«Crédibiliser la justice, c’est une volonté politique qui consacrera une conscience effective des gouvernants à refuser toute immixtion dans le rendu de la justice et à créer les conditions adéquates à l’égalité de tous les Sénégalais devant la loi»

«Je fais partie de ceux qui pensent que la justice est à la fois une vertu et une administration et qu’elle ne peut être crédible sans une politique cohérente de bonnes pratiques fondées sur ses principes et ses règles», a dit le Bâtonnier de l’Ordre des avocats, Mamadou Seck, dans son discours d’hier, jeudi 16 janvier 2025, à l’audience de rentrée solennelle des Cours et Tribunaux.

Crédibiliser la justice, c’est d’abord, dit-il, « une volonté politique qui consacrera une conscience effective des gouvernants à refuser toute immixtion dans le rendu de la justice et à créer les conditions adéquates à l’égalité de tous les sénégalais devant la loi ».

Mamadou Seck est ainsi convaincu que, «la justice est dans l’Etat, mais subit l’Etat, quand ce dernier n’a pas comme crédo de tout faire pour participer à asseoir et préserver son indépendance et créer les conditions matérielles de son exercice».

Rappelant que les participants aux Assises ont tous déploré que dans diverses situations, la justice a été ébranlée par l’Etat et le pouvoir politique, le bâtonnier affirme que «la perception de la réalité étant aussi importante, voire parfois plus importante, que la réalité elle-même, le chantier de la justice est à l’image de la mission de justice, sa perfection est souhaitable et sa prise en charge, nécessaire ».

Mamadou Seck a rappelé au président Bassirou Diomaye Faye qu’en l’élisant, « les Sénégalais attendent de vous que le pouvoir politique soit le vecteur et le garant d’une justice indépendante, rendue exclusivement au nom du peuple et dans le respect des lois qu’ils ont choisis ».

Par ailleurs, crédibiliser la justice revient, selon Mamadou Seck, « à replacer ses acteurs (avocats, magistrats…) dans leurs véritables rôles, avec comme base la conscience effective de la vertu de justice, de l’éthique professionnelle et du haut niveau d’excellence morale ». Ces principes, dit-il, « devraient guider tous critères d’appréciation, d’évaluation ou de sanction de l’œuvre individuelle de justice à l’aune de la mission collective de justice ».

Pour le Bâtonnier, «il ressort des serments prêtés par les acteurs de la justice de puissantes sujétions d’indépendance, de dignité, de loyauté et d’intégrité qui renvoient à une dimension personnelle pour exercer leurs missions ». A son avis, «cette dimension personnelle doit impérativement l’obliger à ne jamais sacrifier ce qui fonde et justifie son action, la vertu de justice».

UNE JUSTICE AU-DESSUS DES PLANS DE CARRIÈRE

S’adressant à ses collègues, Mamadou Seck trouve que «les plans de carrières, les relations politiques, les relations sociales, les rapports douteux entre eux, l’incompétence ou l’absence de conscience professionnelle, la corruption, ne doivent pas résister, un instant, au respect des exigences du serment prêté, pour une bonne qualité de la justice, la protection des intérêts de la société et celle de la démocratie».

Mieux, « les acteurs doivent aussi rompre avec une sorte de culture collective tendant à observer une attitude plutôt pudique à l’égard des comportements individuels inadaptés, déviants ou non conformes aux règles car l’institution judiciaire pâtit dans son ensemble de la mauvaise image que certains acteurs donnent de la justice».

Le Bâtonnier trouve qu’«il est impérieux de rendre au serment le respect et la sanction qui s’attachent à sa dimension morale et légale ainsi qu’à la confiance qu’il suggère auprès du citoyen et du justiciable dont les écarts de certains conduisent à douter de l’intégrité et de la dignité de tous». Le bâtonnier préconise, dès lors, des sanctions dans la justice.

«La mise en place d’un système de contrôle et de sanctions des divers manquements perpétrés à tous les niveaux doit être de mise pour enrayer un sentiment d’impunité des acteurs de la justice».

Pour lui, «le sentiment d’injustice naît du constat de l’impunité dont jouissent certains et qui peut être dû à la pudeur, à l’entre-soi ou au corporatisme par lesquels nos corps respectifs « oublient » de sanctionner leurs membres, parfois à juste titre mais aussi, malheureusement et souvent, envers et contre les règles, les principes, les valeurs».

Le bâtonnier Me Mamadou Seck pense qu’«il est nécessaire, aujourd’hui, de mettre en place au sein des juridictions un espace cathartique pour anticiper et prendre en charge les problèmes et, pour certains, mettre un terme à leur récurrence».

Et «les acteurs doivent impérativement avoir un cadre pour compléter leurs missions habituelles dans tous les domaines, sans écarter les sujets les plus sensibles, par une interaction constructive, permettant ainsi de mettre en œuvre les mesures à prendre à la suite de ces Assises sur la justice».

sudquotidien

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