La coalition « Jamm Ak Njariñ », qui a réuni 330.865 voix, soit 9,13 % des suffrages exprimés lors des législatives du 17 novembre dernier, fut l’une des attractions de ce scrutin. Sa victoire dans le département de Podor pourrait constituer un point de départ de la stratégie d’ancrage territorial que compte mettre en œuvre le parti Nouvelle responsabilité d’Amadou Ba en vue des élections territoriales de 2027.
C’est un pari osé de l’ancien candidat à la présidentielle de mars 2024. Amadou Ba, à travers les élections législatives anticipées du 17 novembre dernier, voulait capitaliser sur son score après sa deuxième place lors de l’élection présidentielle de mars 2024. Amadou Ba, candidat de l’ex-camp présidentiel, avait eu 1.605.086 voix, soit 36 % des suffrages.
Lors du dernier scrutin législatif, la nouvelle coalition « Jamm Ak Njariñ » (Paix et prospérité) de l’ancien candidat à la présidentielle a engrangé 330.865 voix, soit 9,13 % des voix.
Ce qui la place en troisième position derrière la dominante Pastef (1.991.770 voix) et la coalition « Takku Wallu » de l’ancien président Macky Sall, du Pds, de Rewmi, etc., avec 531.466 voix. Mieux, la coalition dirigée par l’ancien Premier ministre s’est offert le scalp de « Takku Wallu » dans le département de Podor jadis considéré comme un bastion de l’Alliance pour la République (Apr) aux mains de l’ancien homme de confiance de Macky Sall, à savoir Abdoulaye Daouda Diallo.
Les candidats de la liste départementale, Moussa Hamady Sarr et Nafi Kane, ont ravi les deux sièges du département en obtenant 41.349 voix contre 37.713 voix pour « Takku Wallu ».
Cette prise de guerre pourrait être un point de départ pour Amadou Ba qui ambitionne de se constituer un ancrage territorial dans la perspective des prochaines échéances (élections territoriales de 2027). Par ailleurs, Amadou Ba, dans sa bataille de positionnement vis-à-vis de ses ex-alliés de l’Apr, pourra aussi compter sur l’apport des forces de gauche comme l’Alliance des forces du progrès (Afp), le Parti socialiste (Ps), le Parti de l’indépendance et du travail (Pit) et la Ligue démocratique (Ld).
Des forces progressistes qui, malgré l’effritement de leur électorat, demeurent toujours une force de propositions au cœur du débat public et sur le terrain des idées, pour un programme commun autour de « Jamm Ak Njariñ ».
En outre, la coalition a aussi souffert de la mise en place de l’inter-coalition « Samm Sa Kaddu » qui a empêché sa non-représentation dans les grands départements comme Dakar, Guédiawaye, Keur Massar et Tivaouane.
Des réserves de voix qui ont empêché la coalition de pouvoir peser sur la proportionnelle et engrangé plus de sept députés. La nouvelle coalition pourrait apparaitre comme une sorte d’épouvantail d’une opposition en pleine recomposition. Les absences des leaders comme Macky Sall (Apr) et Karim Wade (Pds) du territoire national semblent ouvrir la voie à Amadou Ba pour la place de chef de l’opposition.
S’adapter au contexte
Pour le journaliste Ibrahima Bakhoum, son image de technocrate trop policé pourrait lui être préjudiciable dans un contexte de fort renouvellement de la classe politique sénégalaise. « Amadou Ba pourrait souffrir d’un remodelage de la scène politique autour des réseaux sociaux et d’une nouvelle classe politique montante autour de jeunes figures de l’opposition.
De ce fait, la non-présence de grandes figures comme Macky Sall et Karim Wade pourrait s’avérer anecdotique dans un contexte de forte recomposition de la classe politique dans notre pays », affirme l’ancien directeur de publication de Sud Quotidien. Beaucoup moins pessimiste, Zahra Iyane Thiam, mandataire national de la coalition « Jamm Ak Njariñ », indique « qu’une évaluation objective des élections permettra de définir les perspectives en accord avec ses ambitions et les priorités de la coalition ».
Concernant la question du maintien de la coalition en vue des élections territoriales de 2027, l’ancienne responsable de l’Apr et ex-ministre de la Microfinance se veut prudente.
« Nous verrons à l’issue de l’évaluation », rétorque-t-elle. Pour sa part, Mamadou Sy Albert, analyste politique, a soutenu que le maintien de « Jamm Ak Njariñ » pourrait ouvrir la voie à une opposition plus consensuelle et moins radicale que « Takku Wallu ».
« La coalition pourrait s’imposer comme une alternative crédible à « Takku Wallu » qui risque de s’enfermer dans une opposition frontale à Pastef.
La coalition qui dispose d’un potentiel électoral et des leaders bien identifiés à l’Assemblée nationale aura aussi une tribune politique lui permettant de s’affirmer comme force de propositions et de consensus », argumente-t-il.
À terme, a ajouté M. Sy, « Jamm Ak Njariñ » pourrait aussi constituer un pôle attractif pour certains responsables de l’Apr et libéraux exaspérés par la gestion de « Takku Wallu » ; ce qui élargira grandement sa base électorale en vue des prochaines échéances.
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