Au sein de Yewwi Askan Wi, globalement, la question de l’amnistie suscite des silences bien embarrassés. La preuve par Déthié Fall, à Tivaouane, lors du dernier Gamou. Au sein de Pastef de Ousmane Sonko, le débat est bien plus cornélien. Connu pour ses discours intransigeants sur la reddition des comptes, le maire de Ziguinchor semble coincé entre ses postures traditionnelles et la nécessité de soigner les relations avec certains de ses alliés, qui pourraient être bénéficiaires d’une loi d’amnistie.

L’annonce du Président Macky Sall de présenter une loi d’amnistie a fini par faire beaucoup de bruit dans le champ politique. Pour beaucoup, l’objectif est de permettre à Khalifa Sall et Karim Wade de se présenter à la présidentielle de 2024. D’autres y voient par contre une volonté d’absoudre les crimes économiques de ses alliés. En tout état de cause, si cette loi arrive à l’Assemblée Nationale, les députés devront choisir. Si le choix semble être facile pour les députés de Benno Bokk Yakaar (BBY), il paraît être cornélien pour ceux de l’opposition notamment les élus de Pastef.

L’historique des lois d’amnistie montre que cette disposition a surtout permis de régler des conflits politiques. D’avril 1976 avec à 2002, les lois d’amnistie sont intervenues pour « affranchir » des personnes condamnées pour la majorité dans un cadre politique. Le premier à en avoir bénéficié est le président Mamadou Dia. En mars 1974, Dia est gracié par le Président Léopold Sédar Senghor puis amnistié, en avril 1976. Il avait été jugé et condamné à perpétuité pour tentative de coup d’Etat.

D’autres ont aussi été amnistiés « de plein droit, toutes les infractions criminelles ou correctionnelles commises entre le 1er août 1987 et le 1er juin 1991, tant au Sénégal qu’à l’étranger, en relation avec les évènements dits « de Casamance ». Il s’agissait ici des condamnations en rapport avec la crise casamançaise.

La dernière loi date de 2002. Cette loi proposée par Ibrahima Isidore Ezzan, député du Parti démocratique sénégalais (PDS) a été adoptée par 70 voix pour, 27 contre et une abstention. En 1994, Amadou Clédor Sène, Assane Diop, sont arrêtés et jugés dans le cadre du meurtre de Maitre Babacar Seye. Ils sont considérés comme les assassins du magistrat et ont écopé d’une peine de 20 ans de prison et de travaux forcés. Ces derniers ont pu retrouver la liberté grâce à la loi Ezzan.

Le marteau de la reddition des comptes et l’enclume de l’amnistie des alliés

La loi d’amnistie diffère de la grâce présidentielle par le fait qu’elle efface la condamnation elle-même. Cette loi selon son contenu peut annuler l’ensemble des condamnations dans une période donnée. C’est dans ce cadre que le député Guy Marius Sagna a adopté une position tranchée en disant non « à une amnistie pour couvrir les crimes de Macky Sall, de ses directeurs, de ses ministres et des membres de sa famille ». L’activiste pointe du doigt les probables crimes économiques et détournements qu’auraient fait les proches du président Macky Sall.

Si l’activiste tient une position claire, ce n’est pas le cas du parti qui a porté sa candidature lors des élections législatives.

Le parti Pastef, à l’instar d’autre parti de l’opposition s’est, jusque-là, abstenu d’aborder publiquement la question. La question semble diviser au sein de l’entité. Un de ses membres les plus éminents propose une autre alternative. Il s’agit de Bassirou Diomaye Faye. Dans un entretien avec Seneweb, ce dernier préconise une solution beaucoup plus simple si le président Macky Sall veut réhabiliter Karim Wade et Khalifa Sall. « Ils avaient modifié le code électoral en 2017 pour introduire cette disposition qui a éliminé Khalifa Sall et Karim Wade. Ils n’ont qu’à réviser les dispositions dudit code pour les rétablir dans leurs droits civiques » a-t-il déclaré.

Toutefois, un malaise risque de s’installer si jamais le président de la République décide de maintenir ce projet de loi. Les « Patriotes » devront être obligés de choisir entre la réhabilitation de leurs alliés et la tenue de la promesse de reddition des comptes. « Quand j’arriverai au pouvoir en 2024, tous les voleurs iront en prison ». Ces paroles ont été prononcées par le chef de file des « Patriotes » lors du lancement du mouvement des sages de son parti. Et pour Mamadou Sy Albert, « le Pastef a tout intérêt de rester cohérent dans ses positions ». Même dans le cas où Khalifa Sall et Karim Wade risquent de ne pas retrouver leurs libertés civiques et politiques, l’analyste considère toutefois, qu’il peut y avoir un moyen pour le Pastef de sortir de ce dilemme. « Si la loi, telle que formulée, protège des criminels appartenant au régime actuel, le Pastef peut faire des amendements pour obtenir une modification afin que la loi soit circonscrite dans le cadre strictement de restaurer les libertés civiles et politiques de Karim et de Khalifa » explique Mamadou Sy Albert.

Pour rappel, le leader de Pastef a toujours défendu le fait que Khalifa Sall et Karim Wade devraient pouvoir participer librement à des élections. Reste à voir maintenant si Ousmane Sonko gardera sa logique au détriment de l’intérêt de ses alliés.

seneweb

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