L’Afrique, sans plus attendre, doit aller sur le terrain de ses propres narratifs pour accéder à une souveraineté médiatique et parler au reste du monde, le continent ayant beaucoup à proposer au « banquet de l’universel », estime le journaliste et consultant international sénégalais Mactar Silla.
« Il est grand temps que l’Afrique aille sur le terrain de ses propres narratifs, car nous avons les compétences, les histoires, nous avons toutes les activités nécessaires » pour que « l’Afrique puisse non seulement s’occuper de l’Afrique, mais parler du reste du monde, car nous avons beaucoup d’apports à mettre sur ce banquet de l’universel », a-t-il déclaré.
Mactar Silla, par ailleurs universitaire et entrepreneur, était lundi l’invité de Radio Alger, station généraliste de la Radio algérienne (publique). Il représente les radios et télévisions privées du continent au sein du comité exécutif de l’Union africaine de radiodiffusion.
« Aujourd’hui, les modes de domination ne passent plus par les guerres, les armes avec fracas », mais « par les dominations à travers les médias, c’est ainsi qu’on formate les esprits, qu’on essaie d’imposer ses cultures, ses démarches », a souligné le fondateur de Label TV et Label Radio, média panafricain ayant son siège au Gabon.
Selon Matar Silla, le continent africain doit s’investir, « de manière résolue, pour avoir sa propre stratégie concertée à la fois nationale et panafricaine, afin que les Africains puissent peser de tout leur poids » dans le domaine des médias et avoir ses propres objectifs en la matière.
Il annonce pour bientôt la création d’une chaine de télévision panafricaine dont l’objectif sera de travailler à « une souveraineté médiatique de l’Afrique ».
« Au mois d’août dernier à Kinshasa (RDC), avec d’autres collègues, notamment de ‘Top Congo’, première radio en République démocratique du Congo, Ismaël Soumano, directeur général de ‘La Gazette du Golfe’, on a décidé de créer une chaine panafricaine qui soit disponible non seulement sur le continent, mais aussi en Europe, en Occident et partout », a-t-il indiqué.
« Cette initiative vise à imposer la réciprocité face à l’arrivée des chaînes occidentales sur le continent africain.
Parce que nous croyons en cette réciprocité, nous pensons qu’il est hors de question que toutes les chaines viennent nous assiéger de partout, et que l’inverse ne soit pas possible, qu’il n’y ait pas de contenu africain, que nous ne soyons pas sur la fréquence disponible en Europe », explique l’ancien directeur général de la Radiodiffusion télévision sénégalaise (RTS).
Selon lui, « il faut inverser la tendance et appliquer la réciprocité », insiste Matar Silla.
Il dit miser sur le partenariat public-privée qui devrait à ses yeux permettre de « surfer et d’engranger tout le capital qui peut y avoir sur le continent africain du point de vue des compétences visibles dans des rédactions africaines […] qui sont bien formées et qui sont dans des contextes beaucoup plus contraignants que les confrères européens et qui y tirent leur épingle du jeu ».
« Si nous arrivons à fédérer tout cela, en ne créant pas seulement des chaines généralistes mais thématiques aussi », de manière à ce que l’Afrique puisse aller « à l’assaut du monde grâce à des messages à dire, des narratifs, à ses contenus, ses histoires, ses valeurs dans un monde où beaucoup de choses sont en train de se désagréger, je pense qu’on a beaucoup de choses à apporter en termes de contenus, de savoir-faire, de savoir-vivre », indique-t-il.
Il a souligné l’importance de la formation pour la mise à disposition de compétences, soulignant la nécessité de « faire le tri des gens qui ont fait irruption dans le métier sans être des journalistes », afin d’éviter « toute censure inutile ».
aps