L’histoire montre que le multilatéralisme est la voie la plus sûre vers la stabilité mondiale et le progrès économique. Les tragédies du siècle dernier et celles qui se déroulent actuellement à travers le monde reflètent les dangers et la futilité des approches fragmentées et des politiques gagnant-perdant. En tant que chef d’Etat, j’ai pu constater le coût que les tensions internationales font subir aux « gens ordinaires » et les retombées positives de la collaboration entre les pays.
Le G20 est le principal mécanisme de gouvernance multilatérale collaborative de l’économie mondiale. Ses objectifs généraux sont notamment la coordination des politiques afin de parvenir à une stabilité économique et à une croissance durable, de réduire les risques et de prévenir les crises, ainsi que de moderniser l’architecture financière internationale. Par la création du G20 en 1999, les pays du G7 reconnaissaient, à la suite des crises financières des marchés émergents des années 1990, qu’une participation insuffisante des pays en développement aux délibérations concernant les problèmes économiques mondiaux augmentait les risques liés à la stabilité financière globale.
La composition du G20 se veut large et représentative, mais de taille gérable. Composés de 19 pays plus l’Union européenne (UE), les membres du G20 représentent environ 80 % du PIB mondial, 75 % du commerce mondial et plus de 60 % de la population mondiale. Comme l’UE compte 27 Etats membres – parmi lesquels la France, l’Allemagne et l’Italie sont également membres du G20 à titre individuel –, ce dernier représente effectivement 43 pays, soit plus d’un cinquième des membres des Nations unies. De tous ces pays, un seul – l’Afrique du Sud – est africain. L’Union africaine (UA) est occasionnellement invitée.
La huitième plus grande économie du monde
Le G20 a accordé une attention croissante aux préoccupations africaines et aux questions mondiales qui concernent l’Afrique. Plus récemment, il s’est employé à aider les pays endettés et à faible revenu à travers le monde, y compris ceux d’Afrique, avec la couverture vaccinale Covid-19 et avec des actions telles que l’Initiative de suspension du service de la dette et le Cadre commun pour les traitements de dette.
En 2021, la présidence italienne du G20 a accueilli le premier groupe consultatif sur l’Afrique. Peu après, le G20 a entériné les décisions importantes prises par le Sommet de Paris sur le financement des économies africaines organisé par la France, que j’ai coparrainé. En 2017, la présidence allemande a lancé le Pacte du G20 avec l’Afrique pour aider à promouvoir les investissements privés sur le continent et, en 2016, la présidence chinoise s’est efforcée de soutenir l’industrialisation en Afrique. Les Africains apprécient grandement ces actions et d’autres.
Mais l’Afrique n’est pas encore suffisamment impliquée dans la prise de décision du G20. L’inclusion de l’Afrique du Sud est très appréciée et a contribué à assurer la visibilité du continent dans cet important forum. Toutefois, les autres pays africains, qui représentent 96 % de la population du continent et 85 % de son PIB, ne sont pas présents. L’Afrique compte 1,4 milliard d’habitants, soit une population à peu près équivalente à celle de la Chine ou de l’Inde. Ensemble, les pays africains constitueraient la huitième plus grande économie du monde.
Le G20 compromet son efficacité et son influence en omettant une proportion aussi importante de l’humanité et de l’économie mondiale. Cette omission limite la capacité de l’Afrique à donner son avis sur les grandes questions économiques lors des sommets du G20 et des réunions ministérielles et techniques. Au contraire, elle contraint le continent à composer avec les décisions prises par d’autres, y compris sur des questions qui touchent directement les pays africains. Les questions les plus urgentes – telles que le changement climatique, les pandémies, la sécurité et la dette – sont celles qui affectent l’Afrique et pour lesquelles elle est en mesure de contribuer aux solutions attendues.
Une idée réalisable, dont le temps est venu
Etant donné que le continent contribuera pour moitié à l’accroissement de la main-d’œuvre mondiale et pour un quart à celui de la population mondiale au cours des prochaines décennies, la faible représentation de l’Afrique dans cette instance peut affaiblir la crédibilité, l’attraction et la représentativité du G20.
Le G20 peut combler cette lacune en admettant l’UA en tant que membre. Plusieurs personnalités ont lancé un appel dans ce sens et je note les idées avancées par le professeur Jeffrey Sachs et d’autres voix dignes d’intérêt ces derniers mois. En ajoutant un seul président, le G20 en viendrait à représenter les opinions de 54 membres supplémentaires, la majorité des pays à faible revenu et 80 % de la population mondiale. L’inclusion de l’UA renforcerait la gouvernance économique mondiale et la mise en œuvre des politiques entérinées par le G20. Les pays africains s’approprieraient les décisions du G20 sur les questions clés. La cohérence et la coordination des politiques en Afrique s’en trouveraient accrues.
D’un point de vue pratique, l’UA pourrait être représentée par son président en exercice et par le président de la Commission de l’UA. Leurs mandats seraient guidés par les conférences annuelles des chefs d’Etat et de gouvernement africains. Les objectifs des pays seraient formulés en termes régionaux sur la base du plan de développement global de l’Afrique, l’Agenda 2063, dont la Zone de libre-échange continentale africaine est un résultat concret. Sur les questions pour lesquelles les avis peuvent diverger sur le continent, l’élaboration d’une position de l’UA pour le G20 contribuerait à renforcer la cohésion et la collaboration.
Dans l’ensemble, l’intégration de l’UA au G20 est une idée réalisable, dont le temps est venu ; une idée qui devrait profiter au G20, à l’Afrique et au monde entier.
Par Macky Sall, président de la République du Sénégal et président en exercice de l’Union Africaine
xibaaru
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