A première vue, Abdoulaye Daouda Diallo a l’air d’un bon gentil homme, tant il peut inspirer confiance par son calme et sa sérénité. Mais son parcours politique indique qu’il est plutôt un loup dans la peau d’une chèvre.
Si on devait s’en tenir uniquement à ses prises de paroles publiques, on ne donnerait pas une once d’ambition à Abdoulaye Daouda Diallo. Politiquement comme administrativement, le nouveau chef de cabinet du président Sall est très effacé, ses sorties médiatiques assez rares. Mais il ne faut pas s’y tromper, il fait partie de cette catégorie de prédateurs qui avancent le visage masqué ; ces hommes qui tournent le dos à l’objet convoité, feignant de ne pas être intéressé.
Avant la publication du nom du Premier ministre, les supputations le plaçaient en bonne position parmi les prétendants sérieux à la primature. Macky a finalement choisi Amadou Ba comme chef du gouvernement. Abdoulaye Daouda Diallo qui ne souhaite visiblement pas rester sous les ordres du nouveau Pm quitte ainsi le ministère des Finances, évitant du coup le syndrome Abdou Diouf-Babacar Ba déjà connu sous le règne de Senghor.
Pourtant, si Amadou Ba est aujourd’hui présenté comme dauphin potentiel, la vérité est que le combat est loin d’être gagné. Avec son poste de chef de cabinet du président, il peut vite devenir le Jean Collin de l’Apr. En effet, pour la première fois depuis l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, Abdoulaye Daouda Diallo n’est pas membre du gouvernement. Une longévité qui, à côté du record détenu par Serigne Mbaye Thiam, ne s’explique pas par le hasard.
Ami du président
Plus qu’un compagnon de route, Diallo est l’ami de Macky Sall. C’ est un peu le syndrome Alioune Badara Cissé. Il voit en la personne du Président plus un ami voire un copain que le chef de l’Etat du Sénégal. Membre fondateur de l’APR, l’inspecteur des impôts et domaine revendique sa légitimité auprès du patron. ‘’Il réclame une partie de la réussite de Macky’’, souligne une connaissance.
Ancien Directeur administratif et financier de Dakar Dem Dikk (il sera introduit chez Wade par Christian Salvy), il a connu la chasse aux sorciers pour ne pas dire la ‘’démackysation’’ à l’Ipres. De Secrétaire général de l’Institut en 2008, il a été rétrogradé au poste d’adjoint au chef de Centre de Dakar plateau 1 (DP1) et Chef de bureau de recouvrement des Professions libérales entre 2009 et 2012.
Son parcours depuis l’arrivée de Macky au pouvoir semble confirmer cette thèse de l’amitié et de la fidélité, tant la confiance du président à son égard semble sans faille. Mbagnick Ndiaye l’a d’ailleurs appris à ses dépens avec le fameux texto qu’Abdoulaye Daouda Diallo a montré à Macky Sall, en plein conseil des ministres décentralisé à Fatick. Mbagnick sera sermonné par le patron de l’Apr sur la base d’accusations d’agression mortelle de ses partisans qui se révéleront fausses. Pour Abdoulaye Daouda Diallo, ce sera sans effet.
Ascension progressive
Promu ministre délégué chargé du Budget au lendemain de la seconde alternance, il est bombardé ministre de l’Intérieur, en septembre 2013, en remplacement du général Pathé Seck. Reconnu pour son calme, il va pourtant manquer terriblement de distance dans un département ministériel très sensible. L’homme ne s’est jamais rendu coupable d’invective ou d’injure. Son discours est donc politiquement correct, sa gestuelle mesurée.
N’empêche, il sera parmi les pires locataires de la place Washington en matière d’organisation des élections. Premier acte, une opération de confection de cartes nationales d’identité et de cartes d’électeur dans les locaux de la permanence de l’Alliance pour la République (APR) à Pikine nord. Deuxième acte, des bulletins et des affiches publicitaires qui mettent en valeur le OUI au détriment du NON en direction du référendum de mars 2016.
Accusé par l’opposition d’être partisan, ce quinquagénaire n’a rien fait pour se placer hors des soupçons. En réalité, son regard doux ne fait que dissimuler une autre facette de l’homme. ‘’Derrière cet air débonnaire se cache un redoutable tacticien, un homme de sueur froide. Politiquement, c’est un personnage sombre’’, témoigne un de ses proches.
Législatives chaotiques en 2017
Troisième acte et sans doute celui de trop, la publication des résultats du référendum avant la commission nationale de recensement des votes. Un acte inédit qui va provoquer des tirs groupés contre lui, jusque dans son camp. « Je n’ai pas compris pourquoi il y a eu cette sortie du ministre de l’Intérieur pour donner des chiffres’’, recadre Mbaye Ndiaye, son devancier à ce poste. « La prochaine fois, qu’il organise les élections de façon impeccable sur le plan matériel, mais qu’il ne plonge pas trop dans la mare de la politique politicienne », enfonce l’allié Djibo Ka.
Le summum sera atteint avec l’organisation chaotique des élections législatives de 2017 où les électeurs ont cherché en vain leur nom sur les listes électorales. Comme toute sanction, Abdoulaye Daouda Diallo sera muté au ministère des Transports, avant d’être porté au département des Finances au lendemain de la victoire de Macky à la présidentielle de 2019.
Lui qui avait fait des études en banques et finances (1994-1996) au Cofeb, un institut de la Bceao, succède à son rival Amadou Ba, muté aux Affaires étrangères. Là aussi, il va se signaler par une stratégie de torpillage des accords difficilement obtenus entre l’Etat et les enseignants en début 2022, en voulant faire passer les montants nets pour des sommes brutes.
D’élève moyen au sommet
Visage triangulaire, cette silhouette longiligne à la voix monocorde aime flotter dans ses ambles grands-boubous. Au plan des études, l’ex-pensionnaire de l’école primaire de Pété était un élève moyen qui va ensuite progresser pour avoir la mention Assez Bien au bac (Serie B) en 1985 au lycée Charles De Gaulle de Saint-Louis.
C’est que le monsieur au front dégarni est un bosseur qui se tue à la tâche, selon ses collaborateurs. ‘’Il est pragmatique et efficace. Il veut que les choses aillent très vite. Il a beaucoup d’entrain et il entraîne tout le monde dans ce qu’il fait’’, lui reconnaissait un policier.
Issu d’une famille modeste d’un petit village du Fouta dont la principale activité est l’élevage, il sait aussi goutter à la mondanité de la ville, malgré son air détaché. L’ex-DG de la Lonase a épousé la célèbre notaire Tamaro Seydi. Un an après l’union, la dame a accouché en France de jumelles dont le baptême a eu lieu le 9 février 2016 au 14ème arrondissement de Paris. Pour autant, il n’a pas oublié ses origines, dit-on. Ceux qui le connaissent le peignent en homme ‘’ancré dans sa culture jusqu’à la moelle des os’’.
seneweb
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