroge-t-il non sans regarder du côté des infrastructures sportives érigées à Diamniadio dans la nouvelle ville chère au Président Macky Sall.

Avec tout cet inconfort financier, le coût de la vie ne peut qu’être plus difficile pour les populations. Pire, l’Etat emprunte pour payer sa dette, mettant tout sur les ressources à venir du pétrole et du gaz que Khalifa Sall n’entend pas exporter, raille-t-il. La transformation pour la création de valeur ajoutée est une exigence.

Il s’agit d’industrialiser le Sénégal, martèle le candidat de gauche.

La Diaspora, la quinzième région

La Diaspora n’a pas été en reste dans les échanges de Khalifa Sall et les invités de l’émission. Parlant d’un fonds d’investissement et du savoir-faire des émigrés, le candidat prône une migration circulaire qui fera des Sénégalais de l’extérieur de véritables assistants techniques pour le pays au-delà des 1700 milliards FCFA qu’ils transfèrent au Sénégal.

Avec elle et une volonté affichée sous son magistère, les structures de reproductions seront reprises, grâce au « changement de paradigme de développement » qui veillera à protéger l’artisanat et toutes les filières et niches qui constituent les véritables moteurs de croissance.

Enfin, concernant la pléthore d’institutions mises en place par les différents chefs d’Etat, Khalifa Sall s’est voulu prudent. 

« Dans un Etat démocratique, la représentation est essentielle, sinon vous avez un gouvernement qui décide de tout ». Pareil pour le CFA qui demande une réflexion aboutie 80 ans après sa création.

 « Il faut avancer et aller vers l’ECO ». Avec la France et aussi bien les autres pays, Khalifa Sall milite pour la construction d’un partenariat gagnant-gagnant et des relations exclusives.

Resplendissant, finissant fort, tout en sourire le grand oral après deux tours d’horloge, Khalifa Sall a surpris par son aisance.

Qu’est ce que les Sénégalais vont retenir de sa sortie maîtrisée avec en prime une vidéo et le film de son déplacement vers la 2STV ? Quelle sera leur perception ? L’éloquence était en tout cas au rendez-vous.

Maderpost

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