Comme dans le monde des affaires, le marketing est devenu un élément essentiel du paysage politique. Principale stratégie utilisée pour influencer le comportement des consommateurs,  le marketing est désormais utilisé pour influencer et guider les décisions de vote des citoyens. Par le biais du branding, les politiciens tentent de créer une image attrayante d’eux-mêmes et de leurs partis ou mouvements.

De nos jours, les hommes politiques ont différents canaux pour communiquer avec les militants. Désormais, en plus des journalistes à travers les médias classiques, ils ont des outils numériques avec lesquels, militants et citoyens les interpellent, commentent et critiquent leurs décisions et positions politiques. Dès lors, ces réseaux et médias sociaux numériques ont permis aux citoyens de mieux s’impliquer dans la vie démocratique de leur pays.

 Communication et politique: rappel historique

 La communication directe entre les candidats et l’électorat  émerge durant la période allant de 1824 à 1840 lors des présidentielles américaines.  Quant à l’instrumentalisation des technologies de la communication à des fins politiques et diplomatiques, elle situe vers la période 1914 et 1945, considérée comme ayant marqué la naissance de la propagande moderne.

C’est une période durant laquelle les deux puissances technologiques de l’époque, à savoir le Royaume-Uni et les États-Unis, ont exploité leurs avantages dans les technologies pour mobiliser l’opinion publique.

Ainsi,  les Anglais coupent les câbles transatlantiques des Allemands, et les Américains mettent sur pied le Committee on Public Information visant à persuader la population de l’intérêt d’entrer en guerre pour appuyer leurs alliés. La nécessité de mobiliser l’opinion publique constitue aussi, pour Hitler, une forte motivation pour développer les technologies de communication (Gingras, 2018). 

Communication politique

D’après Aldrin & Hubé (2017), Richard Perloff note qu’on peut définir la communication politique comme « le processus par lequel le langage et les symboles, employés par les leaders, les médias ou les citoyens, exercent des effets prévus ou imprévus sur les connaissances, les attitudes ou les comportements politiques des individus ou sur les résultats qui portent sur les politiques publiques d’une nation, d’un État ou d’un groupe social ». 

Pour les auteurs de  « Encyclopedia of Political Communication », Lynda Lee Kaid et Christina Holtz-Bacha, « la communication politique comprend aussi le rôle de la communication dans le travail de gouvernement, c’est-à-dire les activités de communication qui visent à influencer le fonctionnement des organes exécutifs, législatifs et judiciaires, les partis politiques, les groupes d’intérêt, les comités d’action politique et les autres parties prenantes du processus politique».

Marketing politique

Bongrand (1986), cité par Stenger (2012),  nous donne une définition du marketing politique à la suite de la définition générique de P. Kotler et B. Dubois. De ce fait, le marketing politique est considéré comme un « ensemble de techniques ayant pour objectif de favoriser l’adéquation d’un candidat et de son électorat potentiel, de le faire connaître à un plus grand nombre d’électeurs et par chacun d’entre eux, de créer la différence avec les adversaires et, avec un minimum de moyens, d’optimiser le nombre de suffrages qu’il importe de gagner lors de la campagne pour remporter une élection ».

Comme nous pouvons le constater, dans un contexte pratique, c’est généralement lors des périodes électorales que les politiciens mettent en place des stratégies de marketing.  Par conséquent,  “il s’agit de gagner des voix : maximiser l’emploi des ressources imparties en recueillant un maximum de suffrages et/ou améliorer certains indicateurs de performance (image, notoriété…)”.

Il important de noter que la littérature scientifique nous indique que l’histoire du marketing politique commence aux États-Unis en 1952. 

Le 34e président des États-Unis, Dwight David Eisenhower, “militaire et homme d’État américain, membre du Parti républicain”, est le premier à se servir du marketing politique dans sa stratégie de campagne. A l’époque, sous la coordination du cabinet de relations publiques (BBDO) et de l’agence Ted Bates pour l’audiovisuel, il a utilisé divers outils de marketing avec une simplification du message en tant que « proposition de vente unique ». 

Par conséquent, c’est évident que le marketing digital en politique provient aussi de ce pays.

D’après Barquissau & Schlenker (2017) qui citent Korjen  (2011),  c’est l’équipe de campagne de Bill Clinton qui a l’initiative d’utiliser le marketing digital en politique lors de la présidentielle américaine en 1992.

“La proposition d’un site Web pour le candidat était novatrice à l’époque où l’Internet comptait à peine une cinquantaine de sites au total.

Le site était essentiellement destiné à la dissémination des informations produites par la presse traditionnelle. Dans un monde où il n’existait ni navigateur Web, ni moteur de recherche, ni utilisation de courriels, le projet a reçu peu d’attention du public en général.” 

Par la suite, souligne Stromer-Galley (2014), nous assistons à une généralisation des efforts de marketing digital à l’ensemble de la classe politique durant la présidentielle de 1996.

Quatre ans plus tard, en 2000, les candidats aux élections introduisent les pratiques désormais traditionnelles de stratégie digitale : la mobilisation des bénévoles, la gestion communautaire, le lobbying, la recherche de financement, l’organisation des meetings, et l’amplification des messages à travers les médias sociaux (Bimber et Davis, 2003). 

 L’élection présidentielle américaine de 2008 a été aussi marquée par le marketing digital en politique à travers Barack Obama, une référence dans l’utilisation des médias sociaux pour la mobilisation des militants. Lors de la campagne présidentielle de 2008, les médias sociaux ont été au cœur de la stratégie de communication de celui qui est devenu le 44e président des États- Unis. 

Marketing politique au Sénégal: cas de l’ex PASTEF

Il y a quelques années, certaines personnalités du pouvoir ont qualifié l’ex parti politique, les Patriotes africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF), de parti des médias sociaux. En 2019, d’autres ont affirmé qu’Ousmane Sonko était le candidat des réseaux sociaux. À la surprise générale, lorsque les résultats ont été annoncés, Sonko est arrivé en troisième position. 

Un score remarquable pour un parti politique fondé juste cinq ans auparavant (2014) et qui participait à sa première élection présidentielle.  

L’ex PASTEF est l’un des partis qui compte le plus grand nombre de militants dans la diaspora. Pour le comprendre, il suffit d’observer leur capacité de mobilisation physique dans différents pays occidentaux. C’est aussi le parti qui a réussi des campagnes de levée de fonds en atteignant des centaines de millions.

A titre d’exemple, les militants de la diaspora ont apporté une contribution de cinq cent millions FCFA pour la présidentielle de 2024. 

 La force de ce parti réside, avant tout, dans sa manière d’utiliser les réseaux sociaux. Les militants ont réussi à constituer une réelle communauté en ligne sur les différents réseaux sociaux autour du “projet” que propose leur leader. Ils sont capables d’apporter des réponses, de se défendre, voire de riposter à chaque fois que Sonko est attaqué par ses adversaires.

Ils fouillent sur la toile, trouvent des informations afin d’apporter des réponses avec des messages, des analyses, des montages vidéos… qui sont partagés, par la suite. 

Sonko a révolutionné la manière dont les discours politiques sont prononcés au Sénégal. Quand il annonce un discours à diffuser sur ses comptes, ses partisans arrivent à créer une sorte  d’événement sur la toile. Dès lors, les discours de Sonko sont toujours très médiatisés et suivis par des milliers de personnes en direct sur Facebook, YouTube…  C’est ainsi qu’il communique et mobilise ses militants. 

De ce fait, ses partisans se retrouvent sur les réseaux sociaux pour discuter des discours, pour partager leurs impressions et pour se mobiliser pour la cause de ce qu’ils appellent “le projet”.

Présence digitale des candidats à la présidentielle de 2024

D’après les statistiques (Datareportal, 2024) plus de 3,71 millions de Sénégalais utilisent les réseaux sociaux, sur les 10,79 millions d’utilisateurs d’internet.  La plupart de ces internautes s’informent et partagent divers contenus sur Facebook, Twitter, YouTube, TikTok… 

Par conséquent, depuis quelques années, les acteurs politiques ont investi ces réseaux sociaux numériques pour mieux communiquer et entretenir des liens avec des militants et la population. 

Dès lors, certains partis se sont organisés pour mettre en place des groupes de militants que nous pouvons dénommer des “militants du web”. Ces derniers sont les militants qui vont occuper des plateformes en ligne à travers la production de contenus, d’ analyses, de commentaires, réponses à des posts, de likes lors des lives…

 Des médias de masse en passant par le cinéma, la communication politique s’est tournée vers les nouveaux canaux de diffusion de message que sont les médias sociaux.

Désormais, les hommes politiques doivent s’appuyer sur des stratégies digitales pour étendre leur influence avec des contenus personnalisés, avec plus de transparence, plus de proximité avec les citoyens, futurs électeurs. Des plateformes comme Twitter, Facebook ou TikTok… sont propices pour, non seulement, la diffusion de messages mais la récolte de réactions diversifiées qui peuvent amplifier des émotions… 

Avec le web, les acteurs politiques arrivent à mobiliser et sensibiliser des milliers de militants en quelques minutes avec une diffusion de messages sous différents formats (vidéo, audio, texte). Ce qui leur permet de multiplier leurs moyens pour atteindre l’électorat. Internet est, actuellement, l’un des meilleurs outils pour fédérer une communauté autour d’un projet politique.

Après quelques jours de campagne électorale pour l’élection présidentielle du 24 mars 2024 au Sénégal,  nous avons observé la présence digitale des 19 candidats.

Par conséquent, nous avons réuni, en détail, par ordre alphabétique, les liens et le nombre d’abonnés (à la date du 14 mars 2024) dans les réseaux sociaux que nous avons ciblés: Facebook, Instagram, X, TikTok, LinkedIn et YouTube . Ensuite , nous avons effectué un classement par ordre, selon le cumul d’abonnés pour chaque candidat.  

Nous précisons, qu’il ne s’agit pas d’une analyse des stratégies de communication digitale mais juste un état des lieux sur la présence digitale. A noter aussi, que le nombre d’abonnés augmente de jour en jour, surtout sur TikTok. Dès lors, en une journée, un candidat peut enregistrer des milliers d’abonnés. 

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35 commentaires

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