La gestion du Programme des Domaines agricoles communautaires (PRODAC) pour la période de 2018 à 2021 a été fouillé par la Cour des comptes dans son rapport de 2023. Le programme était prévu pour une durée de cinq ans (2014-2018), avec un budget total estimatif à mobiliser de 100 milliards de Francs CFA. La cour a révélé une véritable bamboula.

Dans son rapports, la Cour des comptes a relevé une kyrielle d’insuffisances dans le cadre de la gouvernance du Prodac, allant d’un ‘’organe de pilotage inactif’’ (le comité interministériel prévu par l’article 3 du décret n° 2014-498 du 10 avril 2014, n’est pas opérationnel) au ‘’défaut de conformité de l’organigramme’’ en passant par : « un défaut de mise en application des outils de pilotage ; défaut de mise en application du manuel de procédures administratives et comptables ; défaut de mise en application du manuel de suivi-évaluation ; ainsi qu’une défaillances du système d’information ».

A ces dysfonctionnements notés, s’ajoutent des insuffisances, irrégularités et manquements à la pelle notamment sur la gestion des marchés publics du Prodac.

A ce propos, le rapport liste, entre autres griefs :

_« des insuffisances notées dans la coordination du programme ;

_absence de validation des Programmes de Travail budgétaires annuels (PTBA) ;

_réalisation d’activités sans planification et défaut de réalisation d’activités prévues dans les PTBA ;

_défaut d’élaboration de projets et rapports annuels de performance ;

_manquements dans la gestion des marchés publics ;

_passation irrégulière de marchés pour le compte du Ministère de la Jeunesse ;

_paiements irréguliers d’indemnités de membres de commission des marchés ;

_non-respect des délais de mise en place des Domaines agricoles communautaires (DAC) ;

_Retards dans la réalisation des DAC de la première phase ;

_des réceptions de travaux réalisées par des commissions irrégulièrement constituées (Sefa et Keur Momar Sarr)… ».

Pas étonnant qu’à l’arrivée, ce programme d’un budget total estimatif à mobiliser de 100 milliards confié à l’entreprise israélienne Green 2000 n’ait toujours pas atteint ses objectifs.

En effet, à terme, il était prévu la création de 300?000 emplois?; la réalisation de 2 000 Unités Autonomes d’exploitation?(UAE)?; la création de 2 000 Groupements d’Entrepreneurs Agricoles (GEA) ; l’aménagement de 30?000 ha de terres?; la mise en place d’au moins 11 Domaines Agricoles Communautaires (DAC). A signaler que sur les 11 Dac prévus, les 8 ont pu être financés.

« 29 600 536 000 FCFA en 2016 dans le cadre d’une première phase relative à la construction des DAC de Séfa, Itato, Keur Samba Kane et Keur Momar Sarr financée par l’Etat du Sénégal à travers une convention signée avec Locafrique ; 59 534 000 000 FCFA en 2017 dans le cadre d’une deuxième phase à travers le Projet de Développement de l’Entreprenariat agricole au Sénégal (PDEAS) financé par la Banque islamique de Développement (BID) et relative à la construction des DAC de Niombato, Dodji, Fafacourou et Boulel », renseigne la Cour des Comptes.

Une bamboula financière

Au plan financier, c’est la bamboula totale. Profitant une dérogation exceptionnelle au code des marchés publics que l’Armp a autorisé (pour une durée de 2 ans, en 2016) au Prodac, des abus ont été notés.

« Il convient de souligner, révèle le rapport, que le Prodac n’a pas la qualité d’autorité contractante au sens de l’article 2 du Code des Marchés publics et que, normalement, ses procédures de passation de marchés auraient dû être déroulées par la commission des marchés de son ministère de rattachement.

Cependant, en vue d’assurer la célérité et l’efficacité de son action, l’ARMP avait accordé au PRODAC, à titre exceptionnel, une autorisation pour la mise en place d’une commission des marchés ».

En 2018, « le Prodac a passé, en sus des siens, des marchés pour le compte du Ministère de rattachement, alors même que ce dernier disposait de sa propre commission des marchés en tant qu’autorité contractante.

Ainsi retrouve-t-on dans le Plan de Passation des Marchés 2018 du Prodac, une rubrique ‘’Cabinet’’ alors que le cabinet du Ministère n’est pas une direction ou un service du Prodac. Toutes les procédures ont été mises en œuvre par la commission des marchés du PRODAC au profit du cabinet du ministère alors que celui-ci disposait de la sienne propre en sa qualité d’autorité contractante ».

Pire, passant au crible les mécanismes de financement et de remboursement de la dette, les auditeurs de la Cour des Comptes constatent des dépassements du montant des créances cédées par rapport au reliquat à verser.

Ainsi, il ressort de la situation des encaissements reçus directement par Locafrique par chèque qu’il y aurait « un surplus de 2 738 912 837 FCFA que l’État devra payer par rapport à ce qu’il aurait dû ».

De même, des incohérences dans le paiement des engagements de l’État envers la BNDE sont relevées et des paiements faits à des banques qui ne sont pas retrouvés dans les relevés du compte de dépôt du Prodac.

Abdoulaye Saydou Sow et le prêt de 10 000 000 francs CFA

Analysant la balance de 2021 ainsi que le compte « 471201, Prêt aux administrateurs », les contrôleurs constatent « une situation de 9 000 000 FCFA. Il s’agit d’un prêt d’un montant total de 10 000 000 FCFA accordé à l’ancien président du conseil d’orientation Abdoulaye Saydou Sow en avril 2017.

Ce prêt payable en 10 mensualités de 1 000 000 FCFA selon les termes de la lettre d’accord du Coordonnateur national et l’engagement signé de l’intéressé, devait être soldé en février 2018 ».

« Il est apparu qu’après un premier paiement de 1 000 000 FCFA, un second paiement a été effectué d’après les services de la DAF le 13 juin 2019 avec un versement en espèces de 5 930 000 FCFA effectué par Madame Awa Ndour sur le compte n° 21153490000 du PRODAC ouvert à la Banque pour Commerce et l’Industrie (BCI).

Cependant, aucun élément justifiant le rattachement de ce versement au remboursement du prêt n’a été donné.

De même, le compte 471201 n’a pas été mouvementé en conséquence et le reliquat du prêt de 3 070 000 FCFA n’a pas été recouvré depuis le deuxième versement », lit-on dans le rapport.

Interpellé à ce sujet, le concerné a finalement procédé au « versement de la somme de 3 070 000 FCFA indiquée en deux virements bancaires respectivement de 2 000 000 FCFA le 26 août 2023 et 1 070 000 FCFA le 28 août 2023 sur le compte du Prodac ».

48 millions FCFA d’indemnités pour les coordonnateurs et le SPMA

A l’instar du président du conseil d’orientation, les deux coordonnateurs du programme (Papa Malick Ndour et Manina Daffé) et le Spécialiste en Passation des Marchés et Approvisionnement (SPMA, Ibrahima Cissokho) se sont octroyés de petites largesses sur le budget du Projet de développement de l’entreprenariat agricole au Sénégal (PDEAS). Ils perçoivent, en plus de leur salaire, une indemnité mensuelle de 500 000 FCFA. Soit des indemnités cumulées de 48 millions de francs CFA.

« Pour Monsieur Papa Malick Ndour, ces indemnités pour charge supplémentaire qui ont été payées au coordonnateur du PDEAS et au SPM ont été autorisées par la BID au début du projet à travers un avis de non objection.

Il précise qu’en vue de prendre des mesures correctives, il sera suggéré au PRODAC le réexamen de cette question », indique le rapport.

De son côté, la Cour retient que, « quand bien même elles résultent d’une autorisation de la BID, ces indemnités revêtent un caractère discriminatoire dans la mesure où les autres agents du PRODAC intervenant dans le PDEAS n’en bénéficient pas ».

À signaler également que la Cour a relevé un « défaut de reversement des retenues fiscales et sociales » (Ipres, Css, Impôt…).

xibaaru

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