Le Socialiste Serigne Mbaye Thiam, actuel ministre de l’Eau et de l’assainissement avait publié en septembre 2016, une contribution dans laquelle il soulignait les faiblesses et manquements de la loi sur la nationalité exclusive des candidats à l’élection présidentielle.

Voici un extrait de cette contribution

LA NATIONALITÉ EXCLUSIVE DU CANDIDAT A LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

(NB : les numéros des articles, ainsi que les délais, mentionnés dans cette contribution sont ceux des textes en vigueur en septembre 2016) (…)

Il faut toutefois reconnaître que les insuffisances des conditions de mise en œuvre de l’article 28 de la Constitution (Tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise…) et de contrôle de son respect sont manifestes et il importe de les combler de manière équilibrée et impersonnelle, sans visée politicienne.

Avant d’exposer nos propositions, il faudrait rappeler que la Constitution ne détermine pas elle-même les modalités d’application permettant d’en garantir le respect absolu.

En effet, seul l’article LO.114 du Code électoral impose une déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat à l’élection présidentielle atteste que sa candidature est conforme à l’exigence de l’article 28. Au surplus, le candidat n’est tenu par aucun délai de renonciation à sa nationalité étrangère. Il pourrait même le faire au moment du dépôt de sa candidature.

La faiblesse des modalités d’application de la condition et des possibilités de contrôle, ainsi que l’absence d’un délai minimum de renonciation, cachent mal les difficultés qui sont consubstantielles à cette exigence de nationalité exclusive qui ne serait alors qu’une disposition purement cosmétique.

En effet, la déclaration sur l’honneur laisse perplexe dès lors que l’on s’interroge sur la procédure de contrôle de sa sincérité et sur les sanctions des éventuelles irrégularités qu’elle comporterait.

En ce qui concerne le contrôle de régularité, c’est une compétence dévolue au Conseil constitutionnel qui, selon l’article LO.118 du Code électoral, peut procéder à toute vérification qu’il juge utile pour s’assurer de la validité des candidatures déposées.

Or, il est unanimement admis que la juridiction constitutionnelle ne dispose pas matériellement du temps et des moyens nécessaires pour s’assurer que tous les candidats sont exclusivement de nationalité sénégalaise.

Si la preuve de la nationalité sénégalaise peut être apportée par le certificat de nationalité, il n’y a pas, en revanche, de contrôle systématique et approfondi de la détention par les candidats d’une ou de plusieurs nationalités étrangères, un fait négatif que les juristes ont du mal à prouver.

S’il s’agit d’un plurinational, se satisfaire d’une simple déclaration sur l’honneur, sans contrôle d’une renonciation effective aux autres nationalités, nous semble être une solution d’une grande légèreté. (…)

Pire, il peut même arriver qu’un candidat ayant perdu sa nationalité sénégalaise en vertu de l’article 18 du Code de la nationalité passe entre les mailles du contrôle en cachant l’acquisition d’une nationalité étrangère et que sa candidature soit acceptée, sans qu’il n’ait demandé à acquérir à nouveau la nationalité sénégalaise et sans qu’il ne satisfasse en outre le délai requis pour pouvoir être investi pour assumer des fonctions ou mandats électifs.

Cette dernière hypothèse devrait mener à une réflexion sur la nature des sanctions à infliger à un candidat suite à une déclaration mensongère au moment du dépôt de la candidature.

De ce point de vue, la comparaison entre l’élection présidentielle et les élections législatives est saisissante, tant le Code électoral a pris le soin de préciser la sanction applicable en cas de fausse déclaration d’une personne inéligible à l’Assemblée nationale (article LO.172) ainsi que la procédure en vigueur lorsqu’une liste comprend un candidat inéligible (article LO.174).

Le moment de la découverte d’une fausse déclaration d’un candidat à l’élection présidentielle permet de déterminer les sanctions envisageables.

Le doute sur la véracité d’une déclaration relative à la nationalité d’un candidat peut, en effet, survenir entre le moment du dépôt et celui de la publication de la liste des candidats à l’élection. Le cas échéant, la confirmation de la plurinationalité entraîne l’irrecevabilité de la candidature.

On peut raisonnablement croire que lorsque le Conseil constitutionnel a un doute sur le respect de l’article 28 par un candidat, il devrait, en vertu de l’article LO.118 précité:

_faire procéder à des vérifications dans les délais très courts dont il dispose, puisque l’article 29 de la Constitution prévoit que les candidatures doivent être déposées 30 jours francs au moins et 60 jours au plus avant le premier tour et que,

_selon l’article 30, repris par l’article LO.119 du Code électoral, la liste des candidats doit être arrêtée et publiée 29 jours avant le premier tour ;

_ce qui veut dire en pratique que si des candidatures sont déposées 30 jours avant le premier tour, le Conseil ne dispose que de 24 heures pour procéder à d’éventuelles vérifications supplémentaires sur la nationalité !

La difficulté supplémentaire, devant le juge, est celle du mode de preuve.

Que la preuve pèse sur le candidat, et le fait négatif en cause serait impossible à établir de façon absolue ; qu’elle pèse en revanche sur le Conseil constitutionnel ou sur les candidats concurrents, et alors, l’on peut imaginer qu’il leur serait bien difficile d’étayer matériellement leurs soupçons dans le cas où l’État étranger concerné n’aurait prévu aucune procédure formelle de renonciation.

Il peut aussi arriver que la plurinationalité d’un candidat soit découverte après la publication de la liste des candidats, mais avant l’élection.

La question est alors de savoir si le Conseil constitutionnel qui a déjà rendu sa décision de validation peut y revenir. L’admettre obligerait à procéder à une nouvelle publication et à réfléchir sur le délai constitutionnel séparant la publication de la liste définitive et le premier tour du scrutin.

Enfin, il peut arriver que la dissimulation sur la nationalité d’un candidat soit découverte après le premier tour du scrutin – et alors qu’il est qualifié au second tour – ou après qu’il a été élu, voire après qu’il a quitté le pouvoir.

Pour insolite qu’elle soit, une telle hypothèse est parfaitement possible au regard des modalités d’application peu rigoureuses, des mécanismes et du délai du contrôle accordés au Conseil constitutionnel. Le plus surprenant, c’est que rien n’a été prévu ni dans la Constitution, ni dans le Code électoral, pour sanctionner l’auteur de la fausse déclaration.

Entre les deux tours, faudrait-il écarter le candidat fautif et considérer que le candidat arrivé en troisième position doit être admis à participer au second tour ou déclarer l’ensemble de l’élection invalide ?

Si la constatation de l’inéligibilité est faite postérieurement à l’élection, que faut-il faire ?

Ces questions se posent alors que le Conseil constitutionnel a déjà rendu une décision définitive de validation des candidatures, décision non susceptible de recours.

Toutes les sanctions envisageables contre un président de la République qui aurait commis, es qualité, certains actes jugés graves, nous semblent devoir être écartées parce qu’il n’avait pas la qualité de président de la République au moment de sa fausse déclaration de candidature.

Les réponses à ces questions ne sont pas simples, particulièrement lorsqu’un délai plus ou moins long a couru entre l’élection et la découverte du caractère frauduleux de la candidature de la personne en cause.

Toutes les difficultés soulevées démontrent que la mise en œuvre d’une disposition aussi importante de la Constitution ne peut s’accommoder d’incertitudes juridiques et politiques aussi nombreuses.

La nationalité exclusive du candidat à l’élection présidentielle est donc une question pertinente posée qu’il convient de résoudre à tout prix. (…)

Deux types de propositions peuvent contribuer à éviter les difficultés d’application de l’article 28, en ayant pleinement conscience qu’aucune proposition ne fait complètement disparaître les risques inhérents à l’exigence dudit article ; en l’occurrence, il n’y a pas une solution parfaite, mais il y en a une qui induit moins de risques et d’incertitudes.

D’une part, il faudrait renforcer le contrôle de la régularité au fond de la déclaration sur l’honneur prévue par le Code électoral et, d’autre part, prévoir un délai suffisant et raisonnable pour que les futurs candidats puissent, à l’avance, accomplir toutes les formalités nécessaires pour se conformer à l’exigence constitutionnelle.

Concernant le contrôle de la régularité au fond de la déclaration de candidature, il nous semble raisonnable d’exiger qu’elle comporte plus d’informations, notamment sur les nationalités que chaque candidat a pu détenir. Le cas échéant, une preuve officielle de renonciation peut être requise.

Le candidat doit pouvoir produire un document émanant de l’État étranger et qui attesterait que la renonciation a été constatée ou autorisée.

Une mesure supplémentaire consisterait à rendre obligatoire la publication de la déclaration et d’ouvrir un droit d’opposition, devant le Conseil constitutionnel, à tout électeur qui aurait connaissance de la plurinationalité d’un candidat.

Une évolution de notre législation devrait conduire à allonger le délai plancher de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle, à organiser ce contentieux tout en l’enfermant dans des délais raisonnables qui ne retarderaient pas la tenue du scrutin. (…)

seneweb

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