Après la salve de critiques relatives aux factures et au prépayé Woyofal, le Directeur général de Senelec, Papa Mademba Bitèye, déplore une incompréhension à la suite de la révision des tarifs intervenue en janvier dernier.

Cependant, sur les 2,4 millions de clients, dont 1,156 million qui sont protégés, seul 586.000 ont connu une hausse de facturation due, à son avis, à une année 2023 très chaude.

Monsieur le Directeur général, des clients de Senelec s’indignent de la hausse vertigineuse de leur dernière facture. Celle d’un abonné serait passée de 70.000 à 4 millions de FCfa. Qu’est-ce qui explique cette flambée soudaine décriée ?

La cherté des factures constatée ces derniers temps est due à une conjonction de facteurs. Il y a déjà le réajustement tarifaire intervenu en janvier 2023 avec une hausse des prix de l’électricité au niveau de la deuxième et de la troisième tranche.

Si cette augmentation est passée presque inaperçue, c’est parce que, malgré tout, les factures n’étaient pas chères en raison du niveau relativement bas de la consommation énergétique en période de fraîcheur.

C’est tout le contraire en cette période de pic d’octobre et de novembre où il fait excessivement chaud, la demande en électricité est forte de même que la consommation des ménages et cela impacte logiquement les factures d’électricité.

Maintenant, je considère qu’il n’y a pas de facture passée de 70.000 à 4 millions de FCfa dans la mesure où le cas que nous avions connu a été réglé. Le client est venu faire sa réclamation au niveau de son agence et il a été rétabli dans ses droits.

Aucun système n’est infaillible, mais ce qui compte, c’est la prise en charge de ces occurrences. Dans le cas d’espèce, la prise en charge a été optimale et le client concerné peut en témoigner.
 
La consommation prépayée Woyofal n’est pas épargnée par la polémique, les clients ne comprenant pas la différence du nombre d’unités d’un achat à l’autre pour le même montant. Comment expliquez-vous ces variations ?

Ces variations sont dues à plusieurs paramètres. L’achat de crédit Woyofal prend en compte les taxes telles que la Tva, la taxe communale et la charge locative du compteur puisque le compteur appartient à Senelec.

S’il s’avère que le client avait une dette vis-à-vis de Senelec, un montant est défalqué de chaque crédit Woyofal rechargé pour solder cette dette. Donc cela dépend des situations de chaque client. Il y a également le fait que le Woyofal est structuré en trois tranches : la première tranche sociale, la deuxième tranche et la troisième. Chaque tranche fait l’objet de tarification spécifique.
 
Selon certains abonnés, avec 5000 FCfa, on est passé de 53 à 37 KWh. N’est-ce pas une hausse du prix du KWh qui ne dit pas son nom ?

Comme je vous l’ai expliqué, le Woyofal est structuré en trois tranches. Nous pouvons vous donner l’exemple d’un client qui achète dans le mois des crédits de rechargement de 5000 FCfa. Au premier achat de 5000 FCfa en début de mois, le client reçoit 48,91 kilowattheures.

Au deuxième achat, le client a 53,5 kilowattheures. Au troisième achat, il reçoit 51,54 kilowattheures. Avec ces trois premiers achats, le client a été facturé à la tranche sociale qui se limite à 150 kilowattheures. La taxe communale est déduite à chaque recharge de crédit, mais la charge locative n’est déduite qu’une seule fois le mois.

C’est bien de préciser qu’au troisième achat, le client commence un peu à empiéter sur la deuxième tranche. C’est d’ailleurs ce qui fait qu’au quatrième, cinquième et sixième achat, le client reçoit respectivement 35,74 kilowattheures, et enfin 33,24 kilowattheures parce qu’au sixième achat, il a commencé à dépasser les 250 kilowattheures de la deuxième tranche et intègre la troisième tranche à partir du septième achat, où la facturation change.

Quand on atteint la troisième tranche, la Tva entre en jeu. Voilà ce qui explique la variation du nombre de kilowattheures.
 
Vous dites qu’avec votre grille tarifaire, vous voulez protéger les ménages vulnérables. Or, la complainte provient aussi de cette couche sociale. Comment l’expliquez-vous ?

Les clients de la tranche sociale de Senelec sont au nombre de 1.159.146 qui consomment moins de 150 kilowattheures par mois. Cette tranche sociale qui paie moins de 15.000 FCfa de facture d’électricité par mois n’est aucunement concernée par la hausse du tarif.
 
Quels conseils donnez-vous aux clients de Woyofal ?

Nous préconisons l’économie d’énergie en adoptant des gestes qui participent à une meilleure maîtrise de la consommation dans les foyers. Le Woyofal est le système le plus efficace pour y parvenir. C’est la meilleure manière de contrôler, voire réduire la consommation électrique des ménages.

Récemment, un président d’une association consumériste a déclaré que le vrai problème de Senelec, c’est la lourdeur de ses charges causée notamment par son personnel pléthorique et le Fonds qu’elle doit reverser au Ministère de l’Énergie. Il pense que Senelec répercute cela sur le consommateur. Que répondez-vous ?

Ma réponse, elle est simple. Aujourd’hui, Senelec est une entreprise régulée, et toute charge qui doit être imputée sur la base tarifaire est d’abord validée par le régulateur. Maintenant, s’il y a des textes et des décrets pour demander à Senelec de collecter tel fonds et de le reverser, la société a l’obligation de le faire. Et ce ne sont pas des charges qui incombent à Senelec.

Quand on regarde ce fonds, comparé aux charges de Senelec, c’est marginal. Ce qu’il faut dire et reconnaître, c’est que, aujourd’hui, ce qui fait les tarifs de Senelec, c’est le cours international du baril de pétrole. C’est pourquoi nous avons dit, expliqué et répété que quand nous aurons le gaz domestique et le pétrole exploité au niveau du sous-sol sénégalais, nous aurons une maîtrise des prix d’achat de ces combustibles et nous pourrons répercuter les économies qui auront été réalisées sur nos clients en baissant les tarifs.

Maintenant, pour l’effectif qui serait supposément pléthorique, il faut savoir que toutes les sociétés d’électricité ont des ratios qui se fondent sur l’effectif rapporté à la puissance installée ou l’effectif rapporté au chiffre d’affaires. Sur la base de tous ces ratios, Senelec est en dessous de certains de ceux des sociétés d’électricité en Afrique de l’Ouest et en Europe d’une manière générale.

Aujourd’hui, quand on compare ces mêmes ratios en termes de qualité de service, Senelec se situe au niveau des standards internationaux. En d’autres termes, cela signifie qu’aujourd’hui, non seulement Senelec est efficace, mais elle est aussi dans l’efficience.
 
Est-ce que vous vous attendiez à cette salve de critiques contre Senelec ?

Pas du tout dans la mesure où, jusqu’à présent, les Sénégalais disaient qu’ils étaient prêts à payer les factures d’électricité. Ce qu’ils ne supportaient pas, c’est le manque d’électricité, la non-disponibilité de l’électricité. Aujourd’hui, il y a suffisamment d’électricité.

Maintenant, ce qu’il y a eu, c’est qu’au mois de janvier 2023, quand il y a eu le réajustement tarifaire, nous avons donné toutes les explications nécessaires aux Sénégalais. Maintenant, ce que nous reconnaissons et qui est la vérité, c’est qu’on n’a pas peut-être fait suffisamment de communication, on n’a pas donné suffisamment d’éléments à nos clients pour les informer que les factures allaient être élevées.

Mais si on regarde bien, sur les 2,4 millions de clients de Senelec, il y a 1,156 million de clients qui sont protégés, qui n’ont pas connu de hausse et dont les factures n’ont pas varié depuis 2017. Maintenant, on a 586.000 clients qui ont connu une hausse.

On se disait que ces derniers, après le point de presse que nous avons tenu et les explications qui ont été données, étaient suffisamment avertis pour adopter cette nouvelle culture énergétique qui permettra aux Sénégalais, face à la l’abondance, face à la disponibilité d’une électricité en quantité et en qualité suffisantes, d’adopter les comportements citoyens qui leur permettraient d’optimiser leurs factures d’électricité.
 
Avec la situation de 2011 où il y avait des contestations contre Senelec à cause des problèmes de production et de distribution de l’électricité et celle d’aujourd’hui marquée par des complaintes sur la cherté des factures, dans laquelle êtes-vous plus à l’aise en termes de gestion de crise ?

La situation de cette année, je la qualifierai d’incompréhension ou de déficit de communication entre un fournisseur et son client. Le fournisseur a rempli son devoir, mais n’a pas suffisamment communiqué avec le client pour lui permettre d’avoir les bons comportements en matière d’utilisation de l’électricité. Moi, en tant qu’opérateur, qui ai une mission de service public, naturellement, je suis plus à l’aise dans la situation actuelle que dans la situation d’avant où l’opérateur était défaillant.

Cette année, il n’y a pas eu de défaillance technique, il n’y a pas eu de situation anormale puisque les tarifs que nous avons appliqués sont les tarifs officiels. Maintenant, il y a eu une demande qui a augmenté exponentiellement et cela s’explique.

Tout le monde a constaté que les températures de 2023 ont été les plus élevées de l’histoire de l’humanité, donc cela suppose une augmentation de la consommation qui n’est pas seulement spécifique au Sénégal, mais concerne le monde entier, avec une inflation des prix partout en plus de celui de l’électricité. C’est pourquoi moi, cette année, je suis plus à l’aise en tant qu’opérateur.

Mais, en tant que Sénégalais, j’ai beaucoup de peine parce qu’on n’aurait pu éviter cette situation si mon message au mois de janvier était bien perçu et qu’en retour, nos clients, notre raison d’être, avaient adopté les bons comportements énergétiques pour optimiser leurs factures.
 
Faut-il s’attendre à une hausse ou une baisse du prix de l’électricité ?

Avec l’exploitation du pétrole et du gaz, la baisse des charges d’exploitation du combustible sur le marché international, on peut valablement s’attendre à une baisse des coûts de production et ainsi espérer une baisse des coûts de l’électricité. La Commission de régulation du secteur de l’énergie (Crse) va pouvoir apprécier par rapport à cela en tant que régulateur.

Mais il faut savoir que Senelec a déjà anticipé par rapport à l’arrivée du pétrole et du gaz en transformant ses centrales en adéquation avec la stratégie « gas to power » dans l’optique de pouvoir usiter le gaz sénégalais dans nos centrales, dès que ce sera disponible. Il faut noter également la construction de l’une des plus grandes centrales à gaz d’Afrique de l’Ouest, de 366 mégawatts, entièrement développée et financée par des Sénégalais.

La politique du mix énergétique et la transition énergétique avec l’apport du gaz seront déterminantes dans la baisse des prix de l’électricité.
 
Après la bonne performance de 2022 (progression du chiffre d’affaires de 43,72% à 885,9 milliards de FCfa), comment se porte Senelec en 2023 ?

Senelec est une entreprise en pleine mutation. Notre vision, articulée autour du Plan de développement stratégique (Pds) Dolli Sénégal, est de faire de Senelec à l’horizon 2025 une entreprise de service public, performante et innovante, orientée vers des énergies plus propres.

Notre défi aujourd’hui, c’est la baisse des coûts de l’électricité, mais c’est aussi l’accès universel à l’électricité à l’horizon 2025 tel que souhaité par son excellence le Président de la République, Macky Sall.
 
Quel est l’impact du prix du baril de pétrole sur votre activité ?

Tous les intrants qui nous permettent de produire de l’électricité sont importés et le combustible représente 60 à 70 % de nos charges. Nous avons en plus connu, ces deux à trois dernières années, des situations difficiles, avec notamment les restrictions dues à la pandémie de Covid-19, les conséquences de la guerre de la Russie en Ukraine avec particulièrement les incertitudes sur le marché international, la hausse des prix du pétrole et les fluctuations du dollar.

Mais Senelec reste une entreprise résiliente, déterminée à toujours fournir le meilleur service public de l’électricité aux Sénégalais.
 
Est-ce que Senelec continue de vendre de l’électricité dans la sous-région comme cela avait été annoncé il y a quelque temps ?

Bien sûr. Aujourd’hui, Senelec vend de l’électricité à la Gambie et nous arrivons à faire des chiffres d’affaires annuels quand même assez importants. Mais je voudrais expliquer pourquoi Senelec vend à la Gambie. Et pour ce faire, je donne toujours l’exemple du boutiquier.

Quand vous avez chargé suffisamment votre boutique de marchandises et que vous pouvez satisfaire la demande de votre propre quartier, vous n’allez pas refuser de vendre à un client qui vient d’un autre quartier. Au contraire, si vous refusez de lui vendre de la marchandise alors que vous en avez suffisamment pour satisfaire votre quartier, vous perdez de l’argent.

C’est exactement le même cas avec Senelec concernant l’électricité vendue à la Gambie. Senelec a quitté le rationnement pour entrer dans l’abondance d’électricité. Suffisamment abondant que nous pouvons nous permettre de vendre de l’électricité à la Gambie sans altérer la disponibilité du produit pour les Sénégalais.
 
Où en est le projet de réforme de Senelec en filiales ?

Il suit son cours. Nous avons adopté une feuille de route dans le cadre de l’appui qu’on a obtenu du Millenium challenge account, laquelle feuille de route définit des étapes. Et par rapport au calendrier fixé, nous sommes conformes.

Et comme vous le dites, Senelec sera séparée en quatre filiales, plus une holding : la filiale Production, la filiale Transport et la filiale Distribution commerciale en plus de la filiale Gaz où Senelec est l’agrégateur qui va acheter le gaz pour l’ensemble des acteurs utilisateurs de gaz qui sont dans le service public de l’électricité.
 
Aujourd’hui, comment se portent vos rapports avec les collectivités territoriales ?

Ils sont bons grâce au soutien du Ministère des Finances et du Budget qui, à la fin de chaque année, dans le cadre de la convention de dettes croisées, nous aide à recouvrer les factures d’éclairage public que les collectivités doivent à Senelec, les factures des communes et autres bâtiments qui sont sous leur responsabilité.

Nous, à notre niveau, en contrepartie, cela nous permettra de verser la Tco (taxe communale) que nous collectons. J’ai entendu certaines réclamations, mais je puis les rassurer qu’une fois qu’on se sera mis d’accord avec le Ministère des Finances sur le règlement du reliquat de la convention, les Tco collectées leur seront versées.   
 
Faut-il s’attendre à une augmentation de votre puissance totale installée qui avait cru de 10,7%, à 1789 KWh, en 2022 ?

Nous sommes passés d’une puissance totale installée de 500 mégawatts en 2011 à 1789 mégawatts aujourd’hui. Cela reflète la montée en puissance de Senelec. Nous allons encore renforcer le parc de production de l’entreprise pour pouvoir satisfaire la demande nationale et même continuer de vendre de l’électricité à certains de nos voisins de la sous-région.
 
Depuis quelque temps, on note de plus en plus d’accidents soit d’agents de Senelec, ou d’électrocution de personnes privées. Quelles sont les dispositions prises par Senelec ? Y a-t-il des modalités de prise en charge de ces types d’accidents ?

Les accidents d’origine électrique, que nous avons constatés ces dernières années, sont plutôt liés à une urbanisation que Senelec ne maîtrise pas. Je le dis souvent, l’électricité a peur de l’homme, a peur du Sénégalais, mais le Sénégalais n’a pas peur de l’électricité. Pourquoi je le dis ?

Parce que quand nous construisons nos lignes de transport et de distribution, nous ne venons jamais dans des zones d’habitation pour les installer. Nous allons toujours dans des zones vides et chaque ouvrage électrique bénéficie d’une déclaration d’utilité publique avant construction.

Maintenant, avec l’urbanisation galopante, ce sont souvent les gens qui viennent jusqu’à construire en dessous des lignes, en dessous des ouvrages électriques de Senelec. Ce que nous ne pouvons pas maîtriser, ce qui n’est pas de notre responsabilité. Et qu’est-ce qu’on voit d’habitude ?

Le balcon est très proche de la ligne électrique et un ouvrier armé de son outil en fer le dépose sur la ligne, par inadvertance, 30 kilovolts alors même que la tension 220 volts peut tuer.

Vous imaginez les dégâts que cela cause si ça se reporte sur 30.000 volts, 90.000 ou 225.000 volts ? C’est dramatique et nous le regrettons.

Maintenant, nous avons entamé un travail avec la Protection civile et les autorités administratives pour qu’elles nous aident à préserver ce qu’on appelle dans notre jargon « les couloirs des lignes, les couloirs des ouvrages » parce que les normes disent que pour chaque ouvrage, il y a une distance minimale à laquelle il ne faut pas s’approcher de l’installation au risque d’avoir une électrocution.

Et souvent, c’est le problème que nous avons. Mais nous continuons à y travailler. Cela peut nous coûter cher parce que parfois nous sommes obligés d’enterrer la ligne, or le rapport de prix entre une ligne souterraine et une ligne aérienne est de 1 à 3, mais la vie d’un Sénégalais vaut plus que cela et nous sommes obligés des fois de le faire.

Le Woyofal est structuré en trois tranches : la première tranche sociale, la deuxième tranche et la troisième. Chaque tranche fait l’objet de tarification spécifique.
 
La taxe communale est déduite à chaque recharge de crédit, mais la charge locative n’est déduite qu’une seule fois le mois. C’est bien de préciser qu’au troisième achat, le client commence un peu à empiéter sur la deuxième tranche.
 
Nous sommes passés d’une puissance totale installée de 500 MW en 2011 à 1789 MW aujourd’hui. Cela reflète la montée en puissance de Senelec. Nous allons encore renforcer le parc de production de l’entreprise pour satisfaire la demande nationale et même continuer de vendre de l’électricité à certains de nos voisins de la sous-région.

LE SOLEIL

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