Le Conseil Constitutionnel a bouclé le 9 janvier dernier la procédure de contrôle et de validation des parrainages en vue de l’élection présidentielle du 25 février prochain. Ce travail démarré le 27 décembre dernier, a été ponctué par de nombreux dysfonctionnements décriés par la plupart des 93 candidats déclarés ayant déposé leurs dossiers au greffe.
Des critiques qui viennent s’ajouter aux nombreuses complaintes déjà enregistrées et tendant à renforcer le doute sur la fiabilité du processus électoral.
Après douze élections présidentielles réussies dont deux ayant abouti à des alternances démocratiques (2000 et 2012), le Sénégal va-t-il à nouveau réussir le pari du 25 février prochain.
Cette question mérite bien d’être posée au regard des nombreux disfonctionnements qui accompagnent le processus électoral en cours dont le dernier est cette controverse sur le travail du Conseil Constitutionnel et sa Commission de contrôle du parrainage.
Un des principaux acteurs dans le dispositif de l’organisation de l’élection présidentielle au Sénégal, voire le plus important au regard de ses prérogatives notamment la reception des candidatures, l’arrêt et la publication de la liste des candidats mais aussi la proclamation des résultats officiels et l’installation du président de la République nouvellement élu, que lui confèrent le code électorale et la constitution, le Conseil constitutionnel ne semble pas inspirer confiance pour la plupart des acteurs.
En cause, son système de contrôle des parrainages avec son logiciel dont les fonctionnalités sont restées cacher aux candidats et à leurs mandateurs de même que le fichier utilisé pour la vérification des électeurs ayant parrainé sont jugés nébuleux par la presque totalité des 93 candidats déclarés à la prochaine présidentielle.
A cela, il faut également ajouter le rejet du dossier du maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko au motif qu’il manquait certaines des 9 pièces exigées pour la validité de toute candidature alors que le mandataire de ce dernier a affirmé avoir joint au dossier un exploit d’huissier constatant le refus de l’administration de lui délivrer les pièces manquantes.
D’ailleurs, les acteurs politiques ne sont pas les seuls à élever la voix pour décrier les actes posés par le Conseil constitutionnel dans le cadre cette procédure de contrôle et de validation des parrainages.
Réagissant dans un texte partagé sur son profil facebook sur les 200 000 doublons identifiés dans les parrainages des candidats admis à régulariser par la Commission de contrôle du parrainage mis en place par le Conseil constitutionnel, l’expert électoral Ndiaga Sylla semble pointer la nouvelle méthode de travail de l’actuelle équipe du Conseil constitutionnel.
«Le logiciel de contrôle est méconnu des candidats alors qu’en 2019, il a été présenté aux candidats ou leurs représentants.
Pire, le paramétrage du logiciel utilisé pour le contrôle des parrainages n’effectue pas de recherche multicritère qui aurait permis d’identifier, dès la base des données, un parrainage dont les renseignements comportent des erreurs de saisie».
Interrogé par nos confrères de la Radio futur média hier, mercredi 10 janvier, Bakar Ndiaye, expert électoral dénonce pour sa part une «nébuleuse autour du fichier utilisé par le Conseil constitutionnel pour le contrôle des parrainages».
Estimant que ce fichier n’est pas fiable, l’expert électoral d’indiquer qu’aucune logique ne pourrait expliquer le fait que des personnes détenant des cartes d’identité avec des données électorales ne figurent pas au niveau du fichier électoral.
Le jeu trouble de l’administration territoriale et électorale
Le dispositif de l’organisation matérielle de la prochaine élection présidentielle repose essentiellement sur l’administration territoriale incarnée par des gouverneurs, préfets et sous-préfets et celle électorale représentée par les différents démembrements de la Direction générale des élections.
Elles ont grandement contribué aux deux alternances politiques de 2000 et 2012 grâce à leur engagement et leur détermination à travers la bonne organisation de ces élections. Cependant, pour le scrutin du 25 février, des interrogations se posent avec acuité.
En effet, avec l’avènement du président Macky Sall à la tête du pouvoir exécutif, la régression de l’image de l’administration publique sénégalaise constatée lors du régime libéral du président Abdoulaye Wade s’est accentuée et a pris même des proportions inquiétantes ces dernières années du fait des comportements de certains administrateurs civils et directeurs généraux.
Ces derniers, pour des intérêts non avoués s’adonnent à des incursions sur le terrain politique à la place des partisans du régime en place.
Sous ce rapport, on peut citer les interdictions systématiques des manifestations de l’opposition, des recours devant la Cour suprême engagés sous la dictée du ministre de l’Intérieur lors des élections municipales et législatives de 2022 pour faire invalider des listes de l’opposition mais aussi le refus d’exécuter des décisions de justice dans le cadre de l’annulation de la radiation du maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko des listes électorales.
L’inaction inquiétante des nouveaux membres de la Cena
Autre acteur du dispositif organisationnel de la prochaine élection présidentielle du 25 février qui suscite des interrogations, c’est la Commission électorale nationale autonome (Cena).
Chargée par le Code électoral du contrôle et de la supervision de toutes les opérations électorales et référendaires, conformément à l’article L.2 portant création de la Cena, la nouvelle équipe de la Cena nommée dans des conditions très controversées pour un mandat de six (6) ans, le 03 novembre 2023 dernier, semble aujourd’hui avoir du mal à exercer pleinement cette prérogative que lui confère la loi.
En effet, dans un communiqué rendu public le 8 janvier dernier, Abdoulaye Sylla président de la Cena réagissant à une information partagée dans les réseaux sociaux relatif à la disponibilité de la nouvelle version du fichier électoral sur le site de l’organe a formellement démenti.
« La version du fichier électoral actuellement disponible sur son site web n’est pas encore mise en à jour relativement à l’élection présidentielle 2024», a-t-il précisé.
Il faut dire que cette sortie sonne comme un aveu d’échec pour une structure sensée veiller au bon déroulement des opérations électorales de cette élection. Autrement dit, à moins de deux mois environ de la date du scrutin, seul le ministère de l’Intérieur dirigé par un responsable de la coalition en place dispose de la bonne version du fichier électoral.
sudquotidien