Ce qui se passe à Kédougou, dans les entrailles du sol aurifère dans la partie Est du pays, dépasse de loin l’entendement, c’est à se demander après les vérités toutes crues du ministre des Mines s’il ne faut pas en conclure un désaveu ou même l’échec toute notre politique minière tant le passif social, fiscal et environnemental que les concessionnaires des mines ne vont jamais pouvoir solder.
Au moins avec le réquisitoire du Ministre du Pétrole et des Mines et son collègue de l’Environnement, nous savons au moins que des mécanismes comme l’ITIE ont des limites et leur impact presque négligeable dans la gouvernance globale du secteur extractif.
L’or à l’Est du pays et les phosphates de Thiès et Matam constituent 90% du secteur extractif du Sénégal.
L’activité économique autour de l’or et des phosphates représente 5% du PIB du Sénégal soit 1 200 milliards sur notre PIB annuel.
Cependant ces deux produits constituent des exportations essentielles et des sources de devises vitales pour notre compte courant, l’or et les phosphates c’est 40% de nos exportations, de loin les tonnages plus importants que les ressources halieutiques et même les produits horticoles.
Pour le Sénégal, nous sommes loin du syndrome hollandais, notre secteur extractif n’a jamais été un contribuable majeur, c’est un secteur entre les mains de compagnies étrangères aux capacités financières et juridiques souvent importantes même si les ressources minières appartiennent aux peuples sénégalais.
La chaîne de valeur du secteur extractif n’apporte aucune ressource fiscale, économique et financière substantielles au Sénégal.
D’ailleurs si vous comparez le secteur extractif dans sa globalité et un sous- secteur comme les télécommunications, la fiscalité et parafiscalité sur les télécommunications quintuple les prélèvements obligatoires et non obligatoires issus du secteur extractif.
Le Code minier 2016-032 de Novembre 2016 est un désastre pour nos finances publiques, c’est trop de brèches pour l’invasion et l’évitement fiscal, ainsi des compagnies comme les ICS qui extraient en moyennes 2 000 000 Tonnes de phosphates par année pour des exportations de 400 à 600 milliards en moyenne l’année ne paient même pas leurs obligations, ou trop peu le cas échéant.
Et malheureusement ICS est de loin la plus grande société minière du Sénégal.
Après 23 ans entre les mains d’indiens et d’indonésiens, c’est un passif fiscal de 80 milliards par année aux titres des mines de phosphates, de l’acide et des engrais issus de toute la chaîne. Sur vingt-trois ans, le manque à gagner fiscal des ICS avoisine 2 600 milliards dans toute la chaîne de production primaire, secondaire et tertiaire.
Que gagne le Sénégal avec les ICS, même pour la campagne agricole, c’est l’Office chérifien des phosphates (OCP) du Maroc qui fertilise nos sols. Aux indépendances il y a 60 ans l’OCP existait à peine et les phosphates de Thiès exportaient déjà la chaux vers l’Asie.
Aujourd’hui l’OCP est parmi les plus grandes entreprises du monde avec 9 000 milliards de F CFA de chiffre d’affaires et constitue le backbone de l’économie marocaine.
Les ICS sont dans une restructuration et recapitalisation sans fin sur fond d’arnaque fiscal et de destruction écosystémique à grande échelle.
En moyenne sur les 230 milliards de recettes minières annuelles de tout le secteur, seules six entreprises contribuent à hauteur de 80% des revenus miniers selon les données encore approximatives voire trop minorées des rapports de l’ITIE.
Ainsi les principaux contributeurs aux recettes minières de manière constante sont Sococim, Ciments du Sahel et Dangote Cement qui depuis 2021 totalisent au moins 47% sur la totalité soit 110 milliards pour les trois cimentiers, alors que seul ICS devait à elles – seules contribuer au minimum ce montant aux titres de ses obligations fiscales et sociales avec les redevances et RSE.
C’est seulement après les cimentiers que les opérateurs aurifères viennent avec SGO qui de loin contribue à hauteur de 19% en moyenne.
Comme quoi notre politique minière est une politique sans jus, ni substance, qu’il faut urgemment refonder pour nos objectifs d’équité fiscale et de développement économique et social.
Moustapha Diakhaté, Expert Infrastructure et Politique Énergie
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