LE VOILE DE L’ONANISME POLITIQUE

Port vestimentaire ? N’y a-t-il pas d’autres priorités ? Il faut, quand on est une autorité, être détaché des contingences, être juste et impartial dans les rapports avec ses administrés. Et pour ce faire, il n’y a pas meilleure façon que de respecter la loi et de la faire respecter. Le « defanté » (la confrontation) n’a jamais rien produit de grand, au contraire il abime la république en assujettissant le nécessaire à l’accessoire, la loi aux humeurs et volontés vagabondes du chef.

Tout le monde voit que l’école est devenue censitaire où des cours privés se font dans l’enceinte même de l’établissement : c’est contraire à la législation. L’école publique est privatisée au vu et au su de tout le monde. On tue l’école publique et, au lieu d’en parler et de le régler courageusement, on nous fait suffoquer avec des histoires de voile dans le privé catholique. Il faudra bien qu’on sonde un jour les motivations de cette obsession.

Tout le monde a constaté que l’école a perdu sa laïcité : c’est dans la cour de l’école même que les élèves se regroupent par affinité confrérique pour déclamer des chants religieux.

Tout le monde a vu que des lieux de culte sont érigés dans l’enceinte des établissements : rien ne le permet légalement ! C’est par tolérance que toutes ces choses ont été acceptées. Pourquoi vouloir légiférer davantage sur un problème que nos bonnes mœurs ont réglé en amont ? Qu’est-ce qui recherché sinon à prouver, comme un gamin, qu’on a en main les manettes ?

La fermeté et la légalité ou même le rigorisme d’accord, mais pas de façon sélective et conjoncturelle.

Les politiciens sont des météorologues de l’opinion, ils n’ont presque pas de foi ; du moins leur foi est aussi versatile que l’opinion. Le premier ministre veut qu’on le perçoive comme catégorique, inflexible et ferme : « nous sommes dans un pays où l’Etat a, malheureusement, fait montre de beaucoup de faiblesse et chacun réglemente à sa façon.

Dans d’autres pays, quand il est dicté que tel port vestimentaire n’est pas autorisé, tout le monde s’y conforme. En république, ça marche comme ça ».

Il faut d’abord rappeler au PM que nous ne sommes pas obligés de régler nos actions sur celles des autres pays : sinon qu’attendez-vous pour imposer la réciprocité en matière de visas ? Ensuite la fermeté envers les autres et l’anarchie envers ses propres gouvernés relève de la gesticulation pure et simple.

Si vous êtes vraiment légaliste et rigoureux avec la loi, mettez fin à l’anarchie qu’il y a dans les écoles publiques et dans nos universités où nos enfants sont devenus des sources de revenus suspectes pour certains enseignants.

L’enseignement dans les écoles publiques ne peut pas faire l’objet d’un commerce.

Or même si, à l’origine, les cours de renforcement étaient motivés par le souci de mettre à niveau les élèves démunis et dépourvus de moyens pour avoir des répétiteurs à la maison, la pratique les a dénaturés. Si vous êtes vraiment guidé par le souci de protéger les enfants de la république, mettez le curseur sur des problèmes plus urgents et plus graves.

Les vrais problèmes de l’école ne sont pas d’ordre cosmétique, ils sont stratégiques, structurels.

L’école est la promesse de la république, d’une vraie république et, en retour, celle-ci est la garantie de sa continuité : c’est à l’école que les principes d’égalité, de justice, de civisme, de patriotisme, etc. sont inculqués aux enfants. Ce sont ces enfants qui ont conscience d’appartenir à une république (res publica) qui leur est commune et qui, en même temps, transcende leurs spécificités, qui seront les piliers de cette république débarrassée de toutes coutures.

Une école étouffée et écartelée entre les croyances religieuses, les confréries et la cupidité financière de quelques acteurs est condamnée à mort.

Concernant les écoles étrangères qui opèrent au Sénégal, elles sont certes tenues de respecter la législation du pays, mais rappelez-vous que les élèves qui les fréquentent ne font pas forcément le même programme ni le même diplôme. Penserez-vous, monsieur le PM, à leur imposer de faire le bac et le brevet sénégalais ?

Ces écoles étrangères ne sont pas tombées du ciel, elles ne se sont pas installées au Sénégal en squattant des immeubles.

Elles bénéficient de conventions et, dans certains cas, d’accords de siège (avec tout ce que cela comporte comme privilèges) qu’ils ont signés avec l’Etat du Sénégal. La question préjudicielle est dès lors : quel est le contenu de ces accords ?

Mais l’autre question, subséquente cette fois-ci, est : que vont faire des sénégalais dans ces écoles alors que des écoles publiques et privées totalement régies par le droit sénégalais existent en abondance ? Pourquoi un sénégalais devrait-il préférer le bac français ?

Alassane K. KITANE

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